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Mai-Juin – Psaume 90 – 14
Mois de mai et juin
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 14 sur le psaume 90
QUATORZIÈME SERMON. « Ils vous porteront entre leurs mains, etc. vous marcherez sur l’aspic et sur le basilic, etc (Psal. XC, 12, 13). »
1. Rendons grâces, mes frères, à notre créateur, à notre bienfaiteur, à notre rédempteur, à celui de qui nous devons attendre notre récompense, ou plutôt à celui qui est lui-même toute notre attente et toute notre espérance. Car il est lui-même tout à la fois, notre rémunérateur et notre rémunération et, dès maintenant, nous n’attendons rien de lui, que lui-même. D’ailleurs, considérons, premièrement, que nous tenons de lui tout ce que nous sommes, puisqu’il est certain qu’il nous a faits, et que nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes. Vous semble-t-il que ce soit peu de chose que Dieu vous ait faits tels que vous êtes ? D’abord, selon le corps, il, vous a faits la plus noble et la plus parfaite de toute les créatures visibles et, selon l’âme, il vous a donné bien mieux encore, car il vous a faits à son image, il vous a communiqué la raison et l’intelligence, et vous a rendus capables d’une éternelle félicité. L’homme mérite d’être admiré par dessus toutes les autres créatures, à cause des deux parties qui le composent, et qui sont unies ensemble par l’art incompréhensible et par la sagesse impénétrable du Créateur en sorte que l’homme est un des plus grands effets de la puissance, aussi bien que de la bonté de Dieu. Mais combien gratuite ne fut pas cette bonté de Dieu ? Il est évident que l’homme n’a pu rien mériter avant sa création, puisqu’il n’était pas encore. Et après qu’il eut reçu l’être, avait-il sujet d’espérer qu’il pût reconnaître, par quelque bienfait, la grâce qu’il avait reçue de son Créateur ? « J’ai dit au Seigneur, dit le Prophète : Vous êtes mon Dieu, parce que vous n’avez besoin d’aucun bien qui soit en ma puissance ( Psal. XV, 2 ). » L’homme n’avait donc pas sujet de penser qu’il pourrait reconnaître les bienfaits de Dieu, par quelque bienfait ou quelque service, puisqu’il se suffit pleinement à lui-même. Mais c’était assez à cette créature si comblée de bienfaits, de se promettre de les reconnaître, autant qu’elle le pouvait. Pourquoi ne donnerions-nous point des témoignages de notre reconnaissance ? Si quelqu’un avait en quelque: sorte contribué à nous faire recouvrer le sens de la vue, de l’ouïe, de l’odorat que nous avions perdu, ou nous avait rendu l’usage de nos pieds depuis longtemps paralysés, si, dis-je, quelqu’un nous avait rétablis dans l’entier usage de la raison, après que nous en aurions été privés, quel homme, n’aurait pas une extrême indignation contre nous, s’il nous voyait oublier un bienfait de cette nature, et la reconnaissance que nous devrions à celui qui. nous aurait rendu de pareils services ? Que ne devons-nous donc point à Dieu qui a formé tous ces membres de rien, pour nous les donner, que dis-je, non-seulement il les a formés, mais, en les façonnant comme le chef-d’œuvre de tous ses ouvrages, il leur a donné, dans toutes leurs parties et dans toutes leurs fonctions, tout l’ordre, toute la beauté et toute la perfection dont ils étaient capables ? Quelles actions de grâces ne lui devons-nous point pour cela ?
2. Dieu ne s’étant pas contenté de nous avoir donné l’être en nous créant, a encore voulu ajouter à ce don tout ce qui devait en assurer la conservation, et en cela sa libéralité n’a pas été moins recommandable que sa puissance digne d’admiration. « Faisons, dit-il, l’homme à notre image, et à notre ressemblance (Gen. I, 26). » Et qu’ajoute-t-il après? « Qu’il soit le maître des poissons qui nagent dans la mer, des bêtes qui marchent sur la terre et des oiseaux qui volent dans l’air. Il venait de déclarer qu’il avait formé les cieux et les éléments pour l’usage de l’homme; car il avait dit qu’il avait créé les astres pour qu’ils fussent des signes et qu’ils marquassent les temps, les jours et les années. Pour qui tout cela, sinon pour nous ? Car les autres créatures, ou n’ont aucun besoin de ces signes, ou ne sont point capables de les entendre. Quelle richesse, quelle libéralité dans le bienfait de notre conservation ! le second qui réclame notre reconnaissance ! Combien de choses ne nous a-t-il point données pour soutenir notre vie ? Combien pour nous instruire ou pour nous consoler ? Combien aussi pour nous corriger et nous ramener à lui lorsque nous nous égarons ? Combien, enfin, en a-t-il faites qui ne sont destinées qu’à notre plaisir ? Mais s’il nous a donné l’être et s’il nous le conserve sans que nous ayons pu le mériter, c’est un double bienfait doublement gratuit. Et que dis-je doublement gratuit ? S’il nous a donné ces deux biens sans mérite de notre part, il nous les a donnés aussi sans aucune peine, sans aucun travail, et avec une merveilleuse facilité. «Il n’a fait que dire, et aussitôt toutes choses ont été faites (Psal. XXXII, 9). » S’il les a faites de rien, elles ne lui ont aussi rien coûté, faut-il pour cela que nous soyons moins pieux, moins fervents, moins reconnaissants ? Mais c’est le propre d’un cœur pervers de chercher des occasions et des prétextes d’ingratitude ? On ne peut en user ainsi, qu’on ne soit ingrat sans le moindre sujet. Le double bien que nous avons reçu, nous est-il moins utile parce qu’il a peu coûté à celui qui nous l’a donné ? Si quelqu’un de nous estimait que les biens qui coûteraient davantage à Dieu nous seraient pour cela plus utiles, il raisonnerait d’après lui-même et d’une manière qu’il aurait apprise dans son cœur, non ailleurs. Ainsi, il est certain que, pour l’ordinaire, on serait plus prompt à donner un secours a son prochain s’il coûtait peu à rendre, néanmoins personne ne voudrait que cette circonstance, d’avoir fait plaisir, facilement, et sans s’être donné de peine, fût. un motif pour celui qu’on a obligé de se croire dispensé de reconnaissance.
3. Cependant Dieu n’a pas borné là ses bienfaits, il en est un troisième, celui de notre Rédemption, qui mérite que nous nous arrêtions à le considérer. Nous ne saurions nous excuser de même d’en concevoir de la reconnaissance, car il lui a coûté beaucoup à nous les procurer. En effet, s’il nous a rachetés gratuitement, et sans que nous l’ayons mérité en aucune sorte, ce n’a pas été sans qu’il lui en contât beaucoup. Il nous a sauvés sans qu’il nous en ait rien coûté, mais ce n’a pas été pour rien. Comment l’amour que nous lui devons est-il languissant et assoupi au fond de notre cœur ? Que dis-je, comment est-il mort ? Car l’âme qui ne répond point à ce bienfait par des actions de grâces et des cantiques de louange ne dort plus, elle est morte. Il est évident que ce troisième bien nous rend les deux premiers beaucoup plus recommandables, en nous montrant que ç’a été par un véritable amour, que Dieu nous les a donnés, et que, s’il nous a créés, et s’il nous conserve avec une grande facilité et sans peine, ce n’est pas parce qu’il n’a point voulu le faire autrement; mais c’est parce qu’il n’a pas fallu qu’il le fit d’une autre manière. Notre Dieu nous a donc faits. Il a fait une infinité de choses poux, nous. Et enfin il s’est fait homme lui-même pour nous. Le « Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous (Joan. I, 14). » Que peut-il de plus ? Il s’est fait une même chair avec nous, et il fera que nous ne soyons qu’un même esprit avec lui. Que ces quatre bienfaits ne sortent donc jamais de votre esprit ni de votre bouche, de votre mémoire ni de votre cœur. Pensez-y toujours. Mettez vos délices à les méditer. Excitez et pressez votre âme par la vive considération de ces bienfaits. Tâchez de l’enflammer en l’y tenant attentive, afin qu’elle paie d’un juste retour celui qui nous témoigne son amour de tant de manières. Souvenons-nous surtout de ce qu’il nous dit lui-même : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements (Joan. XIV, 15). » Observez donc les commandements de votre créateur de votre bienfaiteur, de votre rédempteur et de votre rémunérateur.
4. Si les bienfaits de Dieu sont au nombre de quatre, quel est le nombre de ses commandements ? Il n’est personne qui ne sache qu’il y en a dix, et si nous multiplions le nombre quatre par le nombre dix nous aurons le nombre quarante, la vraie et spirituelle quadragésime. Seulement il faut être dans la défiance et dans la crainte, et préparer nos âmes à la tentation. Prenez garde à la finesse du serpent. Observez les embûches de l’ennemi. Car il s’efforce d’empêcher par quatre sortes de tentations que nous ne nous acquittions des quatre actions de grâces que nous devons rendre à Dieu, à cause des quatre bienfaits dont je vous ai parlé. Jésus-Christ a éprouvé toutes ces tentations, selon ces paroles pleines de vérité de l’Apôtre : «Jésus-Christ a été tenté par toutes sortes de tentations, parce qu’il ressemblait aux pécheurs par sa chair, quoiqu’il fût sans aucun péché. » Quelqu’un, peut-être, s’étonnera de ma pensée, et dira qu’il n’a pas lu, dans l’Evangile, que Notre Seigneur eût souffert quatre sortes de tentations. Mais je crois que cela ne saurait faire une difficulté pour personne, si on n’a pas oublié que « la vie de l’homme est une tentation sur la terre (Job VII, 1). » Car celui qui considérera bien cette vérité sera persuadé que Notre-Seigneur n’a pas souffert seulement que les trois tentations marquées dans l’Evangile, lorsqu’il est dit qu’il jeûna dans le désert, qu’il fut porté sur le plus haut du temple, et sur le sommet d’une montagne. Dans ces trois occasions, la tentation qu’il souffrit était certainement manifeste. Mais la tentation qu’il souffrit depuis lors jusqu’à sa mort sur la croix fut plus véhémente que les trois premières, quoique plus cachée : et ce genre de tentations secrètes se rapporte assez aux pensées que j’ai émises touchant les bienfaits de Dieu. Car les trois premiers bienfaits étant consommés dès cette vie sont évidents, et connus de tout le monde. Mais quant au dernier bienfait, qui appartient à l’espérance de la vie éternelle, n’ayant pas encore son dernier, accomplissement, il n’est pas encore manifeste à nos yeux. Aussi ne devons-nous pas nous étonner si la tentation opposée à ce bienfait est cachée, puisque la cause de cette tentation l’est pareillement : mais elle est plus longue et plus forte, attendu que l’ennemi met en usage, contre notre espérance, tout ce qu’il a de méchanceté.
5. Afin donc premièrement de nous rendre ingrats envers l’auteur de la nature, il s’efforce de nous faire entrer en ce qui regarde cette nature, dans des soins beaucoup plus grands que nous n’en devons avoir. Et c’est ce qu’il tâcha d’inspirer même à Notre-Seigneur, lorsqu’il osa lui dire, pendant qu’il avait faim dans le désert : « Dites que ces pierres deviennent du pain (Matth. IV, 3). » Comme si celui qui nous a faits, ignorait les besoins de notre corps, ou comme si celui qui donne la nourriture aux oiseaux du ciel n’avait pas soin des hommes. Celui qui ne craindrait point de se prosterner devant Satan et de l’adorer, afin d’obtenir des biens temporels et passagers, que sa cupidité lui fait désirer avec ardeur, serait bien ingrat envers le Créateur, qui a fait tout le monde pour l’homme. « Je vous donnerai toutes ces choses, dit cet esprit méchant, si vous vous prosternez pour m’adorer. » Misérable, as-tu fait ces choses que tu promets de donner ? Comment pourras-tu donner ce que Dieu seul a créé ? Ou comment peut-on espérer recevoir de toi, et te demander, en t’adorant, les choses qui ne sont point en ta puissance, mais seulement en celle de Dieu qui les a faites ? Quant à la tentation par laquelle Satan sollicite Notre-Seigneur : de se précipiter du haut du temple, c’est un avertissement donné à tous ceux qui sont élevés aussi au plus haut du temple par leur ministère, de se tenir soigneusement sur leurs gardes. Pour vous donc qui êtes établis dans la maison de Dieu comme une sentinelle en observation, veillez sur vous. Oui, vous tous qui, dans l’Eglise de Jésus-Christ, occupez la plus haute place prenez garde à vous. Combien êtes-vous ingrats envers Dieu, et combien votre conduite est-elle injurieuse pour les mystères dont il vous a faits les dispensateurs, si vous regardez la religion et la piété comme un moyen de chercher vos intérêts, et de satisfaire à vos passions ? Combien êtes-vous infidèles à celui qui a sanctifié par son propre sang le ministère divin qu’il vous a confié, si vous cherchez par là votre propre gloire qui n’est rien, et vos propres intérêts, au lieu de rechercher les intérêts de Jésus-Christ ! Que vous répondez indignement à l’honneur qu’a daigné vous faire celui qui, dans la dispensation des mystères de sa chair, par lesquels il s’est humilié, vous a tant élevés au dessus des autres, qui vous a commis l’administration de ses divins sacrements, qui vous a donné une puissance toute céleste et peut-être plus grande que celle même qu’il a donnée à ses anges, si, de l’élévation où vous êtes, vous vous précipitez en bas, et si aux choses élevées et spirituelles vous préférez celles qui sont basses et terrestres. De même on ne peut douter que tous ceux qui, du comble des vertus où ils devaient être élevés par leur état, s’abaissent jusqu’à la recherche de la vaine gloire, ne rendent l’injure au lieu de l’action de grâce à ce Seigneur des vertus qui a souffert tant de peines parmi les hommes pour imprimer en eux la forme de sa sainteté.
6. Examinons attentivement, mes, frères, si cette première tentation qui tire notre âme de son repos à l’occasion et sous le prétexte des nécessités corporelles, ne mérite point d’être comparée à l’aspic. Cet animal, en effet, blesse les hommes par ses morsures, et se bouche les oreilles pour ne point entendre la voix de l’enchanteur. N’est-ce pas ce que le tentateur s’efforce de faire par ce genre de tentation, quand il essaie de boucher, et de fermer les oreilles de notre cœur aux consolations de la foi ? Mais l’ennemi ne réussit point par cette première tentation à l’égard de celui à qui il ne put boucher les oreilles du cœur et qui le confondit par cette réponse : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui procède de la bouche de Dieu (Matth. IV, 4). » Mais dans ces paroles de Satan : « Je vous donnerai toutes ces choses, si vous vous prosternez pour m’adorer» vous pouvez reconnaître le sifflement du dragon qui se prépare à attaquer l’âme. On dit que ce serpent, caché dans le sable, attire à lui, par un souffle envenimé, même les oiseaux dans leur vol. Combien était envenimé le souffle du démon qui disait : « Je vous donnerai toutes ces choses, si vous m’adorez en vous prosternant ! Mais Notre Seigneur n’est pas si facile à prendre, et le souffle de ce dragon ne put rien sur lui.
7. Voyons ce que nous avons encore à dire du basilic. Il est plus à craindre que tous les autres monstres et l’on dit qu’il infecte et tue les hommes par sa seule vue. Le poison mortel, figuré par le venin de ce serpent, n’est autre chose que la vaine gloire, si je ne me trompe. « Prenez garde, dit Notre Seigneur, de ne point faire vos bonnes œuvres devant les hommes dans le but d’être vus par eux (Matth. VI, 1). » Comme s’il disait : Gardez-vous des yeux du basilic. Mais à qui pensez-vous que nuise cet animal ? C’est à ceux qui ne l’aperçoivent point. Car si on le découvre le premier, il ne peut nuire, à ce qu’on dit, mais plutôt on lui cause la mort. Il en est ainsi, mes frères, de la vaine gloire, elle fait mourir ceux qui ne l’aperçoivent pas, ceux qui sont aveugles et négligents, ceux qui se présentent et qui s’exposent à elle au lieu de regarder ou elle est, d’observer ses approches et de la discerner, ceux enfin qui ne savent point voir combien elle est frivole, périssable, vaine et inutile. Quiconque regarde la vaine gloire de cette manière donne la mort au basilic et la vaine gloire, au lieu d’avoir la puissance de lui ôter la vie de l’âme, meurt elle-même, tombe en poussière, et se réduit à rien. Il n’est pas besoin d’examiner, je pense, comment se rapporte à la vaine gloire la tentation que le démon fit éprouver à Notre Seigneur, lorsqu’il lui, dit : « Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas (Matth. IV, 6). » Car pourquoi lui parla-t-il de la sorte, sinon afin de l’engager à se montrer au basilic, et à se faire louer par lui ?
8. Considérez avec moi comme ce basilic se cachait, pour empêcher Notre Seigneur de le découvrir le premier. « Il est écrit, disait-ils que Dieu, a commandé à ses anges de vous garder, et ils vous porteront entre leurs mains. » Esprit malin, dis-moi, oui, dis-moi ce qui est écrit:: « Il a commandé à ses anges. » Que leur a-t-il commandé ? Remarquez avec moi, je vous prie, que cet esprit, malin et trompeur omit les paroles qui pouvaient anéantir l’artifice que sa malice lui suggérait. Que leur a-t-il donc commandé ? Ecoutez le Psalmiste : « Qu’ils vous gardent dans toutes vos voies. » Est-ce dans des précipices, comme la distance du haut du temple jusques en bas ? Ce n’est pas là une voie, mais une chute, et si c’est une voie, ce ne petit être que celle du démon, non de Jésus-Christ. Esprit superbe, c’est en vain que tu emploies, pour tenter le chef des élus, des paroles saintes qui n’ont été écrites que pour consoler et fortifier ses membres. Il n’y a que ceux qui ont à craindre de se blesser les pieds contre des pierres qui ont besoin d’être gardés en marchant, celui qui n’a rien à craindre n’a pas besoin qu’on le garde. Pourquoi donc, esprit tentateur ne continues-tu point avec le Psalmiste : « Vous marcherez sur l’aspic et sur le basilic, et vous foulerez aux pieds le lion et le dragon ? » C’est, sans doute, parce que ces paroles te regardent. Une créature monstrueuse par sa méchanceté, et digne d’être foulée aux pieds, mérite d’être désignée par des noms d’animaux monstrueux eux-mêmes, et de les recevoir non-seulement de la bouche de celui qui est le chef de tous les fidèles, mais aussi de tous ses membres. Cet impitoyable ennemi, après la triple confusion que Notre Seigneur lui fit essuyer, n’eut plus recours contre lui à la ruse du serpent mais à la cruauté du lion, en l’accablant de mille injures et de mille outrages, en faisant pleuvoir sur lui les coups de la flagellation et les soufflets, enfin en le traînant à la mort ignominieuse de la croix. Mais le lion de la tribu de Judas t’a foulé aux pieds, lion rugissant et cruel. Il nous traite, mes frères, comme il a traité Notre Sauveur. Se voyant déçu dans toutes les entreprises qu’il a faites contre nous, ils nous suscite, dans sa fureur, une persécution différente de celle que nous avons endurée au commencement, pour tâcher de nous priver du royaume des cieux, par la violence des afflictions. heureuse l’âme qui foule aux pieds ce lion, avec force et courage, et se met en, état d’emporter et d’acquérir le royaume des cieux, par une sainte et salutaire violence.
9. Désormais donc, mes très-chers frères, marchons avec toute la précaution et tout le soin possible, comme si nous marchions sur des aspics et sur des basilics. Arrachons de notre cœur toute racine d’amertume, afin que personne, parmi nous, ne soit mordant dans ses paroles, audacieux inexorable et rebelle. Et gardons-nous bien de nous précipiter en bas, mais élevons-nous et passons par dessus le regard mortel de la gloire temporelle, sans la regarder, imitons les oiseaux, « devant lesquels on jette inutilement le filet (Prov. 1, 47). » Foulons aux pieds le lion et le dragon, afin que ni le rugissement de l’un, ni le sifflement de l’autre ne nous puissent nuire. Les quatre monstres du verset de notre psaume répondent chacun à quatre de nos passions. A quelle passion pensez-vous que répondent les embûches du dragon, c’est à Ia cupidité, parce qu`il sait qu’elle est la racine de toutes sortes de maux, et que c’est elle principalement qui met le cœur en désordre. De là vient qu’il dit : « Je vous donnerai toutes ces choses (Matth. IV, 9). » Quant au lion, il est manifeste qu’il ne fait entendre ses rugissements épouvantables qu’à la porte de ceux qui sont déjà dans la crainte. L’aspic observe ceux qui sont dans la tristesse, parce que cette passion lui donne la facilité qu’il demande pour faire ses morsures. Aussi ne s’approcha-t-il de Notre Seigneur que lorsqu’il le vit avoir faim. Enfin, il faut que ceux qui se laissent aller à la joie craignent les regards du basilic, parce que c’est par la joie que l’on donne entrée aux regards envenimés de ses yeux. Et la vaine gloire ne nous blesse et n’entre dans notre cœur que lorsque nous nous laissons aller à la vaine joie.
10. Considérons maintenant si nous pouvons opposer quatre vertus à ces quatre tentations. Le lion rugit : qui est-ce qui ne craindra pas ? Ce sera l’homme fort et courageux. Mais après avoir échappé, au lion, le dragon se cache, dans le sable pour attirer l’âme par son haleine empoisonnée en lui, inspirant comme par son souffle, le désir des choses de la terre. Qui sera celui qui évitera, ses embûches ? Ce ne sera que l’homme prudent. Mais peut-être, pendant que vous êtes sur vos gardes pour ne pas tomber dans les pièges de l’ennemi, vous vous trouvez en butte à quelque fâcheux traitement de la part des hommes, aussitôt l’aspic se présente, s’imaginant avoir trouvé le moment favorable. Qui est-ce qui ne se sent point blessé par cet aspic ? Ce sera seulement l’homme d’un esprit égal et modéré, qui sait être le même dans l’abondance comme dans la disette. Quand vous aurez ainsi, heureusement, échappé à tous les périls, l’ennemi prendra encore occasion de vos succès, pour vous flatter et vous entraîner dans la vanité par des regards pervers. Qui se détournera des regards du basilic ? Ce sera le juste, qui, par sa justice et son équité, non-seulement ne voudra pas usurper la gloire qui appartient à Dieu, mais ne voudra pas même recevoir celle qui lui sera offerte par les autres hommes. Mais il, faut pour cela que ce juste soit tel qu’il accomplisse avec justice toutes les choses qui sont justes, qu’il ne fasse point ses bonnes œuvres devant les hommes pour en recevoir des témoignages, et qu’enfin il ne s’élève jamais par aucune présomption, quelque justice qu’il ait en lui-même. Car cette vertu consiste principalement dans l’humilité. Elle rend l’intention pure, et son mérite est d’autant plus véritable et plus efficace qu’elle est plus éloignée de se l’attribuer.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
- Quatorzième sermon
Solennités en mai
Cette page indique uniquement les Solennités et autres fêtes ou particularités du mois.
En dehors de ces jours, consulter les Horaires Messes et Offices
SAMEDI 14 MAI – Saint Matthias – Mémoire
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
JEUDI 26 MAI – Solennité de l’Ascension du Seigneur
– 10h00 : Messe
MARDI 31 MAI – Visitation de la Vierge Marie – Solennité
– 10h00 : Messe
N.B. – tous les lundis, jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Mai-2022
Avril – Psaume 90 – 13
Mois d’avril
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 13 sur le psaume 90
TREIZIÈME SERMON. « Ils vous porteront entre leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre quelque pierre (Psal. XC, 12). »
1. Nous pouvons entendre le verset : « Ils vous porteront dans leurs mains, » non-seulement des consolations et des assistances présentes, mais aussi de celles de l’avenir. Il. est certain. que les saints anges nous gardent dans nos voies durant le cours de cette vie; mais lorsque notre voyage sera fini, c’est-à-dire, lorsque nous sortirons de cette vie, ils nous porteront entre leurs mains. Et nous ne manquons pas de témoignages à l’appui de ce que je vous dis. Il n’y a pas longtemps vous avez entendu dire que notre bienheureux père saint Benoît, paraissant avoir les yeux attentifs à regarder l’éclat d’une brillante lumière, vit l’âme de saint Germain (a) évêque de Capoue portée au ciel par les anges dans un globe de feu. Mais qu’avons-nous besoin de ce genre de témoignages ? celui qui est la vérité même n’a-t-il pas dit, dans l’Évangile, que ce pauvre qui était couvert d’ulcères « fut porté par les anges dans le sein d’Abraham (Luc. XVI, 22). » Nous ne pourrions de nous-mêmes marcher dans une voie si nouvelle et si inconnue, d’autant plus qu’il se trouve au milieu une si grande pierre d’achoppement à craindre. De quelle pierre parlé-je ? C’est de celui qui était autrefois adoré dans des pierres, et qui présenta des pierres à Notre-Seigneur, en lui disant : «Ordonnez que ces pierres deviennent du pain (Matt. IV, 3). » Or, votre pied, ce sont vos affections et vos passions. Voilà ce pied de l’âme que les anges portent entre leurs mains, de crainte que vous ne le heurtiez et ne le blessiez contre la pierre. Car comment ne serait-elle pas extrêmement troublée si elle sortait toute seule de cette vie pour entrer dans ces voies et marcher seule parmi les pierres de scandale, et de ruine que l’ennemi lui présentera ?
a Ce passage nous fait connaître que ce sermon a été prononcé peu de temps après la fête de saint Benoît, dont saint Grégoire rapporte ce trait dans son livre II, des Dialogues, chapitre 35.
2. Mais il faut que je vous explique encore plus clairement combien il vous est nécessaire d’être portés par les mains des anges. » Vous marcherez sur l’aspic et sur le basilic, et vous foulerez aux pieds le lion et le dragon. » Quel serait le désordre et le trouble de votre âme au milieu de ces monstres terribles ? Ce qu’il faut entendre par là, n’est autre chose que les mauvais esprits parfaitement figurés par ces monstres horribles. C’est de ces esprits cruels et méchants, vous ne l’avez pas oublié, je pense, qu’il est dit plus haut : « Il en tombera mille à votre main droite.» Mais qui peut savoir si les œuvres de malice et les ministères d’iniquité sont divisés et partagés entre ces esprits, en sorte que ces divers offices, par lesquels ils exercent différemment leur méchanceté sur les hommes, doivent être signifiés et représentés par les divers noms et par les différentes propriétés de ces bêtes? L’un par l’aspic, l’autre par le basilic, celui-ci par le lion, celui-là par le dragon, parce que chacun d’eux nuit à sa manière par des mesures cruelles ; l’autre par de simples regards, celui-ci en renaissant et en frappant, celui-là, par son souffle de son haleine. Nous lisons dans l’Evangile, qu’il y a un certain genre de démons, qu’on ne saurait chasser que par la prière et le jeûne (Matt. XVI, 20). Les apôtres n’avaient aucune puissance, par leurs paroles, sur ces sortes de démons. N’étaient-ce pas des aspics (Psal. LVII, 5); car il y est dit dans un psaume que ce serpent est sourd, et qu’il bouche ses oreilles pour ne pas entendre la voix de l’enchanteur ? Voulez-vous marcher en sûreté, après votre mort sur les aspics ? Prenez garde, durant cette vie, de ne point marcher après eux. Ne les imitez pas, vous n’aurez point sujet de les craindre plus tard.
3. Il y a des vices particuliers sur lesquels, je pense, dominent ces sortes de démons ; je crois que ces vices sont ce mouvement circulaire dont je vous ai parlé hier, en vous disant de vous en garder soigneusement, et cette obstination contre laquelle je vous ai prémunis avant-hier ; je suis bien aise de vous en parler encore, et toutes les fois que les occasions s’en présenteront, je ne négligerai point de vous suggérer tous les moyens en mon pouvoir de fuir cette peste pernicieuse de l’âme et de vous en garantir. On peut dire, en un mot, que cette obstination est la ruine de toute religion : c’est véritablement comme parle Moïse, « un venin d’aspic incurable (Deut. XXXII, 33). » On dit que l’aspic appuie une de ses oreilles le plus fort qu’i! peut contre la terre, et bouche l’autre avec sa queue, afin de ne point entendre les paroles de l’enchanteur. Que peut donc sur lui, la voix des enchanteurs Évangéliques ? Que peut la parole de ceux qui lui annoncent les vérités chrétiennes ? Que ferai-je donc pour gagner un aspic comme celui-là ? Je me mettrai en prière pour lui, pour lui, j’humilierai mon âme, par le jeûne. Je me baptiserai pour ce mort, par l’épanchement abondant de mes larmes, quand je verrai que les enchantements humains les plus sages, et les avis les plus convenables auront échoué contre son obstination. Que l’homme indocile et opiniâtre considère que ce n’est pas vers le ciel qu’il élève sa tête ; mais que c’est sur la terre qu’il la tient attachée, puisque la sagesse qui vient du ciel non-seulement est modeste, mais ne produit dans le cœur que paix et docilité ; leur prudence est celle des aspics ; elle est terrestre et animale. Mais cet aspic ne serait pas sourd comme il l’est, s’il ne bouchait encore une de ses oreilles avec sa queue. Or, que signifie cette queue ? C’est la fin à laquelle on se propose d’arriver. La surdité d’un homme qui se tient comme serré contre terre, c’est-à-dire qui s’attache à sa propre volonté, et qui comme l’aspic replie sa queue pour se boucher une oreille, c’est-à-dire, forme dans son esprit quelque dessein et met dans son cœur un objet qu’il désire d’obtenir, est une surdité désespérée. Je vous en conjure donc, mes frères, ne bouchez point vos oreilles, n’endurcissez jamais vos cœurs. Car c’est cet endurcissement et cette surdité volontaire qui fait sortir de la bouche d’un homme opiniâtre tant de paroles injurieuses et amères, parce que, en cet état, il est inaccessible et impénétrable à tous les témoignages de bienveillance qu’on lui peut donner, en l’avertissant de son devoir. C’est parce qu’il s’est endurci avec tant de soin contre la voix du saint enchanteur de son âme, que sa langue, semblable à un dard, demeure toujours pleine du venin de l’aspic.
4. Quant au basilic, ou dit qu’il porte son venin dans les yeux ; c’est l’animal le plus méchant et le plus à craindre. Voulez-vous savoir ce que c’est qu’un œil envenimé, un œil méchant, un œil capable d’empoisonner et de tuer par ses regards ? Représentez-vous ce que c’est que l’envie. Qu’est-ce qu’envier, sinon regarder avec un œil mauvais ? Si le démon n’avait point été un basilic, jamais la mort ne serait entrée sur la terre par l’envie de cet ennemi ? Malheur à l’homme de n’avoir point prévu la méchanceté de cet envieux ! Garantissons-nous, pendant que nous sommes sur la terre, des atteintes du vice odieux de l’envie, si nous voulons, après notre mort, n’avoir pas à craindre qu’il exerce contre nous sa haine détestable. Que personne de nous ne regarde jamais le bien qui est dans son prochain avec des yeux d’envie ; car le regarder de cette sorte, c’est (autant qu’on en a le pouvoir) l’infecter et le corrompre, et en quelque façon le détruire. La vérité même nous dit que celui qui hait un homme est un homicide ( I Joan. III, 15). Que dirons-nous, de celui qui hait le bien qui se rencontre dans son prochain ? Ne peut-on point avec plus de raison encore le traiter d’homicide ? A la vérité, la personne qui est l’objet de son envie est encore vivante, mais l’envieux ne laisse pas d’être coupable de sa mort, par la mauvaise disposition de son cœur. Le feu que Notre Seigneur Jésus-Christ est venu apporter sur la terre est encore, allumé, et l’homme qui est plein d’envie contre soit frère mérite autant d’être condamné, que s’il éteignait ce feu de la charité du Sauveur du monde.
5. Redoutez aussi les atteintes du dragon. C’est une bête cruelle. Son souffle brillant tue tout ce qu’il touche. Non-seulement il fait mourir les bêtes de la terre, mais encore les oiseaux du ciel. Pour moi, ce dragon n’est autre chose que la passion de la colère. Combien, au souffle de ce monstre, et brûlés misérablement par son haleine, sont tombés d’hommes dont la vie semblait si élevée, et dont la chute a été honteuse. Combien auraient-ils mieux fait de se fâcher contre eux-mêmes pour ne point pécher ! A la vérité, la colère est une passion naturelle aux hommes, mais ceux qui abusent des biens de la nature seront sévèrement punis, et périront misérablement. Prévenons cette passion, mes frères, dans les rencontres où il nous est important de la prévenir, de crainte qu’elle ne nous emporte à des actions inutiles, et défendons, comme on a coutume de réprimer, l’amour par l’amour et la crainte par une autre crainte. « Ne craignez point ceux qui font mourir le corps, dit Notre-Seigneur, et qui n’ont aucun pouvoir de nuire à vos âmes. » Et, continue-t-il aussitôt : « Je vais vous indiquer qui vous devez craindre. Craignez celui qui a la puissance de jeter vos âmes dans les tourments éternels. Je vous le répète, c’est celui-là que vous devez craindre. (Luc. XII, 4). » Comme si Notre Sauveur avait voulu dire par ces paroles : Craignez celui-là pour ne point craindre les autres. Que l’esprit de la crainte du Seigneur vous remplisse, et une crainte étrangère et illégitime n’aura point de place dans vos cœurs. Je vous le dis donc, aussi, avec assurance, ou plutôt ce n’est pas moi, c’est la vérité même, c’est le Seigneur qui vous le dit : Ne vous mettez point en colère contre ceux qui vous ôtent les biens passagers, qui vous couvrent d’outrages, qui, peut-être, vous font souffrir mille maux, et qui ne peuvent plus, après cela, rien faire contre vous. Je vais vous montrer contre qui vous devez exercer votre colère. Mettez-vous en colère contre une chose qui seule est capable de vous nuire, et de faire que tout ce que vous souffrez ne vous profite en aucune sorte. Voulez-vous savoir de quelle chose je parle ? C’est de votre propre iniquité ; car nulle adversité ne vous pourra nuire si nulle iniquité ne domine en vous. Celui qui ressent une sainte colère contre cet ennemi, embrasse les épreuves au lieu d’en être troublé. « Je suis préparé, dit le Prophète, à tous les fléaux qui me peuvent arriver. (Psal. XXXVII, 18).» Dommages, injures, blessures mêmes, je suis préparé à tout souffrir, je n’en suis nullement troublé, parce que la douleur de mes péchés m’est constamment présente. Pourquoi ne mépriserai-je pas toutes les affections extérieures, en comparaison de cette douleur intérieure de mon âme ? « Pendant que mon propre fils me persécute, dit le roi Prophète, me fâcherai-je contre un serviteur qui me dit des injures ( II Reg. XLI, 11)? » Quand je me vois abandonné par mon propre cœur, privé de toute vertu et de la lumière qui éclairait mes yeux, pleurerai-je quelques pertes temporelles et m’inquiéterai-je des incommodités qui ne regardent que le corps ?
6. Quand on est dans cette disposition, non-seulement on s’établit dans une patience et une douceur à laquelle le souffle du dragon ne saurait nuire, mais il se forme encore dans le cœur une magnanimité que les rugissements du lion ne sauraient épouvanter. Notre adversaire, dit saint Pierre, est comme un lion rugissant. (I Petr. V, 8). Grâce au lion victorieux et divin de la tribu de Juda, ce lion rugissant et furieux ne nous saurait dévorer. Il ne peut nous faire de mal quand il ne cesserait de rugir. Qu’il rugisse donc tant qu’il voudra, les brebis de Jésus-Christ n’ont qu’à ne point fuir, et à demeurer fermes. Que de menaces ne fait-il point ? Que de périls et de maux n’accumule-t-il point, afin de nous épouvanter ? Mais n’imitons pas les bêtes fauves, et que ce rugissement, qui n’est qu’un vain bruit, ne puisse jamais nous abattre. Car ceux qui ont examiné ces choses avec beaucoup de soin rapportent que nulle bête n’est assez hardie pour demeurer ferme quand elle entend le rugissement du lion, pas même celles qui résistent avec le plus de force et de courage contre ses attaques, et qu’il arrive souvent qu’une bête qui ne peut résister au rugissement du lion ne laisserait pas de le vaincre lorsqu’elle en est attaquée. C’est ressembler à ces bêtes, c’est être privé de raison que d’être assez privé de courage, et assez faible pour se laisser vaincre par la seule crainte, et de se laisser tellement abattre par la seule pensée d’une peine qui n’est pas encore arrivée, que d’être vaincu avant de combattre, non par les coups de l’ennemi, mais par le seul bruit de la trompette. «Vous n’avez pas encore résisté jusques au sang, disait ce chef si généreux qui connaissait combien était vain le rugissement de ce lion (Hebr. XII, 4). » Et un autre apôtre nous dit : « Résistez au diable, et il s’enfuira loin de vous. (Jacob. V, 7). »
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
- Treizième sermon
Solennités en avril
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SAMEDI 9 AVRIL – Férie
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
DIMANCHE 10 AVRIL – Dimanche des Rameaux et de la Passion
– 10h00 : Messe
JEUDI 14 AVRIL – Jeudi Saint
– 17h00 : Messe et Procession au Reposoir
VENDREDI 15 AVRIL – Vendredi Saint
– 15h00 : Célébration de la Passion du Seigneur
SAMEDI 16 AVRIL – Samedi Saint
– 22h00 : Vigile Pascale
DIMANCHE 17 AVRIL – Dimanche de Pâques
– 10h00 : Messe
LUNDI 18 AVRIL – Lundi de Pâques
Horaire du dimanche, messe à 10h
SAMEDI 30 AVRIL – Férie
– 11h00 : Messe
N.B. – tous les lundis (sauf le 18) + mardi 19, jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Avril-2022
Mars – Psaume 90 – 12
Mois de mars
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 12 sur le psaume 90
DOUZIÈME SERMON. « Parce qu’il a commandé à ses anges de vous garder en toutes vos voies. Ils vous porteront entre leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre quelque pierre (Psal. XC, 11 et 12). »
1. Je vous ai dit hier, si vous vous en souvenez, que les voies des démons étaient la présomption et l’obstination, et je vous ai expliqué pourquoi je parlais ainsi. Je puis néanmoins encore, si vous le jugez nécessaire, vous faire connaître par une autre voie les sentiers de ces esprits de ténèbres. Car, bien qu’ils tâchent de nous les cacher par tous les moyens qu’il leur est possible, le Saint-Esprit nous montre en beaucoup de manières, en divers endroits de l’Écriture sainte, quels sont les sentiers des méchants. Nous y lisons que « les méchants marchent autour de nous (Psal., XI, 9).» Nous y voyons que leur prince « tourne de tous côtés cherchant quelqu’un qu’il dévore ( I Petr., V, 8) » et nous trouvons dans le livre de Job, que Satan, paraissant devant la majesté divine avec les enfants de Dieu, et étant interrogé d’où il venait, fut contraint de répondre : « J’ai fait le tour de la terre, et je l’ai parcourue en tous sens (Job I et XVII). » Disons donc que les voies du démon sont cette activité par laquelle il est comme dans un mouvement circulaire, dans une vraie circonvallation. C’est par haine contre nous qu’il erre autour de nous, et c’est par la malignité de son cœur qu’il est réduit à cette espèce de mouvement circulaire. Il s’élève toujours, et retombe toujours. Son orgueil monte toujours, et Dieu l’humilie toujours. Ne fait-il pas là véritablement un mouvement circulaire ? Celui qui marche ainsi en tournant sur lui-même, marche à la vérité, mais il n’avance pas, et ne fait aucun progrès. Malheur à l’homme qui imite ce mouvement circulaire, et ne renonce jamais à sa propre volonté. Si vous faites quelques efforts pour l’arracher à cette volonté propre, il vous semblera d’abord qu’il vous fuit; mais ce ne sera de sa part que déguisement et que tromperie, et il tendra toujours à retourner au point d’où il est parti. Il tient toujours à cette propre volonté, il fait comme s’il fuyait le vice, et cependant il demeure toujours attaché à sa propre volonté.
2. Si ce mouvement circulaire qui les caractérise est mauvais, l’autre est bien pire encore. Car si le premier mouvement est principalement ce qui fait qu’ils sont démons, dans quelles dispositions pensez-vous, mes frères, que ces ennemis superbes descendent vers les misérables hommes et rôdent autour d’eux ? Considérez de quelle manière ces auteurs de toute impiété tournent autour de nous. Leurs regards orgueilleux se portent sur tout ce qui est élevé. Néanmoins leur curiosité maligne va chercher aussi les choses les plus basses, mais ce n’est qu’afin de s’élever davantage, ce n’est que pour contenter leur orgueil et s’élever en avilissant les hommes, et en les tenant comme sous leurs pieds par le péché, selon ce qui est écrit : « Pendant que l’impie s’enorgueillit, le pauvre tombe dans la désolation (Psal. IX, 2). » Avec quelle émulation détestable et pernicieuse, les mauvais anges imitent-ils donc les voies des bons anges qui montent et qui descendent aussi ? Ils montent pour contenter leur horrible vanité : ils descendent pour satisfaire leur ardente jalousie. Ils ne descendent vers nous que par une insatiable cruauté, et ils ne s’élèvent au-dessus de nous que par une vanité mensongère, parce qu’ils sont incapables de miséricorde et de vérité, comme je vous l’ai dit hier. Mais si d’un côté nous devons craindre ces esprits malins qui descendent vers nous pour nous perdre, de l’autre côté nous avons un grand sujet de rendre grâces à Dieu de ce que, par son ordre, les bons anges descendent aussi vers nous pour nous secourir et pour nous garder dans toutes nos voies. C’est peu, non seulement pour nous garder et nous secourir, mais encore, comme dit le Prophète, « pour nous porter entre leurs mains, de peur que nous ne heurtions nos pieds contre quelque pierre. »
3. Combien, mes frères, Dieu nous donne-t-il d’instructions, d’avertissements, de consolations dans ces quelques mots de l’Écriture ? Quelles autres paroles pouvons-nous trouver, dans tous les psaumes, qui consolent mieux ceux que l’affliction abat, avertissent plus fortement ceux qui se négligent, instruisent davantage les ignorants ? C’est pour cela que la divine providence a voulu que les fidèles répétassent les versets de ce psaume, principalement dans ce saint temps de carême. Et la raison qui a porté l’église à nous faire ainsi redire ce psaume, semble n’être venue que de ce que Satan a eu l’audace d’en employer les paroles pour tenter Notre Seigneur. Ainsi cet esprit méchant se trouve être utile aux enfants de Dieu, contre son intention. Car qu’y a-t-il qui lui puisse déplaire davantage, et nous donner plus de joie que de voir sa propre malice tourner à notre bien. « Dieu a commandé à ses anges de vous garder en toutes vos voies. » Que les miséricordes infinies de Dieu nous obligent à chanter ses louanges et à annoncer ses merveilles aux enfants des hommes. Que l’on dise dans toutes les nations que le Seigneur a fait de grandes choses pour témoigner son amour à ses serviteurs. Seigneur, qu’est-ce que l’homme, pour que vous vous soyez fait connaître à lui et comment daignez-vous en faire l’objet de votre amour ? Vous ouvrez votre cœur, vous songez en père à tous ses besoins, et vous avez soin de lui. Et pour comble de bienfaits, vous lui envoyez votre Fils unique, vous lui envoyez votre esprit et vous lui promettez de lui faire voir votre face. Et afin de ne rien omettre dans les cieux de tout ce qui peut nous intéresser, vous envoyez pour nous, sur la terre, les esprits bienheureux pour nous servir en toutes rencontres, pour nous garder de votre part, pour nous conduire et nous éclairer dans toutes nos voies. De sorte que vous ne vous êtes pas contenté que ces esprits fussent vos anges, vous avez encore voulu qu’ils fussent les anges même des plus petits d’entre les hommes. En effet, il est dit : « leurs anges contemplent toujours le visage de mon Père ( Matth. XVIII, 10). » Ainsi ces créatures excellentes et heureuses font l’office de médiateurs entre vous et nous, en sorte que, comme ils nous sont envoyés de votre part, nous pouvons aussi dire qu’ils vous sont envoyés de la nôtre.
4. « Il a commandé à ses anges de vous garder. » C’est véritablement un merveilleux effet de sa bonté, et un des plus grands témoignages de son amour que nous puissions recevoir. Considérez, en effet, attentivement avec moi quel est celui qui donne cet ordre, à qui et pour qui il le donne, et ce qu’il ordonne. Représentons-nous l’importance de ce commandement que reçoivent les anges de Dieu. Ayons soin de ne l’oublier jamais. Qui est donc celui qui l’a fait ? A qui les anges appartiennent-ils ? A qui, obéissent-ils ? De qui exécutent-ils la volonté ? le Prophète nous l’apprend : c’est à celui qui a commandé à ses anges de nous garder dans toutes nos voies. Ils sont si prompts à obéir à ce commandement, que même ils nous portent entre leurs mains. C’est donc la souveraine Majesté de Dieu qui commande aux anges et à ses anges à ces esprits si élevés, si heureux, si proches de lui, si unis à lui, si attachés à lui, ses vrais amis et ses familiers : et cependant c’est pour nous qu’il leur commande de descendre sur la terre. Ah, qui sommes-nous ? Seigneur, qu’est-ce que l’homme pour que vous vous souveniez de lui ? Qu’est-ce que le Fils de l’homme, pour que vous en teniez quelque compte ? Comme si l’homme depuis le péché était autre chose que corruption et que pourriture, comme s’il n’était pas semblable à un ver de terre.
Mais quel est le commandement que Dieu a fait pour nous à ses anges ? Leur a-t-il ordonné contre nous des choses fâcheuses ? Leur a-t-il commandé de montrer leur puissance contre une feuille que le vent emporte, et de poursuivre une feuille desséchée ? d’empêcher les méchants de voir la gloire de Dieu ? Cela doit être infailliblement commandé quelque jour, mais ce ne l’est point encore. Ne vous éloignez point du secours du Très-Haut. Demeurez dans la protection du Dieu du ciel, pour ne donner jamais sujet à sa justice de faire ce terrible commandement contre vous. Il est hors de douté que le Dieu du ciel ne fera point de commandements à ses anges qui soient à craindre, et qui ne soient plutôt favorables à ceux qu’il aura protégés. Et s’il est quelque chose dont l’exécution ne serait pas avantageuse à ses élus, il diffère de l’ordonner, afin que tout leur soit favorable. Et nous voyons dans l’Evangile, que, comme les serviteurs du père de famille étaient prêts à aller arracher le mauvais grain qui avait été semé sur le bon, cet homme plein de prévoyance leur dit : « Laissez croître les mauvaises plantes avec les bonnes jusqu’au temps de la moisson, de crainte qu’en arrachant les mauvaises herbes vous n’arrachiez aussi le froment. (Matth. XIII, 30). » Mais, comment le bon grain pourra-t-il se conserver jusqu’à la récolte ? C’est précisément l’objet. du commandement que Dieu fait à ses anges pour le temps où nous sommes.
5. «Il a donc commandé à ses anges de vous garder. » O vous qui êtes véritablement le froment qui croit au milieu de l’ivraie, le bon grain mêlé avec la paille, et le lis entre les épines. Rendons grâces, mes chers frères, rendons grâces de tout cœur à la bonté de Dieu, et pour vous et pour moi. Il nous a mis entre les mains un dépôt infiniment précieux, le fruit de sa croix, le prix de son sang. Voilà pourquoi, peu content de cette garde si peu utile, si faible, si insuffisante dont seulement nous étions capables, il a voulu établir sur les murailles de Jérusalem des sentinelles plus sûres que nous. Ceux-là mêmes qui semblent être comme des murailles, ou même comme des colonnes et des piliers au milieu des murailles, sont ceux qui ont le plus besoin que Dieu prenne soin de les faire garder par ses anges.
6. « Il a commandé à ses anges de vous garder en toutes vos voies. » Combien cette parole doit-elle vous porter au respect, vous donner de dévotion, vous inspirer de confiance ? vous porter au respect pour la présence de votre bon ange : donner de la dévotion à cause de sa bienveillance pour vous et vous inspirer de la confiance, puisqu’il prend soin de vous garder. Faites une attention particulière à toutes vos actions, puisque les anges, comme il leur a été commandé, vous sont présents dans toutes vos voies.
En quelque lieu que vous alliez, en quelque recoin que vous soyez, ayez toujours un grand respect pour votre bon ange. N’ayez pas la hardiesse de faire en sa présence ce que vous ne voudriez pas faire, si je vous voyais. Doutez-vous que cet esprit que vous ne voyez pas soit présent à ce que vous faites ? Combien auriez-vous de retenue si vous l’entendiez, si vous le touchiez, si vous le sentiez autour de vous ? Or, remarquez que ce n’est pas seulement par les yeux qu’on est assuré de la présence des choses. Toutes choses ne peuvent pas être vues quoique présentes et corporelles. Combien donc les choses spirituelles sont-elles plus éloignées de la portée de nos sens, et combien est-il plus nécessaire d’employer les motifs spirituels pour les chercher et pour les trouver ? Si vous consultez la foi, ne vous prouve-t-elle pas que vos bons anges vous sont toujours présents ? Oui, je le soutiens, la foi vous le prouve, puisque l’Apôtre nous enseigne que cette foi est une preuve et une conviction des choses qui ne nous paraissent pas. (Hebr. XI, 1) Il est donc indubitable que nos bons anges nous sont toujours présents; et que non-seulement ils sont avec nous, mais qu’ils n’y sont que pour nous. Ils sont près de nous, pour nous protéger et pour nous rendre service. Que rendrez-vous au Seigneur, pour toutes les choses qu’il vous a données ? Car à lui:seul nous devons rapporter la gloire de notre conservation, attendu que c’est lui qui a commandé à ses anges de nous garder. C’est lui qui nous les a donnés. Tout don parfait ne peut venir que de lui. (Jac. 1, 17.)
7. Mais s’il a commandé à ses anges de nous garder, nous n’en sommes pas moins obligés de leur témoigner notre reconnaissance pour l’empressement avec lequel ils obéissent à l’ordre qu’ils ont reçu, et prennent soin de nous, dans le besoin si grand et si continuel que nous avons de leur assistance. Ayons donc une dévotion et une reconnaissance particulière envers de pareils gardiens, ne manquons pas à les aimer, à les honorer, autant que nous le pouvons, autant que nous le devons. Rapportons néanmoins et témoignons toujours tout l’amour devant tout le respect que nous leur portons, à celui dont ils tiennent tout ce qui peut nous donner sujet de les aimer et de les honorer, et de qui nous tenons nous-mêmes tout ce qui peut nous faire mériter quelque amour et quelque estime. Sans doute lorsque l’Apôtre a écrit, qu’il faut rendre à Dieu seul l’honneur et la gloire (I Tim. 17), » nous ne devons pas croire qu’il ait voulu contredire le Prophète qui nous dit qu’on doit honorer tout particulièrement les amis de Dieu. Il s’est exprimé en cette circonstance comme il l’a fait quand il, nous a dit : « Ne soyez redevables de rien à personne sinon de l’amour que nous nous devons toujours les uns aux autres (Rom. III, 8). » Il n’a pas eu l’intention de nous porter par ces paroles à renier nos autres devoirs envers le prochain, puisqu’il dit ailleurs : « Il faut rendre l’honneur à qui l’honneur appartient (Rom. III, 8). » Ainsi pour les autres devoirs de la vie, servons-nous d’une comparaison pour entendre plus parfaitement quel a été le sentiment de cet Apôtre et quel avertissement il a voulu nous donner. Par exemple, voyez les étoiles, elles disparaissent au milieu des rayons du soleil. Pensons-nous que, pour cela ces astres aient disparu, et que leur lumière soit éteinte ? Nullement. Mais nous savons qu’elles sont comme cachées par une plus grande lumière que la leur. Ainsi l’amour que nous devons à Dieu, surmontant tous nos autres devoirs, doit régner en nous, comme s’il était seul, en sorte que tout ce que nous devons aux créatures soit tout à fait dépendant de cet amour souverain, et que nous fassions toutes choses par cet amour.
Il faut pareillement que l’honneur que nous devons à Dieu prévale sur tous les autres honneurs, en sorte que Dieu seul, soit honoré non-seulement par dessus, mais encore dans toutes les créatures qui sont l’objet de notre vénération. Il en est de même de l’amour que nous devons à Dieu; quelle place en effet a-t-il laissée aux autres amours, puisqu’il veut que nous l’aimions de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces ? Il faut donc, mes frères, que ce soit en Dieu que nous aimions ses anges, avec une dévotion particulière, comme devant être un jour nos cohéritiers et se trouvant, dès maintenant, placés auprès de nous par le Père éternel, en qualité de guides et de gardiens. Car dès maintenant nous sommes les enfants de Dieu, bien qu’on ne puisse pas juger encore de ce que nous serons un jour, avec lui dans la gloire, attendu que nous sommes à présent comme des mineurs qui sont sorts la conduite de leurs tuteurs et de leurs gouverneurs, et que, en cet état, comme dit l’Apôtre, nous ne différions point des serviteurs.
8. Cependant, quoique nous soyons encore faibles comme des enfants à l’âge de leur minorité, nous avons un chemin très-grand, non-seulement très-grand, mais très-difficile et très-périlleux, à faire. Toutefois, que devons-nous craindre sous de tels gardiens ? Ils ne peuvent être ni vaincus ni trompés par nos ennemis, et ils peuvent encore moins nous tromper, puisque leur ministère est de nous garder de toutes surprises dans tontes nos voies. Ils sont fidèles; ils sont prudents; ils sont puissants : que craignons-nous ? Suivons-les seulement. Attachons-nous à eux, et nous demeurerons sous la protection du Dieu du ciel. Considérez combien leur protection, combien leur vigilance à nous garder dans toutes nos voies nous est nécessaire: « Ils vous porteront, dit le Prophète, entre leurs mains, de peur que vous ne blessiez votre pied contre quelque-pierre. » Si vous trouvez que ce n’est pas encore beaucoup d’être protégés contre l’achoppement des pierres du chemin, remarquez la suite: « Vous marcherez sur l’aspic et le basilic, et vous foulerez aux pieds le lion et le dragon. » Combien est-il nécessaire à un enfant qui marche parmi tant de périls d’être conduit, d’être soutenu et porté ? Aussi le Prophète dit-il : « Ils vous porteront entre leurs mains.» Ils vous garderont donc dans toutes vos voies, et vous conduiront comme on conduit des enfants lorsqu’ils sont dans un chemin où ils peuvent marcher; pour le reste, ils ne souffriront pas que vous soyez tentés au delà de vos forces, dans les rencontres trop difficiles et trop dangereuses, ils vous prendront dans leurs mains pour vous faire franchir les difficultés. Avec quelle facilité celui qui a le bonheur d’être porté par de telles mains, surmonte-t-il les obstacles ? Car, comme dit le proverbe, il est facile de nager quand on nous soutient sur l’eau.
9. Toutes les fois donc, que vous vous sentez pressés par quelque violente tentation, et menacés par quelque grande épreuve, invoquez l’ange qui vous garde, qui vous conduit, qui vous assiste dans vos besoins et dans vos peines. Ayez recours à lui, et dites-lui : Seigneur, sauvez-nous, nous périssons. Il ne dort ni ne sommeille. Si quelquefois il semble fermer les yeux, pour un temps, sur le danger où vous êtes, ce n’est qu’afin que vous ne soyez pas en état de vous retirer de ses mains, et de tomber plus dangereusement, en ignorant que c’est lui qui vous soutient. Les mains des anges sont spirituelles, et les secours qu’ils donnent le sont aussi, et chaque élu reçoit différemment ces secours, selon les divers périls où il se trouve, et les difficultés qui se présentent, périls et difficultés que je compare à des monceaux de pierre qui se rencontreraient sur le passage des voyageurs et qui pourraient les accabler ou les arrêter dans leur route. Je vais vous représenter les tentations que j’estime les plus communes, et je pense qu’il n’y en a guère parmi vous qui ne les aient éprouvées. L’un est tourmenté, ou par une infirmité corporelle, par quelque affliction temporelle, ou se voit tomber dans la langueur, par la paresse et la lâcheté de son esprit, et par une sorte de défaillance de l’âme. En cet état, il commence à être tenté au dessus de ses forces et il ne tardera pas à se heurter et à se blesser contre la pierre (Isa. VIII, 14), si personne ne le soutient. Quelle est cette pierre ? J’entends, par cette pierre d’achoppement et de scandale, celle contre laquelle se blessent tous ceux qui la heurtent du pied, et qui brise ceux sur lesquels elle tombe; c’est-à-dire, contre la pierre angulaire, choisie et précieuse, qui n’est autre que le Seigneur Jésus. Se heurter et se blesser à cette pierre, ce n’est autre chose que de murmurer contre lui, et de se scandaliser faute de courage, au sein des tempêtes et des agitations de cette vie. Celui donc qui a commencé de perdre ainsi courage, et qui est sur le point de se heurter contre la pierre, a besoin du secours, de la consolation et de la main protectrice des anges. Et celui qui murmure et qui blasphème, vient se heurter contre cette pierre, et se blesser lui-même, mais ne blesse pas celui contre lequel il va se heurter avec furie.
10. Je me figure qu’il y a des hommes qui sont quelquefois soutenus par les anges, comme s’ils étaient portés par eux dans leurs deux mains : en sorte, qu’ils passent par les dangers et par les tentations qu’ils craignaient le plus, sans presque s’en apercevoir, et s’étonnent beaucoup ensuite de la facilité avec laquelle ils ont triomphé de ce qui leur avait paru d’abord plein de difficulté. Voulez-vous savoir ce que j’entends par ces deux mains des anges ? J’entends par-là, deux connaissances et deux vues que ces esprits de lumière nous donnent pour nous fortifier et nous encourager dans les épreuves, c’est-à-dire, d’un côté la connaissance et la vue de la brièveté des afflictions de cette vie, et, de l’autre, la connaissance et la vue de l’éternité des récompenses, qui nous font comprendre et sentir profondément dans nos cœurs, que c’est un moment bien court et bien léger d’épreuves en cette vie, qui produit en nous le poids incomparable d’une éternité de gloire. Et qui serait assez incrédule pour douter que ces impressions si avantageuses et si saintes, soient produites en nous par les bons anges, puisqu’il est certain que les impressions malignes le sont par les mauvais. Prenez donc l’habitude, mes frères, de vous entretenir avec vos bons anges dans une familiarité particulière. Pensez à eux; adressez-vous à eux, par des prières ferventes et continuelles, puisqu’ils sont toujours près de vous pour vous défendre et vous consoler.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
- Douzième sermon
Solennités en mars
Cette page indique uniquement les Solennités et autres fêtes ou particularités du mois.
En dehors de ces jours, consulter les Horaires Messes et Offices
MERCREDI 2 MARS – Mercredi des Cendres – Entrée en Carême
SAMEDI 12 MARS – Férie
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h00 : Vêpres
SAMEDI 19 MARS – Solennité de Saint Joseph
Horaire du dimanche, messe à 10h
VENDREDI 25 MARS – Annonciation du Seigneur – Solennité
Horaire du dimanche, messe à 10h
N.B. – tous les lundis, jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Mars-2022
Fév. – Présentation du Seigneur
Mois de février
Fête de la Présentation du Seigneur au temple – 2 février
Ecoutons Saint Bernard – 3ème sermon pour le jour de la Purification de la Sainte Vierge (extraits)
Offrons ce que nous avons de meilleur !

Giovanni Bellini – Vers 1460-1464 – © Fondazione Querini Stampalia Onlus – Venezia
Offrez votre fils, vierge consacrée, et présentez au Seigneur le fruit béni de vos entrailles. Offrez pour notre réconciliation à tous, la victime sainte, qui plaît à Dieu. (…)
Mais cette offrande-ci, mes frères, semble assez douce ; elle est seulement présentée au Seigneur, rachetée par des oiseaux et remportée aussitôt. Viendra le jour où ce fils ne sera plus offert dans le Temple, ni dans les bras de Siméon, mais hors de la cité, dans les bras de la croix. Viendra le jour où il ne sera plus racheté par le sang d’une victime, mais rachètera les autres par son sang, parce que Dieu l’a envoyé comme rédemption pour son peuple. Ce sera le sacrifice du soir ; celui-ci est le sacrifice du matin ; celui-ci est plus joyeux, mais celui-là sera plus plénier ; car celui-ci est offert au temps de la naissance, et celui-là sera offert à la plénitude de l’âge. (…)
Mais qu’offrons-nous, mes frères, que lui rendons-nous pour tous les biens qu’il nous a donnés ? Lui, il a offert pour nous la victime la plus précieuse qu’il avait ; en réalité il ne pouvait y en avoir de plus précieuse. Nous aussi, donc, faisons ce que nous pouvons, offrons-lui ce que nous avons de meilleur, c’est-à-dire ce que nous sommes, nous-mêmes. Lui, il s’est offert lui-même : et toi, qui es-tu pour hésiter à t’offrir toi-même ?
Qui pourrait m’accorder qu’une si grande majesté daigne recevoir mon offrande ? Je n’ai que deux petites choses à offrir, Seigneur, mon corps et mon âme : puissé-je vous les offrir parfaitement en sacrifice de louange ! C’est un bien pour moi et c’est beaucoup plus glorieux et plus utile d’être offert à vous, que d’être laissé à moi-même. Car en moi-même, mon âme est troublée, mais en vous, mon esprit tressaillira de joie, s’il vous est véritablement offert.
Texte intégral – Saint Bernard – 3ème sermon pour le jour de la Purification de la Sainte Vierge
- Troisième sermon-Purification
Solennités en février
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En dehors de ces jours, consulter les Horaires Messes et Offices
MERCREDI 2 FEVRIER – Présentation du Seigneur – Solennité -
Messe à 8h30
SAMEDI 12 FEVRIER – Férie – Messe Sainte Ombeline
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
N.B. – tous les lundis (sauf 28), jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Fevrier-2022
Marche de la Paix – 9 janvier
Dimanche 9 janvier 2022 – Marche de la Paix
L’association Pax Christi Nice invite à une Marche de la Paix le dimanche du Baptême du Seigneur.
Animée par Pax Christi & la Pastorale des Migrants.
- 14h – Départ de l’église du village de Castagniers (parking de la salle des fêtes).
- 16h – Vêpres à l’abbaye Notre-Dame de la Paix.
Marche ouverte à tous sans restriction.
Janvier – Psaume 90 – 11
Mois de janvier
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 11 sur le psaume 90
ONZIÈME SERMON. « Parce qu’il a commandé à ses anges de vous garder en toutes vos voies. (Psal. XC, 11).»
1. Il est écrit, et il n’y a rien de plus vrai, il est écrit « que c’est un effet de la miséricorde et de la bonté infinie du Seigneur que nous ne soyons ni consumés ni abandonnés entre les mains de gros ennemis (Chr. III, 22). » L’œil infatigable et vigilant de la clémence divine veille sur nous. Celui qui garde Israël ne dort et ne sommeille jamais parce que celui qui combat Israël ne dort et ne sommeille point non plus ; et, de même que l’un veille sur nous et a soin de nous, ainsi l’autre veille et travaille toujours à nous perdre et à nous faire mourir : son unique application est d’empêcher que celui qui est éloigné de Dieu, ne retourne jamais à lui. Et nous, nous ne faisons aucune attention, ou nous ne faisons qu’une attention insuffisante à la présence de celui qui préside à nos travaux et à nos combats, à la vigilance de celui qui nous protège, aux biens que nous recevons de ce bienfaiteur généreux. Nous sommes ingrats pour sa grâce, que dis-je ? pour tant de grâces, par lesquelles il nous prévient et nous soutient dans nos besoins. Tantôt il remplit lui-même nos âmes de lumières ou il nous visite par ses anges, tantôt il nous instruit par les hommes, nous console, nous instruit par les Ecritures Saintes. « Car toutes les choses qui sont écrites ont été écrites pour notre instruction, afin que notre espérance soit entretenue par la patience et la consolation que cette divine parole nous donne (Rom. XV, 4). C’est une excellente doctrine que celle qui nous établit dans l’espérance par la patience, car comme il est dit ailleurs : « On connaît la doctrine d’un homme à sa patienté (Prov. XIX. 41). » Et, « la patience fait que nous sommes éprouvés, et l’épreuve produit l’espérance (Rom. V, 4). » Pourquoi n’y a-t-il que nous qui ne soyons pas présents à nous-mêmes ? Pourquoi nous négligeons-nous nous-mêmes ? Faut-il que nous fermions les yeux sur les périls où nous sommes, parce que Dieu pourvoit de tous côtés à nos besoins ? Au contraire, c’est pour cela que nous devons veiller plus soigneusement sur nous. Car Dieu n’aurait pas tous les soins qu’il a pour nous dans le ciel et sur la terre, s’il ne voyait pas quel besoin immense nous avons de son secours. Il ne nous garderait pas, en tant de manières, si nous n’avions à nous garantir de beaucoup de pièges.
2. Mes frères qui sont établis d’une manière toute particulière dans l’espérance, se trouvent exempts de toute crainte et sont bienheureux d’être ainsi délivrés du filet des chasseurs, et d’avoir passé des tentes de ceux qui combattent encore, dans le séjour de ceux qui jouissent du repos. C’est à l’un d’eux, ou plutôt c’est à eux tous que Dieu fait cette promesse : « Le mal n’arrivera point jusqu’à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente ». Considérez que ce n’est pas aux hommes qui vivent selon la chair que cette promesse a été faite, mais à ceux qui, vivant en la chair, se conduisent selon l’esprit. En effet, dans un homme charnel on ne saurait faire de distinction entre lui et sa tente, tout est confus en lui, parce que c’est un enfant de Babylone, c’est un homme qui n’est que chair, et l’esprit de Dieu ne demeure point en lui. Or comment le mal ne s’approcherait-il point de celui en qui le Saint-Esprit n’a point établi sa demeure ? Mais là où est le mal, là aussi est le fléau, c’est-à-dire la peine du mal, car la peine accompagne toujours le péché. Il est donc dit: « Le mal n’arrivera point jusqu’à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente. » Voilà une grande promesse, mais qui me fait espérer que j’en verrai l’effet ? Comment pourrai-je échapper en même temps au mal et au fléau dont je me trouve menacé ? Où trouver un refuge qui m’en garantisse. Comment m’éloigner si bien qu’ils n’approchent point de moi ? Par quel mérite, par quelle vertu y réussirai-je ? « Il a commandé à ses anges de vous garder dans toutes nos voies. » Quelles sont toutes ces voies ? Ce sont celles par lesquelles vous vous éloignez du mal et de la colère à venir. Il y a beaucoup de voies différentes, d’où il arrive qu’il y a bien des périls pour le voyageur. Combien est-il facile de s’égarer lorsqu’il se rencontre plusieurs chemins différents, si on n’a point la science de les discerner ? Car Dieu ne commande pas aux anges de nous garder dans toutes sortes de voies, mais seulement dans toutes nos voies., il y a donc des voies où nous devons nous donner bien garde d’entrer, et il y en a d’autres où nous avons besoin que l’on nous soutienne et que l’on nous guide.
3. Examinons donc mes frères, quelles sont nos voies, et quelles sont celles des démons, voyons aussi quelles sont les voies des esprits bienheureux, et quelles sont celles du Seigneur. J’entreprends, je le confesse, quelque chose qui est au dessus de mes forces, mais vous m’aiderez par vos prières à obtenir de Dieu qu’il daigne m’ouvrir le trésor de son indulgence, et qu’il fasse que le discours que je me propose de vous faire sur un si important sujet lui soit entièrement agréable. Considérons donc, premièrement, quelles sont les voies des enfants d’Adam. Elles sont toutes dans la nécessité ou dans la cupidité. C’est par ces deux choses, en effet, que nous sommes conduits, comme emportés, avec cette différence pourtant que la nécessité semble plutôt nous pousser, tandis que la cupidité nous attire et nous emporte. La première tient plus particulièrement au corps, sa voie n’est pas unique, elle a comme plusieurs sentiers et plusieurs détours qui nous conduisent diversement à de nombreux malheurs mais bien rarement à quelques avantages, si toutefois elle est capable de nous en procurer. Quel homme ignore combien nombreuses sont les nécessités de cette vie ? Qui pourrait les énumérer ? Mais notre expérience nous en instruit assez, et les peines qui en résultent pour nous nous le font assez comprendre. Chacun apprend par lui-même combien il a souvent besoin de crier à Dieu : « Seigneur, délivrez-moi, non pas de la nécessité, mais de toutes mes nécessités (Psal. XXIV, 17). » Mais tout homme qui prête une oreille attentive aux avertissements du sage ne se contente pas de désirer et de demander d’être délivré de toutes ces différentes nécessités, mais il demande encore que Dieu le retire de la voie de ses cupidités. En effet, que dit le sage ? « Détournez-vous de vos propres désirs, et ne suivez point vos convoitises (Eccle. XVIII, 30). » Il est évident que de ces deux maux, le préférable est de vivre clans la nécessité plutôt que clans la cupidité. A la vérité, nous avons un grand nombre de nécessités, mais le nombre de nos cupidités est encore plus grand, en toutes manières, il dépasse même toute mesure et toute borne. Elles viennent toutes du cœur, aussi sont-elles d’autant plus considérables que l’âme est plus grande que le corps. Enfin ces deux voies de la nécessité et de la cupidité sont celles qui paraissent bonnes aux hommes, mais qui ne finissent et n’arrivent à leur terme que lorsqu’elles les précipitent dans l’abîme des enfers. En vous représentant ces voies, soyez persuadés que c’est d’elles sans doute qu’il a été dit : « Il n’y a que de l’affliction et du malheur dans leurs voies (Psal. XIII, 7) » et rapportez l’affliction à la nécessité, et le malheur à la cupidité. Comment le malheur se rencontre-t-il dans la cupidité, ou comment les hommes n’y trouvent-ils pas le bonheur qu’ils s’imaginent ? Qu’arrive-t-il donc lorsqu’un homme pense avoir trouvé, dans l’abondance des biens et des délices de la terre, la félicité qu’il a désirée ? II est d’autant plus misérable qu’il embrasse, avec plus d’ardeur, la misère même, comme si c’était une véritable félicité, et qu’il s’y plonge davantage en pensant avoir trouvé le bonheur parfait. Que les enfants des hommes sont à plaindre, de se laisser prendre à cette fausse et trompeuse félicité ! Malheur à celui qui dit : Je suis dans l’abondance, et je n’ai besoin de quoi que ce soit, tandis qu’il est pauvre et dénué de tout, malheureux et tout à fait misérable. Les nécessités procèdent des infirmités de la chair, et les cupidités de la disette et de l’oubli de l’âme. Elle ne mendie en effet, que parce qu’elle a oublié de manger le pain qui lui est propre et elle ne désire si ardemment les choses de la terre, que parce qu’elle ne s’entretient jamais de celles du Ciel.
4. Voyons maintenant quelles sont les voies des démons. Observons-les pour nous en garantir. Considérons-les afin de nous en éloigner. Or, les voies des démons ne sont autre chose que la présomption et l’obstination. Voulez-vous savoir où j’ai appris cela ? Considérez quel est leur chef, tel maître, tels serviteurs. Considérez les commencements de ses voies, et vous verrez manifestement qu’il s’est jeté d’abord dans une présomption exorbitante en disant : « Je serai assis sur la montagne du testament, aux flancs de l’Aquilon : je serai semblable au Très-Haut (Isa. XIV , 13). » Que cette présomption est téméraire, qu’elle est horrible ! Aussi, tous ces esprits, qui sont des ouvriers d’iniquité, sont-ils tombés, ont-ils été renversés, se sont-ils vus honteusement, chassés ! Leur présomption les a empêchés de se maintenir dans l’état où Dieu les avait créés, et leur obstination de se relever de leur chute. Leur orgueil les a éloignés et leur obstination les a empêchés de revenir. La présomption des démons est bien étonnante, mais leur obstination l’est au moins autant. Leur orgueil en effet, croit et monte toujours, aussi n’y a-t-il point de changement possible pour eux. N’ayant point voulu quitter la voie de la présomption, ils sont tombés dans celle de l’obstination. Que le cœur des enfants des hommes est perverti de suivre les dénions, de marcher sur leurs pas, et d’entrer dans leurs voies ! Tous les efforts de ces esprits d’iniquité ne tendent qu’à nous séduire, à nous engager dans leurs voies, à nous faire toujours marcher en avant, afin de nous conduire avec eux au but qui les attend de toute éternité. Fuyez la présomption si vous voulez que votre ennemi ne triomphe de vous, car c’est principalement dans ces vices, qu’il se plait de nous faire tomber, ayant éprouvé, par lui-même, combien il doit vous être difficile de vous retirer d’un si profond abîme.
5. Mais je ne veux pas vous laisser ignorer, mes fières, comment on descend, ou plutôt, comment on tombe dans ces deux vices. Le premier degré de cette descente, qui se présente à ma pensée, c’est de se dissimuler à soi-même sa propre faiblesse, sa propre méchanceté, et sa propre inutilité. Quand l’homme s’excuse, quand il se flatte, quand il se persuade être quelque chose, quoiqu’il ne soit rien, alors il se fait son propre séducteur. Le second degré, c’est de s’ignorer soi-même. Car, lorsque arrivé au premier degré de sa chute, l’homme vent se cacher à lui-même sa honte et sa nudité, avec d’inutiles feuilles de figuier, il ne lui reste plus que de ne voir pas les blessures qu’il tient cachées, et qu’il n’a cachées qu’à dessin de ne les pas voir. D’où il suit que, si on lui montre ses blessures, il soutient que ce ne sont pas des blessures, et recourt à des paroles pleines d’injustice et d’iniquité pour excuser ses péchés, or, ces excuses mêmes font le troisième degré de la descente, qui approche fort de la présomption. Car de quel mal peut-on rougir, quand on a la hardiesse d’entreprendre de justifier celui que l’on a commis ? Mais d’ailleurs, le pêcheur qui en est arrivé là, ne saurait demeurer dans ces ténèbres et sur cette pente, car l’ange mauvais, ministre de la justice de Dieu, ne manque pas alors de poursuivre et de pousser l’homme, pour le faire tomber encore plus bas. Il y a donc encore un quatrième degré, disons mieux, un quatrième abîme, c’est le mépris, dont parle le Sage en ces termes : « Lorsque l’impie est tombé dans l’abîme du péché, il méprise tout (Prov. XVIII, 3). » Ensuite le puits de l’abîme se ferme sur lui de plus en plus, car ce mépris jette l’âme dans l’impénitence, et l’impénitence s’affermit, dans le cœur, par l’obstination. Voilà le péché qui ne doit être remis ni dans ce siècle, ni dans l’autre, parce que le cœur endurci, n’a plus la crainte de Dieu, ni aucun respect pour les hommes. Celui qui s’attache ainsi au démon dans toutes les voies, est évidemment devenu un même esprit avec lui. Les voies des hommes que nous avons expliquées plus haut, sont celles dont il est dit : « Je souhaite que vous ne soyez éprouvés que par des tentations humaines (I. Cor. X, 13). » Or, il est certain que pécher est bien le fait de l’homme, mais qui ne sait que les voies des démons sont fort éloignées de la nature de l’homme, si ce n’est qu’en quelques-uns les mauvaises habitudes semblent leur avoir fait prendre la nature de ces esprits diaboliques ? mais enfin, si on voit persévérer quelques hommes dans le péché, cette persévérance n’est pourtant pas une chose humaine, c’en est une diabolique.
6. Voyons maintenant quelles sont les voies des anges. Evidemment ce sont celles dont le fils unique du Père a voulu parler quand il a dit : « Vous verrez les anges monter et descendre sur le Fils de l’homme (Jean. I, 51). » Leurs voies c’est donc. de monter et de descendre. Ils montent pour eux, ils descendent pour nous, ou plutôt ils descendent avec nous. Ces bienheureux esprits, montent donc par la contemplation de Dieu, et ils descendent pour avoir soin de nous et pour nous garder dans toutes nos voies. Ils montent vers Dieu, pour jouir de sa présence, ils descendent vers nous, pour obéir à ses ordres, car il leur a commandé de prendre soin de nous. Toutefois en descendant vers nous, ils ne sont point privés de la gloire qui les rend heureux, ils voient toujours le visage du Père éternel.
7. Vous désirez maintenant je pense, que je vous entretienne des voies du Seigneur. II me semble que c’est beaucoup présumer de moi-même que de me promettre de vous les montrer ; en effet, l’Ecriture-Sainte, nous dit qu’il nous les enseignera lui-même (Psal. XXIV, 9). Car, à qui pourrait-on s’en rapporter avec confiance sur ce sujet, sinon à lui ? Il nous a donc enseigné ses voies, lorsqu’il a fait dire à son prophète : « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité (Psal. XXIV, 10). » C’est par la miséricorde et par la vérité qu’il vient à chacun de nous en particulier, et qu’il vient à tous les hommes en général. Lorsque nous présumons beaucoup de sa miséricorde, et que nous oublions la vérité, Dieu n’est pas encore en nous. Et il n’y est pas davantage, lorsque la considération de sa vérité nous remplit de crainte, et que le souvenir de sa miséricorde ne nous apporte aucune consolation. Car, celui qui ne reconnaît pas la miséricorde où elle est véritablement, s’éloigne de la vérité, et la miséricorde ne saurait être véritable sans la vérité. Aussi, ceux en qui la miséricorde et la vérité se rencontrent, voient la justice et la paix se donner en eux le baiser d’alliance, et par conséquent Dieu, qui, selon le Prophète, a établi sa demeure dans la paix, ne saurait être absent de leur cœur. Combien l’Écriture-Sainte nous donne-t-elle de lumières et de connaissances, sur cette heureuse union de la miséricorde et de la vérité ? « Votre miséricorde et votre vérité ont été mon asile; » dit le Prophète ( Psal. XXXIX, 12). Et d’ailleurs : « Votre miséricorde est toujours devant mes yeux et je me plais à contempler votre vérité (Ps. XXV, 3). » Or, Dieu a voulu donner lui-même ce témoignage de ce Prophète : « Ma vérité et ma miséricorde sont avec lui (Psal., XXXVIII, 15). »
8. Considérons aussi les voies que Notre-Seigneur Jésus-Christ a suivies pour venir à nous, elles sont manifestes, et nous trouverons que si nous possédons maintenant, en sa personne, un Sauveur plein de miséricorde, nous aurons en lui, à la fin du monde, un juge plein de justice et de vérité, selon ce que dit l’Écriture-Sainte : « Dieu aime la miséricorde et la vérité, le Seigneur donnera la grâce et la gloire (Psal. LXXXIII, 12).» Si donc, Notre-Seigneur, dans son premier avènement, s’est souvenu de sa miséricorde et de sa vérité, en faveur de la nation d’Israël, dans son dernier avènement, quoiqu’il doive juger la terre dans son équité, et tous les peuples dans sa vérité, néanmoins, son jugement ne sera point sans miséricorde, si ce n’est à l’égard de celui qui n’aura point fait de miséricorde. Car telles sont ses voies éternelles, dont un prophète a dit : « Les collines du monde se sont abaissées sous ses voies éternelles (Abac. III, 6). » Il m’est facile de le prouver, puisque l’Écriture-Sainte. nous assure « que la miséricorde du Seigneur est de toute éternité, et doit s’étendre jusques dans l’éternité (Psal. CII, 17) : et que la vérité du Seigneur, doit aussi durer éternellement (Psal. CXXVI, 2). » Les collines du monde, c’est-à-dire les démons superbes qui sont les princes des ténèbres de ce siècle, se sont abaissées sous ces voies ; mais ils ont ignoré ses voies, ils ne se sont point souvenus de ses sentiers. Quel rapport peut-il y avoir entre la vérité et celui qui est par excellence, le menteur et le père du mensonge ? Aussi Notre-Seigneur rend-il ce témoignage de lui : « Il n’est point demeuré dans la vérité (Jean. VIII, 23). » Et pour ce qui est de la miséricorde, la malice cruelle avec laquelle il nous a fait tomber dans la misère où nous sommes, témoigne assez combien il s’en est éloigné. Quand a-t-on pu le voir exercer un acte de miséricorde, lui, qui a été homicide dès le commencement du monde ? Celui qui n’est pas bon pour lui-même, peut-il avoir de la compassion pour les autres ? Or, combien n’est-il pas méchant et injuste pour lui-même, celui qui ne s’afflige jamais de ses propres iniquités, et à qui sa propre damnation ne donne jamais aucun sentiment de pénitence ! Sa présomption en le trompant, l’a tenu éloigné de la voie de la vérité, et son obstination cruelle lui a fermé la voie de la miséricorde ; en sorte, qu’il ne peut jamais trouver en soi la miséricorde, et ne peut jamais l’obtenir de Dieu. Voici donc de quelle manière ces collines si élevées ont été contraintes de s’abaisser, sous les voies éternelles du Seigneur. Ces esprits superbes se sont éloignés des voies droites du Seigneur par des détours et des chemins obliques et tortueux, qui ont été des précipices dans lesquels ils sont tombés, plutôt que des chemins. Mais combien les autres collines se sont-elles abaissées et humiliées pour leur salut, avec plus de prudence et d’avantages, sous les voies de Notre-Seigneur ? Car elles n’ont point été abaissées par force, comme si elles se fussent trouvées opposées à ces voies saintes et divines. Mais elles se sont pliées à ces voies de l’éternité. Ne voit-on pas maintenant les collines du monde abaissées, puisque les grands et les puissances du siècle s’abaissent devant Notre-Seigneur, par une pieuse soumission, en adorant la trace de ses pas ? Ne sont-elles pas abaissées et aplanies, lorsque ces grands abandonnent les pernicieuses hauteurs de leur vanité et de leur cruauté, pour suivre les humbles sentier de la vérité ?
9. Non-seulement les saints anges, mais aussi les hommes prédestinés confirment et règlent toutes leurs voies sur ces voies de Notre-Seigneur. Le premier degré par lequel l’homme misérable sort de l’abîme des vices est cette miséricorde par laquelle il a compassion du fils de sa mère, compassion de son âme, et travaille à plaire à Dieu. Car, il imite alors le grand ouvrage de la divine miséricorde. Il est brisé de componction avec celui qui l’a été de douleur pour lui, et meurt aussi en quelque sorte pour son salut, et ne l’épargne pas par cette compassion qu’il a de lui-même lorsqu’il retourne à son cœur, comme parle l’Écriture-Sainte, et qu’il rentre dans le plus intime de son âme. Il ne lui reste plus qu’à s’engager dans la voie royale qui mène à la vérité, et à joindre la confession de la bouche à la contrition du cœur, comme je vous ai souvent recommandé de le faire; car nous croyons du cœur pour la justice, et nous confessons de la bouche pour le salut. Il est nécessaire, que celui qui retourne à son cœur en se convertissant, devienne petit à ses yeux, selon cette parole de la Vérité même : « Si vous ne vous convertissez, et ne devenez comme un petit enfant, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux (Matth. XVIII; 3). » Il faut qu’il n’essaie pas de dissimuler ce qu’il ne peut ignorer; mais qu’il reconnaisse que son péché a fait de lui un néant. Il ne faut pas qu’il ait honte de produire au dehors, dans la lumière de la vérité, les défauts qu’il voit, avec des sentiments de compassion, dans le fond de son cœur. Par ce moyen, l’homme entre dans les voies de la miséricorde et de la vérité, qui sont les voies du Seigneur, les voies de la vie. Or, le terme assuré où elles aboutissent, est le salut de ceux qui les suivent jusqu’au bout.
10. Ce n’est pas tout; mais il est évident que les anges aussi tendent aux mêmes voies; car, lorsqu’ils montent à la contemplation de Dieu, ils cherchent la vérité dont ils se remplissent incessamment en la désirant, et qu’ils désirent toujours en la possédant. Lorsqu’ils descendent, ils exercent envers nous la miséricorde, puisqu’ils nous gardent dans toutes nos voies. Car ces bienheureux esprits sont les ministres de Dieu qui nous sont envoyés pour nous venir en aide (Hebr. 1, 14); et, dans cette fonction, ce n’est pas à Dieu qu’ils rendent service, mais à nous. Or ils imitent en cela, l’humilité du Fils de Dieu, qui n’est point venu pour être servi, mais pour servir, et qui a vécu parmi ses disciples, comme s’il avait été leur serviteur (Matt. XX, 28). L’utilité que les anges retirent pour eux en suivant ces voies, c’est leur propre bonheur et la perfection de l’obéissance dans la charité; et celle que nous en recueillons nous-mêmes, c’est la communication qui nous est faite des grâces de Dieu; et l’avantage d’être gardés par eux dans nos voies, puisque Dieu a commandé à ses anges de nous garder dans tous nos besoins, et dans tous nos désirs. Si nous manquions de ce secours, nous pourrions entrer facilement dans la voie de 1a mort, et passer de la nécessité dans l’obstination, et de la cupidité dans la présomption, qui sont les voies non des hommes, mais des démons. Car en quoi les hommes sont-ils ordinairement le plus opiniâtres, sinon dans les choses qu’ils feignent ou s’imaginent appartenir à la nécessité ? Si on les avertit, ils vous répondent, je puis ce que je puis, et rien au-delà (Térence). Mais vous, si vous en êtes là, montrez d’autres sentiments. Quant à la présomption, nous n’y tombons que lorsque nous y sommes poussés par l’ardeur et la violence de nos désirs.
11. Les anges ont donc reçu l’ordre de Dieu, non pas de nous retirer de nos voies, mais de nous y garder soigneusement, et de nous conduire dans les voies de Dieu, par celles qu’ils suivent eux-mêmes. Or, comment pouvons-nous les suivre dans leurs voies ? Car les anges agissent par la seule charité, et d’une manière beaucoup plus pure et plus parfaite que nous ne faisons. Mais au moins, étant excités et pressés par la nécessité de l’état où nous sommes, de nous secourir les uns les autres, pour imiter l’exemple des esprits bienheureux, autant qu’il nous est possible, descendons vers notre prochain, et condescendons à ses besoins, en exerçant envers lui la miséricorde et la charité. Puis d’un autre côté, élevant nos désirs vers Dieu, à l’imitation de ses anges, efforçons-nous de toute notre âme de monter jusqu’à la souveraine et éternelle vérité. Voilà pourquoi Dieu nous exhorte par un de ses prophètes à élever nos cœurs avec nos mains, pourquoi nous entendons dire tous les jours: «Élevons nos cœurs, » (Lam. III, 41) pourquoi Dieu nous reproche notre négligence; et nous dit : «Enfants des hommes, jusques à quand aurez-vous le cœur appesanti, aimerez-vous la vanité, et chercherez-vous, le mensonge (Psal. III, 4)? » Quand notre cœur est déchargé du poids qui le retient sur la terre, nous l’élevons plus facilement à la recherche et à l’amour de la vérité. Il ne faut pas nous étonner que ces esprits si élevés daignent nous garder dans nos voies, que dis-je ? ne dédaignent même point de nous admettre et de nous faire entrer avec eux dans les voies du Seigneur. Combien toutefois y marchent-ils plus heureusement, et avec plus de sécurité que nous mais aussi combien la manière dont ils suivent les sentiers de la miséricorde et de la vérité est-elle inférieure à celle dont la vérité et la miséricorde même suit, en toute occasion, les voies de la miséricorde et de la vérité ?
12. Combien Dieu a-t-il placé tous les êtres au degré qui leur convient ! Ainsi Lui, qui est l’Être souverain, au dessus et au delà de qui il n’y a rien, il occupe le premier rang. S’il n’a pas établi ses anges à cette suprême élévation, il les a placés dans un degré plein de sécurité; car, se trouvant tout près de cet être souverain, qui tient le plus haut degré, ils sont affermis dans leur état par la vertu de celui qui est au dessus d’eux. Quant aux hommes ils ne sont ni au plus haut degré ni dans un état sûr, mais dans un état où ils sont obligés de veiller sur eux, mais ils sont en lieu stable et solide, sur la terre, veux-je dire et s’ils sont placés bien bas, du moins ne sont-ils point au fond de l’abîme, aussi peuvent-ils et doivent-ils être contraints de se tenir sur leurs gardes. Quant aux démons, ils habitent la région de l’air, d’où ils vont de tous côtés, sans avoir de repos, comme s’ils étaient agités par le vent. Ils sont indignes de monter dans le ciel, et ils dédaignent de descendre sur la terre ! Mais il suffit pour aujourd’hui. Et je prie, de tout mon cœur celui de qui vient tout ce qui nous suffit, et tout ce que nous pouvons, de nous donner de quoi lui rendre grâce suffisamment car nous ne saurions avoir de nous-mêmes seulement une bonne pensée.
Mais il faut qu’elle nous vienne de celui qui donne à tous abondamment, de Dieu qui est béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
- Onzième sermon
Solennités en janvier
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SAMEDI 1er JANVIER – Sainte Mère de Dieu – Journée Mondiale de la Paix
Horaire habituel du dimanche
– 10h00 : Messe de la Sainte Mère de Dieu
– 11h45 : Sexte
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
DIMANCHE 2 JANVIER – Epiphanie du Seigneur – Solennité
Horaire habituel du dimanche
DIMANCHE 9 JANVIER – Baptême du Seigneur – Fête
Horaire habituel du dimanche modifié
– 16h : Vêpres
MERCREDI 26 JANVIER – Solennité des Saints fondateurs de Cîteaux : Saint Robert, Saint Albéric et Saint Etienne (moines bénédictins de Molesmes, dans la mouvance de Cluny)
Horaire habituel du dimanche – Messe à 10h
N.B. – tous les lundis (sauf 10 et 31), jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Janvier-2022
Décembre – Psaume 90 – 10
Mois de décembre
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 10 sur le psaume 90
DIXIÈME SERMON. « Il ne vous arrivera point de mal ; et le fléau n’approchera point de votre tabernacle (Psal. XC, 10 ) . »
1. C’est une maxime qui ne vient pas de moi, et qui n’est pas nouvelle pour vous, mais que vous connaissez très-bien, que, pour ce qui regarde les principaux objets de la foi, il est plus facile de connaître et plus périlleux d’ignorer ce qu’ils ne sont pas, que ce qu’ils sont. On peut en dire autant de l’expérience ; car l’esprit de l’homme, par l’espérance qu’il a des peines de la vie, comprend plus facilement les maux dont il doit être exempt, que les biens dont il doit jouir. L’espérance et la foi ont entre elles un si grand rapport de parenté, que les objets de notre espérance sont les mêmes que ceux de notre foi. C’est pourquoi l’Apôtre a dit, avec grande raison, que la foi était la substance des choses que nous devons espérer (Heb. XI, l); parce qu’on ne saurait espérer ce qu’on ne croit point, de même qu’on ne saurait peindre sans un corps qui reçoive la peinture. La foi nous dit que Dieu prépare aux fidèles des biens inestimables et incompréhensibles. Et l’espérance nous dit : C’est à moi que ces biens sont réservés. Et la charité ajoute ensuite : Pour moi, je cours à la recherche et à la possession de ces biens. Mais, comme je viens de le dire, il est extrêmement difficile, ou même impossible de connaître le prix et la qualité de ces biens, si ce n’est pour ceux à qui Dieu l’a voulu révéler par son esprit, puisque, selon l’Apôtre, « l’œil n’a point vu, ni l’oreille entendu, ni l’esprit de l’homme n’a pu concevoir quels sont les biens que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment (I. Cor. II, 9). » Si nous n’étions en cette vie capables de quelque perfection, si imparfaite qu’elle soit, si on peut ainsi parler, l’Apôtre ne dirait pas : « Nous tous, tant que nous sommes de parfaits, ayons le même sentiment (Phil. III, 15). » La perfection dont il parle ici est sans doute celle dont il avait parlé ailleurs, en disant : « Ce n’est pas que j’aie tout reçu, et que je sois encore parfait. » Car saint Paul est contraint d’avouer lui-même, « qu’il ne connaît qu’en partie les choses de Dieu, car nous ne voyons maintenant, que comme dans un miroir et en énigme, ce n’est que plus tard que nous verrons Dieu face à face (I. Cor. XIII, 12). » Dieu donc représente à l’homme, dans l’Ecriture sainte, par une providence et une bonté toute paternelles, les choses qu’il est plus capable de discerner, dans sa condition présente. C’est le propre des affligés de regarder, comme une souveraine félicité, d’être délivrés de leurs afflictions, et de tenir pour un suprême bonheur de se trouver exempts de misères. C’est pourquoi le Prophète, dans un psaume, parle à son âme en ces termes : « Tournez-vous, mon âme, vers votre repos, parce que le Seigneur vous a honorée, de ses bienfaits. » Et cependant, au lieu de citer des bienfaits nouveaux qu’il aurait reçus, il dit seulement : « Il a délivré mon âme de la mort, mes yeux des larmes, et mes pieds de la chute (Psal. CXIV, 7) » ce qui montre bien qu’il regarde comme un grand repos et un grand bienfait, de la part du Seigneur, d’être délivré des périls et des tribulations qui l’assiégeaient.
2. Le verset, dont, j’ai maintenant à vous entretenir, se rapporte parfaitement à ce sentiment : « Il ne vous arrivera point de mal, et le fléau n’approchera point de votre tabernacle. » Ces paroles, autant que je puis le concevoir, sont faciles à entendre, et, peut-être plusieurs d’entre vous en ont-ils déjà prévenu l’explication. Car vous n’êtes pas si peu instruits, et si dépourvus de toute connaissance spirituelle, que vous ne sachiez quelle différence vous devez faire entre vous et vos tabernacles ; de même que celle qu’on doit mettre entre ce que le Prophète appelle le mal, et ce qu’il appelle le fléau. Vous avez en effet entendu l’Apôtre dire qu’après avoir combattu un bon combat, il quittera bien vite son tabernacle. Mais qu’ai-je besoin de rapporter les paroles de l’Apôtre (Tim. IV, 6) ? Le soldat ignore-t-il ce que c’est que sa tente, et a-t-il besoin qu’on l’instruise là dessus, par l’exemple des autres ? Nous voyons dans l’Eglise des combattants qui ont fait de leur tente la demeure d’une honteuse servitude. Bien plus, il y en a, c’est une chose bien ridicule, qui sont tombés dans une telle erreur, dans un si grand oubli de leur condition et dans une si étrange folie, qu’ils semblent regarder cette tente extérieure comme ne faisant qu’un avec eux. Ne faut-il pas que non-seulement ils ignorent Dieu, mais qu’ils s’ignorent eux-mêmes, puisqu’étant comme morts dans le cœur, ils donnent tous leurs soins et toutes leurs peines à leur corps, et s’appliquent autant à conserver leur chair, que si elle ne devait jamais périr ? Or il est certain qu’elle ne pourra éviter de périr, et même dans peu de temps. Ceux qui sont dévoués à la chair et au sang, comme s’ils s’imaginaient n’être autre chose que chair et que sang, ne semblent-ils pas s’ignorer eux-mêmes, et avoir reçu leurs âmes aussi inutilement, que s’ils ignoraient qu’ils, en ont une ? « Si vous séparez ce qui est précieux de ce qui est vil, dit le Seigneur, vous serez comme un oracle de ma bouche (Jer. XV, 19), » c’est-à-dire, si vous êtes exact et fidèle à mettre la différence qui doit exister entre les biens extérieurs et les biens intérieurs, en sorte que vous ne craigniez pas plus le fléau, pour votre demeure passagère, que le mal pour vous-mêmes, vous serez comme un oracle de ma bouche.
Le mal dont il est parlé ici, est celui dont il est dit ailleurs : « Eloignez-vous du mal, et faites le bien (Psal. XXXVI, 27). » C’est le mal qui prive notre âme de sa vie, et qui est une funeste séparation entre Dieu et nous. Pendant que ce mal règne dans nous, notre âme éloignée de Dieu est comme un corps sans âme. Dans cet état elle est véritablement morte, et semblable à ceux que l’Apôtre nous représente comme étant sans Dieu en ce monde.
3. Ce n’est pas que je vous exhorte, mes frères, à haïr votre chair. Vous devez l’aimer comme l’asile de votre âme, que Dieu destine à participer avec elle à l’éternelle félicité. Mais il faut que l’âme aime sa chair de telle sorte, qu’elle ne paraisse pas être changée en cette chair, et qu’elle ne donne pas sujet au Seigneur de dire de nous : « Mon esprit ne demeurera point en l’homme, parce qu’il n’est que chair (Gen. VI, 3). » Que notre âme, dis-je, aime sa chair, mais qu’elle ait encore bien plus d’amour pour elle-même, pour son âme à elle. Il faut qu’Adam aime Eve son épouse, mais il ne doit pas l’aimer au point d’obéir plutôt à sa voix qu’à celle de Dieu. Enfin il ne doit point l’aimer de telle sorte qu’en voulant le mettre à couvert des corrections d’un père, elle amasse sur sa tête des trésors de colère et d’éternelle damnation.
« Race de vipères, dit saint Jean-Baptiste, qui vous a appris à fuir la colère dont vous êtes menacés ? Faites de dignes fruits de pénitence (Matth., III 7 et 8).» C’est comme s’il avait dit en des termes plus clairs : prenez la discipline, de crainte que le Seigneur ne s’irrite contre vous. Souffrez la verge qui vous corrige, si vous ne voulez sentir le marteau qui vous brise. Pourquoi les hommes charnels nous disent-ils : votre genre de vie est cruel, vous ne ménagez pas votre chair ? Il est vrai, mais ne point l’épargner, c’est semer à pleines mains la semence de l’éternité. En quoi pourrions-nous raisonnablement épargner cette semence ? N’est-il pas bien plus avantageux de la renouveler et de la multiplier dans le champ, que de la laisser pourrir dans nos greniers ? Hélas ! dit un Prophète, les bêtes de somme ont pourri dans leur ordure (Job, X, 17) ! Est-ce ainsi, hommes sensuels, que vous épargnez votre chair ? Si nous lui sommes cruels pour un temps en la traitant avec rigueur, vous lui êtes bien plus cruels, en lui épargnant toute peine. Car maintenant même notre âme jouit du repos. Mais considérez à quelles ignominies votre chair est condamnée, et quelle misère la justice divine lui prépare pour l’avenir.
« Il ne vous arrivera point de mal, et le fléau n’approchera point de votre tente. » Ces paroles, marquent deux sortes de bonheur, et signifient une double immortalité ; car d’où la mort procède-t-elle, sinon de la séparation de l’âme et du corps ? Aussi dit-on du corps quand il est mort, qu’il est inanimé. Or d’où vient cette séparation, sinon des maux de la vie, des douleurs violentes, de la corruption même du corps, de la peine du péché enfin ? Notre chair craint, avec raison, les maux que lui fera souffrir la séparation amère de l’âme avec laquelle elle se trouve dans une union si chère et si glorieuse. Mais qu’elle le veuille ou non, il faut qu’elle souffre d’être séparée d’elle, jusqu’à ce que le temps soit venu de se réunir de nouveau à elle. Et il est important à notre corps et à notre âme, de souffrir les peines de la séparation, de manière à ne plus craindre que les fléaux approchent jamais de notre tente.
4. Dieu est la véritable vie de l’âme (comme je l’ai déjà marqué), et il nous est avantageux d’avoir toujours cette vérité présente à la pensée. Or il y a un mal qui sépare l’âme de Dieu. Mais c’est le mal de l’âme, le péché. Hélas ! mes frères, comment pouvons-nous nous laisser aller à des bagatelles en cette vie, et nous plaire dans l’oisiveté, quand nous avons près de nous deux serpents cruels tout prêts l’un, à nous ôter la vie du corps, l’autre à nous ravir la vie de l’âme ? Pouvons-nous dormir tranquillement ? Notre négligence, dans de si grands périls, ne serait-elle pas une marque de désespoir plutôt que de sécurité ? En vérité, nous avons sujet de souhaiter d’être délivrés de ces deux genres de mort, qui nous menacent incessamment. Mais il faut fuir le péché bien plus que la peine du péché, et nous devons d’autant plus nous éloigner du mal de l’âme que du fléau du corps, que c’est un malheur et une désolation infiniment plus grande pour l’âme d’être séparée de son Dieu que de l’être de sons corps. Sans doute, quand le péché sera aboli, la cause cessant de subsister, l’effet disparaîtra aussi, et, de même que le mal de l’âme ne pourra plus approcher de notre tente, parce que les peines, de quelque nature qu’elles soient, seront aussi éloignées de l’homme extérieur que le péché le sera de l’homme intérieur, ainsi le Prophète ne dit pas seulement : Il n’y aura point de mal en vous, ou bien : il n’y aura point de fléau dans votre tente, main « le mal n’arrivera point jusques à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente. »
5. Il faut considérer ici, qu’il y a des hommes dans lesquels non-seulement le péché habite, mais dans lesquels il règne. En cet état il ne semble pas que le péché puisse leur être plus intimement uni qu’il l’est, sinon lorsqu’il dominera en eux de telle sorte qu’il ne pourra plus se faire qu’il n’y domine pas. Il s’en trouve d’autres en qui le péché demeure encore, mais sans y dominer. Il y est, mais abattu sinon expulsé, jeté à terre, sinon tout à fait dehors. Il est certain que dans le principe il n’en fut point ainsi, et que le péché non-seulement n’a point régné, mais n’a point même habité dans nos premiers parents, avant leur première désobéissance. Il semble néanmoins que ce péché était déjà en quelque sorte à leur porte, puisqu’il leur fut persuadé si facilement, et qu’il entra si promptement dans leur âme., Et quel avertissement Dieu leur donnait-il, en leur disant : « Dès que vous aurez mangé du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, vous mourrez infailliblement ! (Gen. II,17) », sinon que ce qui devait être la peine du péché si elle n’était pas encore dans les corps, du moins en était bien proche ? Nous donc, qui recevrons en ressuscitant, une vie infiniment plus glorieuse que n’a été notre première condition, nous vivons dans une bien douce attente et dans une heureuse espérance, puisque, ni le fléau, ni la peine du péché, aucun mal, ni aucun fléau, non-seulement ne régnera et n’habitera plus, soit dans nos corps, soit dans nos âmes, mais ne pourra plus même y régner, ni y habiter jamais, selon la parole du Prophète : « Le mal n’arrivera point jusques à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente. » En effet il n’y a rien de si éloigné que ce qui ne peut même plus être jamais.
6. Mais je ne sais à quoi je pense, mes frères, de vous retenir maintenant ici par mon discours. Je crains d’être repris. Car si chacun sait que notre grand et commun Abbé a marqué cette heure, non pour nous livrer à la prédication, mais pour vaquer au travail des mains (Rey. St-Bened. C. 48). Je pense néanmoins qu’il me pardonnera ma faute facilement, en se souvenant de cette tromperie si pieuse et si charitable par laquelle ce saint religieux appelé Romain lui porta à manger durant trois années lorsqu’il était caché dans une caverne. Cet homme (comme, nous lisons dans l’histoire (a) de notre ordre) se dérobait, durant quelques heures, aux. yeux de son supérieur, et portait à saint Benoit, en de certains jours, le pain qu’il se pouvait ôter à lui-même, quand il faisait ses repas. Je ne doute point, mes frères, que plusieurs d’entre vous n’aient une plus grande abondance de richesses spirituelles que celles que je puis leur communiquer, mais je ne me prive pas du bien que je vous communique ! Au contraire, je prends avec plus de sécurité et plus de douceur ce que Notre-Seigneur me donne, en le prenant avec vous. Car non-seulement cette nourriture de l’âme ne diminue point quand on la partage à d’autres, mais plutôt elle s’augmente par cette distribution même. Néanmoins si je vous entretiens en de certains temps, contre la coutume de notre ordre, je ne prends point cette hardiesse de moi-même, mais j’agis par la volonté de nos vénérables frères les autres abbés qui, dans ces rencontres, m’engagent à un emploi auquel ils ne voudraient pas eux-mêmes avoir la permission de s’appliquer à tout moment. Ils savent qu’il y a pour moi une raison particulière et une nécessité personnelle de m’occuper de la sorte. Je ne vous prêcherais point, si je pouvais travailler avec vous. Si je pouvais partager vos travaux, mes prédications seraient peut-être plus efficaces ; en tout cas, cela serait plus conforme au vœu de mon cœur. Mais puisque je n’ai pas le pouvoir de travailler comme vous, tant à cause de mes péchés, qu’à cause des infirmités de ce corps qui, comme vous le savez, m’est si à charge, et du peu de temps dont je dispose, plaise à Dieu, qu’étant de ceux qui disent et qui ne font pas, je puisse obtenir d’être au moins le dernier de son royaume. Ainsi soit-il.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
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