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Solennités en février
Cette page indique uniquement les Solennités et autres fêtes ou particularités du mois.
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MERCREDI 2 FEVRIER – Présentation du Seigneur – Solennité -
Messe à 8h30
SAMEDI 12 FEVRIER – Férie – Messe Sainte Ombeline
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
N.B. – tous les lundis (sauf 28), jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Fevrier-2022
Marche de la Paix – 9 janvier
Dimanche 9 janvier 2022 – Marche de la Paix
L’association Pax Christi Nice invite à une Marche de la Paix le dimanche du Baptême du Seigneur.
Animée par Pax Christi & la Pastorale des Migrants.
- 14h – Départ de l’église du village de Castagniers (parking de la salle des fêtes).
- 16h – Vêpres à l’abbaye Notre-Dame de la Paix.
Marche ouverte à tous sans restriction.
Janvier – Psaume 90 – 11
Mois de janvier
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 11 sur le psaume 90
ONZIÈME SERMON. « Parce qu’il a commandé à ses anges de vous garder en toutes vos voies. (Psal. XC, 11).»
1. Il est écrit, et il n’y a rien de plus vrai, il est écrit « que c’est un effet de la miséricorde et de la bonté infinie du Seigneur que nous ne soyons ni consumés ni abandonnés entre les mains de gros ennemis (Chr. III, 22). » L’œil infatigable et vigilant de la clémence divine veille sur nous. Celui qui garde Israël ne dort et ne sommeille jamais parce que celui qui combat Israël ne dort et ne sommeille point non plus ; et, de même que l’un veille sur nous et a soin de nous, ainsi l’autre veille et travaille toujours à nous perdre et à nous faire mourir : son unique application est d’empêcher que celui qui est éloigné de Dieu, ne retourne jamais à lui. Et nous, nous ne faisons aucune attention, ou nous ne faisons qu’une attention insuffisante à la présence de celui qui préside à nos travaux et à nos combats, à la vigilance de celui qui nous protège, aux biens que nous recevons de ce bienfaiteur généreux. Nous sommes ingrats pour sa grâce, que dis-je ? pour tant de grâces, par lesquelles il nous prévient et nous soutient dans nos besoins. Tantôt il remplit lui-même nos âmes de lumières ou il nous visite par ses anges, tantôt il nous instruit par les hommes, nous console, nous instruit par les Ecritures Saintes. « Car toutes les choses qui sont écrites ont été écrites pour notre instruction, afin que notre espérance soit entretenue par la patience et la consolation que cette divine parole nous donne (Rom. XV, 4). C’est une excellente doctrine que celle qui nous établit dans l’espérance par la patience, car comme il est dit ailleurs : « On connaît la doctrine d’un homme à sa patienté (Prov. XIX. 41). » Et, « la patience fait que nous sommes éprouvés, et l’épreuve produit l’espérance (Rom. V, 4). » Pourquoi n’y a-t-il que nous qui ne soyons pas présents à nous-mêmes ? Pourquoi nous négligeons-nous nous-mêmes ? Faut-il que nous fermions les yeux sur les périls où nous sommes, parce que Dieu pourvoit de tous côtés à nos besoins ? Au contraire, c’est pour cela que nous devons veiller plus soigneusement sur nous. Car Dieu n’aurait pas tous les soins qu’il a pour nous dans le ciel et sur la terre, s’il ne voyait pas quel besoin immense nous avons de son secours. Il ne nous garderait pas, en tant de manières, si nous n’avions à nous garantir de beaucoup de pièges.
2. Mes frères qui sont établis d’une manière toute particulière dans l’espérance, se trouvent exempts de toute crainte et sont bienheureux d’être ainsi délivrés du filet des chasseurs, et d’avoir passé des tentes de ceux qui combattent encore, dans le séjour de ceux qui jouissent du repos. C’est à l’un d’eux, ou plutôt c’est à eux tous que Dieu fait cette promesse : « Le mal n’arrivera point jusqu’à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente ». Considérez que ce n’est pas aux hommes qui vivent selon la chair que cette promesse a été faite, mais à ceux qui, vivant en la chair, se conduisent selon l’esprit. En effet, dans un homme charnel on ne saurait faire de distinction entre lui et sa tente, tout est confus en lui, parce que c’est un enfant de Babylone, c’est un homme qui n’est que chair, et l’esprit de Dieu ne demeure point en lui. Or comment le mal ne s’approcherait-il point de celui en qui le Saint-Esprit n’a point établi sa demeure ? Mais là où est le mal, là aussi est le fléau, c’est-à-dire la peine du mal, car la peine accompagne toujours le péché. Il est donc dit: « Le mal n’arrivera point jusqu’à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente. » Voilà une grande promesse, mais qui me fait espérer que j’en verrai l’effet ? Comment pourrai-je échapper en même temps au mal et au fléau dont je me trouve menacé ? Où trouver un refuge qui m’en garantisse. Comment m’éloigner si bien qu’ils n’approchent point de moi ? Par quel mérite, par quelle vertu y réussirai-je ? « Il a commandé à ses anges de vous garder dans toutes nos voies. » Quelles sont toutes ces voies ? Ce sont celles par lesquelles vous vous éloignez du mal et de la colère à venir. Il y a beaucoup de voies différentes, d’où il arrive qu’il y a bien des périls pour le voyageur. Combien est-il facile de s’égarer lorsqu’il se rencontre plusieurs chemins différents, si on n’a point la science de les discerner ? Car Dieu ne commande pas aux anges de nous garder dans toutes sortes de voies, mais seulement dans toutes nos voies., il y a donc des voies où nous devons nous donner bien garde d’entrer, et il y en a d’autres où nous avons besoin que l’on nous soutienne et que l’on nous guide.
3. Examinons donc mes frères, quelles sont nos voies, et quelles sont celles des démons, voyons aussi quelles sont les voies des esprits bienheureux, et quelles sont celles du Seigneur. J’entreprends, je le confesse, quelque chose qui est au dessus de mes forces, mais vous m’aiderez par vos prières à obtenir de Dieu qu’il daigne m’ouvrir le trésor de son indulgence, et qu’il fasse que le discours que je me propose de vous faire sur un si important sujet lui soit entièrement agréable. Considérons donc, premièrement, quelles sont les voies des enfants d’Adam. Elles sont toutes dans la nécessité ou dans la cupidité. C’est par ces deux choses, en effet, que nous sommes conduits, comme emportés, avec cette différence pourtant que la nécessité semble plutôt nous pousser, tandis que la cupidité nous attire et nous emporte. La première tient plus particulièrement au corps, sa voie n’est pas unique, elle a comme plusieurs sentiers et plusieurs détours qui nous conduisent diversement à de nombreux malheurs mais bien rarement à quelques avantages, si toutefois elle est capable de nous en procurer. Quel homme ignore combien nombreuses sont les nécessités de cette vie ? Qui pourrait les énumérer ? Mais notre expérience nous en instruit assez, et les peines qui en résultent pour nous nous le font assez comprendre. Chacun apprend par lui-même combien il a souvent besoin de crier à Dieu : « Seigneur, délivrez-moi, non pas de la nécessité, mais de toutes mes nécessités (Psal. XXIV, 17). » Mais tout homme qui prête une oreille attentive aux avertissements du sage ne se contente pas de désirer et de demander d’être délivré de toutes ces différentes nécessités, mais il demande encore que Dieu le retire de la voie de ses cupidités. En effet, que dit le sage ? « Détournez-vous de vos propres désirs, et ne suivez point vos convoitises (Eccle. XVIII, 30). » Il est évident que de ces deux maux, le préférable est de vivre clans la nécessité plutôt que clans la cupidité. A la vérité, nous avons un grand nombre de nécessités, mais le nombre de nos cupidités est encore plus grand, en toutes manières, il dépasse même toute mesure et toute borne. Elles viennent toutes du cœur, aussi sont-elles d’autant plus considérables que l’âme est plus grande que le corps. Enfin ces deux voies de la nécessité et de la cupidité sont celles qui paraissent bonnes aux hommes, mais qui ne finissent et n’arrivent à leur terme que lorsqu’elles les précipitent dans l’abîme des enfers. En vous représentant ces voies, soyez persuadés que c’est d’elles sans doute qu’il a été dit : « Il n’y a que de l’affliction et du malheur dans leurs voies (Psal. XIII, 7) » et rapportez l’affliction à la nécessité, et le malheur à la cupidité. Comment le malheur se rencontre-t-il dans la cupidité, ou comment les hommes n’y trouvent-ils pas le bonheur qu’ils s’imaginent ? Qu’arrive-t-il donc lorsqu’un homme pense avoir trouvé, dans l’abondance des biens et des délices de la terre, la félicité qu’il a désirée ? II est d’autant plus misérable qu’il embrasse, avec plus d’ardeur, la misère même, comme si c’était une véritable félicité, et qu’il s’y plonge davantage en pensant avoir trouvé le bonheur parfait. Que les enfants des hommes sont à plaindre, de se laisser prendre à cette fausse et trompeuse félicité ! Malheur à celui qui dit : Je suis dans l’abondance, et je n’ai besoin de quoi que ce soit, tandis qu’il est pauvre et dénué de tout, malheureux et tout à fait misérable. Les nécessités procèdent des infirmités de la chair, et les cupidités de la disette et de l’oubli de l’âme. Elle ne mendie en effet, que parce qu’elle a oublié de manger le pain qui lui est propre et elle ne désire si ardemment les choses de la terre, que parce qu’elle ne s’entretient jamais de celles du Ciel.
4. Voyons maintenant quelles sont les voies des démons. Observons-les pour nous en garantir. Considérons-les afin de nous en éloigner. Or, les voies des démons ne sont autre chose que la présomption et l’obstination. Voulez-vous savoir où j’ai appris cela ? Considérez quel est leur chef, tel maître, tels serviteurs. Considérez les commencements de ses voies, et vous verrez manifestement qu’il s’est jeté d’abord dans une présomption exorbitante en disant : « Je serai assis sur la montagne du testament, aux flancs de l’Aquilon : je serai semblable au Très-Haut (Isa. XIV , 13). » Que cette présomption est téméraire, qu’elle est horrible ! Aussi, tous ces esprits, qui sont des ouvriers d’iniquité, sont-ils tombés, ont-ils été renversés, se sont-ils vus honteusement, chassés ! Leur présomption les a empêchés de se maintenir dans l’état où Dieu les avait créés, et leur obstination de se relever de leur chute. Leur orgueil les a éloignés et leur obstination les a empêchés de revenir. La présomption des démons est bien étonnante, mais leur obstination l’est au moins autant. Leur orgueil en effet, croit et monte toujours, aussi n’y a-t-il point de changement possible pour eux. N’ayant point voulu quitter la voie de la présomption, ils sont tombés dans celle de l’obstination. Que le cœur des enfants des hommes est perverti de suivre les dénions, de marcher sur leurs pas, et d’entrer dans leurs voies ! Tous les efforts de ces esprits d’iniquité ne tendent qu’à nous séduire, à nous engager dans leurs voies, à nous faire toujours marcher en avant, afin de nous conduire avec eux au but qui les attend de toute éternité. Fuyez la présomption si vous voulez que votre ennemi ne triomphe de vous, car c’est principalement dans ces vices, qu’il se plait de nous faire tomber, ayant éprouvé, par lui-même, combien il doit vous être difficile de vous retirer d’un si profond abîme.
5. Mais je ne veux pas vous laisser ignorer, mes fières, comment on descend, ou plutôt, comment on tombe dans ces deux vices. Le premier degré de cette descente, qui se présente à ma pensée, c’est de se dissimuler à soi-même sa propre faiblesse, sa propre méchanceté, et sa propre inutilité. Quand l’homme s’excuse, quand il se flatte, quand il se persuade être quelque chose, quoiqu’il ne soit rien, alors il se fait son propre séducteur. Le second degré, c’est de s’ignorer soi-même. Car, lorsque arrivé au premier degré de sa chute, l’homme vent se cacher à lui-même sa honte et sa nudité, avec d’inutiles feuilles de figuier, il ne lui reste plus que de ne voir pas les blessures qu’il tient cachées, et qu’il n’a cachées qu’à dessin de ne les pas voir. D’où il suit que, si on lui montre ses blessures, il soutient que ce ne sont pas des blessures, et recourt à des paroles pleines d’injustice et d’iniquité pour excuser ses péchés, or, ces excuses mêmes font le troisième degré de la descente, qui approche fort de la présomption. Car de quel mal peut-on rougir, quand on a la hardiesse d’entreprendre de justifier celui que l’on a commis ? Mais d’ailleurs, le pêcheur qui en est arrivé là, ne saurait demeurer dans ces ténèbres et sur cette pente, car l’ange mauvais, ministre de la justice de Dieu, ne manque pas alors de poursuivre et de pousser l’homme, pour le faire tomber encore plus bas. Il y a donc encore un quatrième degré, disons mieux, un quatrième abîme, c’est le mépris, dont parle le Sage en ces termes : « Lorsque l’impie est tombé dans l’abîme du péché, il méprise tout (Prov. XVIII, 3). » Ensuite le puits de l’abîme se ferme sur lui de plus en plus, car ce mépris jette l’âme dans l’impénitence, et l’impénitence s’affermit, dans le cœur, par l’obstination. Voilà le péché qui ne doit être remis ni dans ce siècle, ni dans l’autre, parce que le cœur endurci, n’a plus la crainte de Dieu, ni aucun respect pour les hommes. Celui qui s’attache ainsi au démon dans toutes les voies, est évidemment devenu un même esprit avec lui. Les voies des hommes que nous avons expliquées plus haut, sont celles dont il est dit : « Je souhaite que vous ne soyez éprouvés que par des tentations humaines (I. Cor. X, 13). » Or, il est certain que pécher est bien le fait de l’homme, mais qui ne sait que les voies des démons sont fort éloignées de la nature de l’homme, si ce n’est qu’en quelques-uns les mauvaises habitudes semblent leur avoir fait prendre la nature de ces esprits diaboliques ? mais enfin, si on voit persévérer quelques hommes dans le péché, cette persévérance n’est pourtant pas une chose humaine, c’en est une diabolique.
6. Voyons maintenant quelles sont les voies des anges. Evidemment ce sont celles dont le fils unique du Père a voulu parler quand il a dit : « Vous verrez les anges monter et descendre sur le Fils de l’homme (Jean. I, 51). » Leurs voies c’est donc. de monter et de descendre. Ils montent pour eux, ils descendent pour nous, ou plutôt ils descendent avec nous. Ces bienheureux esprits, montent donc par la contemplation de Dieu, et ils descendent pour avoir soin de nous et pour nous garder dans toutes nos voies. Ils montent vers Dieu, pour jouir de sa présence, ils descendent vers nous, pour obéir à ses ordres, car il leur a commandé de prendre soin de nous. Toutefois en descendant vers nous, ils ne sont point privés de la gloire qui les rend heureux, ils voient toujours le visage du Père éternel.
7. Vous désirez maintenant je pense, que je vous entretienne des voies du Seigneur. II me semble que c’est beaucoup présumer de moi-même que de me promettre de vous les montrer ; en effet, l’Ecriture-Sainte, nous dit qu’il nous les enseignera lui-même (Psal. XXIV, 9). Car, à qui pourrait-on s’en rapporter avec confiance sur ce sujet, sinon à lui ? Il nous a donc enseigné ses voies, lorsqu’il a fait dire à son prophète : « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité (Psal. XXIV, 10). » C’est par la miséricorde et par la vérité qu’il vient à chacun de nous en particulier, et qu’il vient à tous les hommes en général. Lorsque nous présumons beaucoup de sa miséricorde, et que nous oublions la vérité, Dieu n’est pas encore en nous. Et il n’y est pas davantage, lorsque la considération de sa vérité nous remplit de crainte, et que le souvenir de sa miséricorde ne nous apporte aucune consolation. Car, celui qui ne reconnaît pas la miséricorde où elle est véritablement, s’éloigne de la vérité, et la miséricorde ne saurait être véritable sans la vérité. Aussi, ceux en qui la miséricorde et la vérité se rencontrent, voient la justice et la paix se donner en eux le baiser d’alliance, et par conséquent Dieu, qui, selon le Prophète, a établi sa demeure dans la paix, ne saurait être absent de leur cœur. Combien l’Écriture-Sainte nous donne-t-elle de lumières et de connaissances, sur cette heureuse union de la miséricorde et de la vérité ? « Votre miséricorde et votre vérité ont été mon asile; » dit le Prophète ( Psal. XXXIX, 12). Et d’ailleurs : « Votre miséricorde est toujours devant mes yeux et je me plais à contempler votre vérité (Ps. XXV, 3). » Or, Dieu a voulu donner lui-même ce témoignage de ce Prophète : « Ma vérité et ma miséricorde sont avec lui (Psal., XXXVIII, 15). »
8. Considérons aussi les voies que Notre-Seigneur Jésus-Christ a suivies pour venir à nous, elles sont manifestes, et nous trouverons que si nous possédons maintenant, en sa personne, un Sauveur plein de miséricorde, nous aurons en lui, à la fin du monde, un juge plein de justice et de vérité, selon ce que dit l’Écriture-Sainte : « Dieu aime la miséricorde et la vérité, le Seigneur donnera la grâce et la gloire (Psal. LXXXIII, 12).» Si donc, Notre-Seigneur, dans son premier avènement, s’est souvenu de sa miséricorde et de sa vérité, en faveur de la nation d’Israël, dans son dernier avènement, quoiqu’il doive juger la terre dans son équité, et tous les peuples dans sa vérité, néanmoins, son jugement ne sera point sans miséricorde, si ce n’est à l’égard de celui qui n’aura point fait de miséricorde. Car telles sont ses voies éternelles, dont un prophète a dit : « Les collines du monde se sont abaissées sous ses voies éternelles (Abac. III, 6). » Il m’est facile de le prouver, puisque l’Écriture-Sainte. nous assure « que la miséricorde du Seigneur est de toute éternité, et doit s’étendre jusques dans l’éternité (Psal. CII, 17) : et que la vérité du Seigneur, doit aussi durer éternellement (Psal. CXXVI, 2). » Les collines du monde, c’est-à-dire les démons superbes qui sont les princes des ténèbres de ce siècle, se sont abaissées sous ces voies ; mais ils ont ignoré ses voies, ils ne se sont point souvenus de ses sentiers. Quel rapport peut-il y avoir entre la vérité et celui qui est par excellence, le menteur et le père du mensonge ? Aussi Notre-Seigneur rend-il ce témoignage de lui : « Il n’est point demeuré dans la vérité (Jean. VIII, 23). » Et pour ce qui est de la miséricorde, la malice cruelle avec laquelle il nous a fait tomber dans la misère où nous sommes, témoigne assez combien il s’en est éloigné. Quand a-t-on pu le voir exercer un acte de miséricorde, lui, qui a été homicide dès le commencement du monde ? Celui qui n’est pas bon pour lui-même, peut-il avoir de la compassion pour les autres ? Or, combien n’est-il pas méchant et injuste pour lui-même, celui qui ne s’afflige jamais de ses propres iniquités, et à qui sa propre damnation ne donne jamais aucun sentiment de pénitence ! Sa présomption en le trompant, l’a tenu éloigné de la voie de la vérité, et son obstination cruelle lui a fermé la voie de la miséricorde ; en sorte, qu’il ne peut jamais trouver en soi la miséricorde, et ne peut jamais l’obtenir de Dieu. Voici donc de quelle manière ces collines si élevées ont été contraintes de s’abaisser, sous les voies éternelles du Seigneur. Ces esprits superbes se sont éloignés des voies droites du Seigneur par des détours et des chemins obliques et tortueux, qui ont été des précipices dans lesquels ils sont tombés, plutôt que des chemins. Mais combien les autres collines se sont-elles abaissées et humiliées pour leur salut, avec plus de prudence et d’avantages, sous les voies de Notre-Seigneur ? Car elles n’ont point été abaissées par force, comme si elles se fussent trouvées opposées à ces voies saintes et divines. Mais elles se sont pliées à ces voies de l’éternité. Ne voit-on pas maintenant les collines du monde abaissées, puisque les grands et les puissances du siècle s’abaissent devant Notre-Seigneur, par une pieuse soumission, en adorant la trace de ses pas ? Ne sont-elles pas abaissées et aplanies, lorsque ces grands abandonnent les pernicieuses hauteurs de leur vanité et de leur cruauté, pour suivre les humbles sentier de la vérité ?
9. Non-seulement les saints anges, mais aussi les hommes prédestinés confirment et règlent toutes leurs voies sur ces voies de Notre-Seigneur. Le premier degré par lequel l’homme misérable sort de l’abîme des vices est cette miséricorde par laquelle il a compassion du fils de sa mère, compassion de son âme, et travaille à plaire à Dieu. Car, il imite alors le grand ouvrage de la divine miséricorde. Il est brisé de componction avec celui qui l’a été de douleur pour lui, et meurt aussi en quelque sorte pour son salut, et ne l’épargne pas par cette compassion qu’il a de lui-même lorsqu’il retourne à son cœur, comme parle l’Écriture-Sainte, et qu’il rentre dans le plus intime de son âme. Il ne lui reste plus qu’à s’engager dans la voie royale qui mène à la vérité, et à joindre la confession de la bouche à la contrition du cœur, comme je vous ai souvent recommandé de le faire; car nous croyons du cœur pour la justice, et nous confessons de la bouche pour le salut. Il est nécessaire, que celui qui retourne à son cœur en se convertissant, devienne petit à ses yeux, selon cette parole de la Vérité même : « Si vous ne vous convertissez, et ne devenez comme un petit enfant, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux (Matth. XVIII; 3). » Il faut qu’il n’essaie pas de dissimuler ce qu’il ne peut ignorer; mais qu’il reconnaisse que son péché a fait de lui un néant. Il ne faut pas qu’il ait honte de produire au dehors, dans la lumière de la vérité, les défauts qu’il voit, avec des sentiments de compassion, dans le fond de son cœur. Par ce moyen, l’homme entre dans les voies de la miséricorde et de la vérité, qui sont les voies du Seigneur, les voies de la vie. Or, le terme assuré où elles aboutissent, est le salut de ceux qui les suivent jusqu’au bout.
10. Ce n’est pas tout; mais il est évident que les anges aussi tendent aux mêmes voies; car, lorsqu’ils montent à la contemplation de Dieu, ils cherchent la vérité dont ils se remplissent incessamment en la désirant, et qu’ils désirent toujours en la possédant. Lorsqu’ils descendent, ils exercent envers nous la miséricorde, puisqu’ils nous gardent dans toutes nos voies. Car ces bienheureux esprits sont les ministres de Dieu qui nous sont envoyés pour nous venir en aide (Hebr. 1, 14); et, dans cette fonction, ce n’est pas à Dieu qu’ils rendent service, mais à nous. Or ils imitent en cela, l’humilité du Fils de Dieu, qui n’est point venu pour être servi, mais pour servir, et qui a vécu parmi ses disciples, comme s’il avait été leur serviteur (Matt. XX, 28). L’utilité que les anges retirent pour eux en suivant ces voies, c’est leur propre bonheur et la perfection de l’obéissance dans la charité; et celle que nous en recueillons nous-mêmes, c’est la communication qui nous est faite des grâces de Dieu; et l’avantage d’être gardés par eux dans nos voies, puisque Dieu a commandé à ses anges de nous garder dans tous nos besoins, et dans tous nos désirs. Si nous manquions de ce secours, nous pourrions entrer facilement dans la voie de 1a mort, et passer de la nécessité dans l’obstination, et de la cupidité dans la présomption, qui sont les voies non des hommes, mais des démons. Car en quoi les hommes sont-ils ordinairement le plus opiniâtres, sinon dans les choses qu’ils feignent ou s’imaginent appartenir à la nécessité ? Si on les avertit, ils vous répondent, je puis ce que je puis, et rien au-delà (Térence). Mais vous, si vous en êtes là, montrez d’autres sentiments. Quant à la présomption, nous n’y tombons que lorsque nous y sommes poussés par l’ardeur et la violence de nos désirs.
11. Les anges ont donc reçu l’ordre de Dieu, non pas de nous retirer de nos voies, mais de nous y garder soigneusement, et de nous conduire dans les voies de Dieu, par celles qu’ils suivent eux-mêmes. Or, comment pouvons-nous les suivre dans leurs voies ? Car les anges agissent par la seule charité, et d’une manière beaucoup plus pure et plus parfaite que nous ne faisons. Mais au moins, étant excités et pressés par la nécessité de l’état où nous sommes, de nous secourir les uns les autres, pour imiter l’exemple des esprits bienheureux, autant qu’il nous est possible, descendons vers notre prochain, et condescendons à ses besoins, en exerçant envers lui la miséricorde et la charité. Puis d’un autre côté, élevant nos désirs vers Dieu, à l’imitation de ses anges, efforçons-nous de toute notre âme de monter jusqu’à la souveraine et éternelle vérité. Voilà pourquoi Dieu nous exhorte par un de ses prophètes à élever nos cœurs avec nos mains, pourquoi nous entendons dire tous les jours: «Élevons nos cœurs, » (Lam. III, 41) pourquoi Dieu nous reproche notre négligence; et nous dit : «Enfants des hommes, jusques à quand aurez-vous le cœur appesanti, aimerez-vous la vanité, et chercherez-vous, le mensonge (Psal. III, 4)? » Quand notre cœur est déchargé du poids qui le retient sur la terre, nous l’élevons plus facilement à la recherche et à l’amour de la vérité. Il ne faut pas nous étonner que ces esprits si élevés daignent nous garder dans nos voies, que dis-je ? ne dédaignent même point de nous admettre et de nous faire entrer avec eux dans les voies du Seigneur. Combien toutefois y marchent-ils plus heureusement, et avec plus de sécurité que nous mais aussi combien la manière dont ils suivent les sentiers de la miséricorde et de la vérité est-elle inférieure à celle dont la vérité et la miséricorde même suit, en toute occasion, les voies de la miséricorde et de la vérité ?
12. Combien Dieu a-t-il placé tous les êtres au degré qui leur convient ! Ainsi Lui, qui est l’Être souverain, au dessus et au delà de qui il n’y a rien, il occupe le premier rang. S’il n’a pas établi ses anges à cette suprême élévation, il les a placés dans un degré plein de sécurité; car, se trouvant tout près de cet être souverain, qui tient le plus haut degré, ils sont affermis dans leur état par la vertu de celui qui est au dessus d’eux. Quant aux hommes ils ne sont ni au plus haut degré ni dans un état sûr, mais dans un état où ils sont obligés de veiller sur eux, mais ils sont en lieu stable et solide, sur la terre, veux-je dire et s’ils sont placés bien bas, du moins ne sont-ils point au fond de l’abîme, aussi peuvent-ils et doivent-ils être contraints de se tenir sur leurs gardes. Quant aux démons, ils habitent la région de l’air, d’où ils vont de tous côtés, sans avoir de repos, comme s’ils étaient agités par le vent. Ils sont indignes de monter dans le ciel, et ils dédaignent de descendre sur la terre ! Mais il suffit pour aujourd’hui. Et je prie, de tout mon cœur celui de qui vient tout ce qui nous suffit, et tout ce que nous pouvons, de nous donner de quoi lui rendre grâce suffisamment car nous ne saurions avoir de nous-mêmes seulement une bonne pensée.
Mais il faut qu’elle nous vienne de celui qui donne à tous abondamment, de Dieu qui est béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
- Onzième sermon
Solennités en janvier
Cette page indique uniquement les Solennités et autres fêtes ou particularités du mois.
En dehors de ces jours, consulter les Horaires Messes et Offices
SAMEDI 1er JANVIER – Sainte Mère de Dieu – Journée Mondiale de la Paix
Horaire habituel du dimanche
– 10h00 : Messe de la Sainte Mère de Dieu
– 11h45 : Sexte
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
DIMANCHE 2 JANVIER – Epiphanie du Seigneur – Solennité
Horaire habituel du dimanche
DIMANCHE 9 JANVIER – Baptême du Seigneur – Fête
Horaire habituel du dimanche modifié
– 16h : Vêpres
MERCREDI 26 JANVIER – Solennité des Saints fondateurs de Cîteaux : Saint Robert, Saint Albéric et Saint Etienne (moines bénédictins de Molesmes, dans la mouvance de Cluny)
Horaire habituel du dimanche – Messe à 10h
N.B. – tous les lundis (sauf 10 et 31), jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Janvier-2022
Décembre – Psaume 90 – 10
Mois de décembre
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 10 sur le psaume 90
DIXIÈME SERMON. « Il ne vous arrivera point de mal ; et le fléau n’approchera point de votre tabernacle (Psal. XC, 10 ) . »
1. C’est une maxime qui ne vient pas de moi, et qui n’est pas nouvelle pour vous, mais que vous connaissez très-bien, que, pour ce qui regarde les principaux objets de la foi, il est plus facile de connaître et plus périlleux d’ignorer ce qu’ils ne sont pas, que ce qu’ils sont. On peut en dire autant de l’expérience ; car l’esprit de l’homme, par l’espérance qu’il a des peines de la vie, comprend plus facilement les maux dont il doit être exempt, que les biens dont il doit jouir. L’espérance et la foi ont entre elles un si grand rapport de parenté, que les objets de notre espérance sont les mêmes que ceux de notre foi. C’est pourquoi l’Apôtre a dit, avec grande raison, que la foi était la substance des choses que nous devons espérer (Heb. XI, l); parce qu’on ne saurait espérer ce qu’on ne croit point, de même qu’on ne saurait peindre sans un corps qui reçoive la peinture. La foi nous dit que Dieu prépare aux fidèles des biens inestimables et incompréhensibles. Et l’espérance nous dit : C’est à moi que ces biens sont réservés. Et la charité ajoute ensuite : Pour moi, je cours à la recherche et à la possession de ces biens. Mais, comme je viens de le dire, il est extrêmement difficile, ou même impossible de connaître le prix et la qualité de ces biens, si ce n’est pour ceux à qui Dieu l’a voulu révéler par son esprit, puisque, selon l’Apôtre, « l’œil n’a point vu, ni l’oreille entendu, ni l’esprit de l’homme n’a pu concevoir quels sont les biens que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment (I. Cor. II, 9). » Si nous n’étions en cette vie capables de quelque perfection, si imparfaite qu’elle soit, si on peut ainsi parler, l’Apôtre ne dirait pas : « Nous tous, tant que nous sommes de parfaits, ayons le même sentiment (Phil. III, 15). » La perfection dont il parle ici est sans doute celle dont il avait parlé ailleurs, en disant : « Ce n’est pas que j’aie tout reçu, et que je sois encore parfait. » Car saint Paul est contraint d’avouer lui-même, « qu’il ne connaît qu’en partie les choses de Dieu, car nous ne voyons maintenant, que comme dans un miroir et en énigme, ce n’est que plus tard que nous verrons Dieu face à face (I. Cor. XIII, 12). » Dieu donc représente à l’homme, dans l’Ecriture sainte, par une providence et une bonté toute paternelles, les choses qu’il est plus capable de discerner, dans sa condition présente. C’est le propre des affligés de regarder, comme une souveraine félicité, d’être délivrés de leurs afflictions, et de tenir pour un suprême bonheur de se trouver exempts de misères. C’est pourquoi le Prophète, dans un psaume, parle à son âme en ces termes : « Tournez-vous, mon âme, vers votre repos, parce que le Seigneur vous a honorée, de ses bienfaits. » Et cependant, au lieu de citer des bienfaits nouveaux qu’il aurait reçus, il dit seulement : « Il a délivré mon âme de la mort, mes yeux des larmes, et mes pieds de la chute (Psal. CXIV, 7) » ce qui montre bien qu’il regarde comme un grand repos et un grand bienfait, de la part du Seigneur, d’être délivré des périls et des tribulations qui l’assiégeaient.
2. Le verset, dont, j’ai maintenant à vous entretenir, se rapporte parfaitement à ce sentiment : « Il ne vous arrivera point de mal, et le fléau n’approchera point de votre tabernacle. » Ces paroles, autant que je puis le concevoir, sont faciles à entendre, et, peut-être plusieurs d’entre vous en ont-ils déjà prévenu l’explication. Car vous n’êtes pas si peu instruits, et si dépourvus de toute connaissance spirituelle, que vous ne sachiez quelle différence vous devez faire entre vous et vos tabernacles ; de même que celle qu’on doit mettre entre ce que le Prophète appelle le mal, et ce qu’il appelle le fléau. Vous avez en effet entendu l’Apôtre dire qu’après avoir combattu un bon combat, il quittera bien vite son tabernacle. Mais qu’ai-je besoin de rapporter les paroles de l’Apôtre (Tim. IV, 6) ? Le soldat ignore-t-il ce que c’est que sa tente, et a-t-il besoin qu’on l’instruise là dessus, par l’exemple des autres ? Nous voyons dans l’Eglise des combattants qui ont fait de leur tente la demeure d’une honteuse servitude. Bien plus, il y en a, c’est une chose bien ridicule, qui sont tombés dans une telle erreur, dans un si grand oubli de leur condition et dans une si étrange folie, qu’ils semblent regarder cette tente extérieure comme ne faisant qu’un avec eux. Ne faut-il pas que non-seulement ils ignorent Dieu, mais qu’ils s’ignorent eux-mêmes, puisqu’étant comme morts dans le cœur, ils donnent tous leurs soins et toutes leurs peines à leur corps, et s’appliquent autant à conserver leur chair, que si elle ne devait jamais périr ? Or il est certain qu’elle ne pourra éviter de périr, et même dans peu de temps. Ceux qui sont dévoués à la chair et au sang, comme s’ils s’imaginaient n’être autre chose que chair et que sang, ne semblent-ils pas s’ignorer eux-mêmes, et avoir reçu leurs âmes aussi inutilement, que s’ils ignoraient qu’ils, en ont une ? « Si vous séparez ce qui est précieux de ce qui est vil, dit le Seigneur, vous serez comme un oracle de ma bouche (Jer. XV, 19), » c’est-à-dire, si vous êtes exact et fidèle à mettre la différence qui doit exister entre les biens extérieurs et les biens intérieurs, en sorte que vous ne craigniez pas plus le fléau, pour votre demeure passagère, que le mal pour vous-mêmes, vous serez comme un oracle de ma bouche.
Le mal dont il est parlé ici, est celui dont il est dit ailleurs : « Eloignez-vous du mal, et faites le bien (Psal. XXXVI, 27). » C’est le mal qui prive notre âme de sa vie, et qui est une funeste séparation entre Dieu et nous. Pendant que ce mal règne dans nous, notre âme éloignée de Dieu est comme un corps sans âme. Dans cet état elle est véritablement morte, et semblable à ceux que l’Apôtre nous représente comme étant sans Dieu en ce monde.
3. Ce n’est pas que je vous exhorte, mes frères, à haïr votre chair. Vous devez l’aimer comme l’asile de votre âme, que Dieu destine à participer avec elle à l’éternelle félicité. Mais il faut que l’âme aime sa chair de telle sorte, qu’elle ne paraisse pas être changée en cette chair, et qu’elle ne donne pas sujet au Seigneur de dire de nous : « Mon esprit ne demeurera point en l’homme, parce qu’il n’est que chair (Gen. VI, 3). » Que notre âme, dis-je, aime sa chair, mais qu’elle ait encore bien plus d’amour pour elle-même, pour son âme à elle. Il faut qu’Adam aime Eve son épouse, mais il ne doit pas l’aimer au point d’obéir plutôt à sa voix qu’à celle de Dieu. Enfin il ne doit point l’aimer de telle sorte qu’en voulant le mettre à couvert des corrections d’un père, elle amasse sur sa tête des trésors de colère et d’éternelle damnation.
« Race de vipères, dit saint Jean-Baptiste, qui vous a appris à fuir la colère dont vous êtes menacés ? Faites de dignes fruits de pénitence (Matth., III 7 et 8).» C’est comme s’il avait dit en des termes plus clairs : prenez la discipline, de crainte que le Seigneur ne s’irrite contre vous. Souffrez la verge qui vous corrige, si vous ne voulez sentir le marteau qui vous brise. Pourquoi les hommes charnels nous disent-ils : votre genre de vie est cruel, vous ne ménagez pas votre chair ? Il est vrai, mais ne point l’épargner, c’est semer à pleines mains la semence de l’éternité. En quoi pourrions-nous raisonnablement épargner cette semence ? N’est-il pas bien plus avantageux de la renouveler et de la multiplier dans le champ, que de la laisser pourrir dans nos greniers ? Hélas ! dit un Prophète, les bêtes de somme ont pourri dans leur ordure (Job, X, 17) ! Est-ce ainsi, hommes sensuels, que vous épargnez votre chair ? Si nous lui sommes cruels pour un temps en la traitant avec rigueur, vous lui êtes bien plus cruels, en lui épargnant toute peine. Car maintenant même notre âme jouit du repos. Mais considérez à quelles ignominies votre chair est condamnée, et quelle misère la justice divine lui prépare pour l’avenir.
« Il ne vous arrivera point de mal, et le fléau n’approchera point de votre tente. » Ces paroles, marquent deux sortes de bonheur, et signifient une double immortalité ; car d’où la mort procède-t-elle, sinon de la séparation de l’âme et du corps ? Aussi dit-on du corps quand il est mort, qu’il est inanimé. Or d’où vient cette séparation, sinon des maux de la vie, des douleurs violentes, de la corruption même du corps, de la peine du péché enfin ? Notre chair craint, avec raison, les maux que lui fera souffrir la séparation amère de l’âme avec laquelle elle se trouve dans une union si chère et si glorieuse. Mais qu’elle le veuille ou non, il faut qu’elle souffre d’être séparée d’elle, jusqu’à ce que le temps soit venu de se réunir de nouveau à elle. Et il est important à notre corps et à notre âme, de souffrir les peines de la séparation, de manière à ne plus craindre que les fléaux approchent jamais de notre tente.
4. Dieu est la véritable vie de l’âme (comme je l’ai déjà marqué), et il nous est avantageux d’avoir toujours cette vérité présente à la pensée. Or il y a un mal qui sépare l’âme de Dieu. Mais c’est le mal de l’âme, le péché. Hélas ! mes frères, comment pouvons-nous nous laisser aller à des bagatelles en cette vie, et nous plaire dans l’oisiveté, quand nous avons près de nous deux serpents cruels tout prêts l’un, à nous ôter la vie du corps, l’autre à nous ravir la vie de l’âme ? Pouvons-nous dormir tranquillement ? Notre négligence, dans de si grands périls, ne serait-elle pas une marque de désespoir plutôt que de sécurité ? En vérité, nous avons sujet de souhaiter d’être délivrés de ces deux genres de mort, qui nous menacent incessamment. Mais il faut fuir le péché bien plus que la peine du péché, et nous devons d’autant plus nous éloigner du mal de l’âme que du fléau du corps, que c’est un malheur et une désolation infiniment plus grande pour l’âme d’être séparée de son Dieu que de l’être de sons corps. Sans doute, quand le péché sera aboli, la cause cessant de subsister, l’effet disparaîtra aussi, et, de même que le mal de l’âme ne pourra plus approcher de notre tente, parce que les peines, de quelque nature qu’elles soient, seront aussi éloignées de l’homme extérieur que le péché le sera de l’homme intérieur, ainsi le Prophète ne dit pas seulement : Il n’y aura point de mal en vous, ou bien : il n’y aura point de fléau dans votre tente, main « le mal n’arrivera point jusques à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente. »
5. Il faut considérer ici, qu’il y a des hommes dans lesquels non-seulement le péché habite, mais dans lesquels il règne. En cet état il ne semble pas que le péché puisse leur être plus intimement uni qu’il l’est, sinon lorsqu’il dominera en eux de telle sorte qu’il ne pourra plus se faire qu’il n’y domine pas. Il s’en trouve d’autres en qui le péché demeure encore, mais sans y dominer. Il y est, mais abattu sinon expulsé, jeté à terre, sinon tout à fait dehors. Il est certain que dans le principe il n’en fut point ainsi, et que le péché non-seulement n’a point régné, mais n’a point même habité dans nos premiers parents, avant leur première désobéissance. Il semble néanmoins que ce péché était déjà en quelque sorte à leur porte, puisqu’il leur fut persuadé si facilement, et qu’il entra si promptement dans leur âme., Et quel avertissement Dieu leur donnait-il, en leur disant : « Dès que vous aurez mangé du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, vous mourrez infailliblement ! (Gen. II,17) », sinon que ce qui devait être la peine du péché si elle n’était pas encore dans les corps, du moins en était bien proche ? Nous donc, qui recevrons en ressuscitant, une vie infiniment plus glorieuse que n’a été notre première condition, nous vivons dans une bien douce attente et dans une heureuse espérance, puisque, ni le fléau, ni la peine du péché, aucun mal, ni aucun fléau, non-seulement ne régnera et n’habitera plus, soit dans nos corps, soit dans nos âmes, mais ne pourra plus même y régner, ni y habiter jamais, selon la parole du Prophète : « Le mal n’arrivera point jusques à vous, et le fléau n’approchera point de votre tente. » En effet il n’y a rien de si éloigné que ce qui ne peut même plus être jamais.
6. Mais je ne sais à quoi je pense, mes frères, de vous retenir maintenant ici par mon discours. Je crains d’être repris. Car si chacun sait que notre grand et commun Abbé a marqué cette heure, non pour nous livrer à la prédication, mais pour vaquer au travail des mains (Rey. St-Bened. C. 48). Je pense néanmoins qu’il me pardonnera ma faute facilement, en se souvenant de cette tromperie si pieuse et si charitable par laquelle ce saint religieux appelé Romain lui porta à manger durant trois années lorsqu’il était caché dans une caverne. Cet homme (comme, nous lisons dans l’histoire (a) de notre ordre) se dérobait, durant quelques heures, aux. yeux de son supérieur, et portait à saint Benoit, en de certains jours, le pain qu’il se pouvait ôter à lui-même, quand il faisait ses repas. Je ne doute point, mes frères, que plusieurs d’entre vous n’aient une plus grande abondance de richesses spirituelles que celles que je puis leur communiquer, mais je ne me prive pas du bien que je vous communique ! Au contraire, je prends avec plus de sécurité et plus de douceur ce que Notre-Seigneur me donne, en le prenant avec vous. Car non-seulement cette nourriture de l’âme ne diminue point quand on la partage à d’autres, mais plutôt elle s’augmente par cette distribution même. Néanmoins si je vous entretiens en de certains temps, contre la coutume de notre ordre, je ne prends point cette hardiesse de moi-même, mais j’agis par la volonté de nos vénérables frères les autres abbés qui, dans ces rencontres, m’engagent à un emploi auquel ils ne voudraient pas eux-mêmes avoir la permission de s’appliquer à tout moment. Ils savent qu’il y a pour moi une raison particulière et une nécessité personnelle de m’occuper de la sorte. Je ne vous prêcherais point, si je pouvais travailler avec vous. Si je pouvais partager vos travaux, mes prédications seraient peut-être plus efficaces ; en tout cas, cela serait plus conforme au vœu de mon cœur. Mais puisque je n’ai pas le pouvoir de travailler comme vous, tant à cause de mes péchés, qu’à cause des infirmités de ce corps qui, comme vous le savez, m’est si à charge, et du peu de temps dont je dispose, plaise à Dieu, qu’étant de ceux qui disent et qui ne font pas, je puisse obtenir d’être au moins le dernier de son royaume. Ainsi soit-il.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
- Dixième sermon
Solennités en décembre
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En dehors de ces jours, consulter les Horaires Messes et Offices
MERCREDI 8 DECEMBRE – Solennité de l’Immaculée Conception
Horaire habituel du dimanche – Messe à 10h
SAMEDI 11 DECEMBRE – Férie de l’Avent
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
VENDREDI 24 DECEMBRE
– horaire habituel jusqu’à Vêpres
– 17h15 : Vêpres + Adoration
– pas de Complies
– 22h00 : Office des Vigiles de Noël
– Minuit : Messe de Noël
SAMEDI 25 DECEMBRE – SOLENNITE DE LA NATIVITE DU SEIGNEUR
Horaire habituel du dimanche
– 7h30 : Laudes
– 8h45 : Tierce
– 10h00 : Messe du Jour de Noël
– 11h45 : Sexte
– 13h30 : None
– 16h30 : Vêpres + Adoration
– 20h00 : Complies
DIMANCHE 26 DECEMBRE – La Sainte Famille – Fête
Horaire habituel du dimanche
– 5h00 : Vigiles
– 7h30 : Laudes
– 8h45 : Tierce
– 10h00 : Messe
– 11h45 : Sexte
– 13h30 : None
– 16h30 : Vêpres + Adoration
– 20h00 : Complies
SAMEDI 1er JANVIER – SAINTE MARIE MERE DE DIEU – JOURNEE MONDIALE POUR LA PAIX
Horaire habituel du dimanche
– 5h00 : Vigiles
– 7h30 : Laudes
– 8h45 : Tierce
– 10h00 : Messe
– 11h45 : Sexte
– 13h30 : None
– 16h30 : Vêpres + Adoration
– 20h00 : Complies
DIMANCHE 2 JANVIER – Epiphanie du Seigneur
– 5h00 : Vigiles
– 7h30 : Laudes
– 8h45 : Tierce
– 10h00 : Messe
– 11h45 : Sexte
– 13h30 : None
– 16h30 : Vêpres + Adoration
– 20h00 : Complies
N.B. Marche pour la Paix – Dimanche 9 janvier
N.B. – tous les lundis jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Decembre-2021
Novembre – Psaume 90 – 9
Mois de novembre
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 9 sur le psaume 90
NEUVIÈME SERMON. « Ce bonheur m’arrivera, parce que vous êtes mon espérance. Vous avez placé votre refuge extrêmement haut (Psal. XC, 9). »
1. Entretenons-nous aujourd’hui, mes frères, de la promesse du Père, de l’espérance des enfants, de la fin de notre pèlerinage; de la récompense de notre travail, du fruit de notre captivité. Il est hors de doute que nous sommes maintenant dans une dure captivité, je ne parle pas seulement de cette captivité commune, qui est la conséquence de la condition où sont maintenant réduits tous les hommes, mais j’entends cette captivité particulière, par laquelle, en nous appliquant avec zèle et ardeur, à mortifier notre propre volonté, et nous préparant à perdre même la vie que nous possédons en ce monde, nous nous sommes jetés dans les liens de la rigoureuse discipline de notre institut, et dans les exercices de cette austère pénitence qui nous est comme une prison. Quelle servitude affreuse si elle était forcée, au lieu d’être volontaire ! Mais puisque vous faites votre sacrifice à Dieu volontairement, et. que vous ne faites aucune violence à votre volonté que par votre volonté même, il faut qu’il y ait là quelque chose qui vous pousse, et ce quelque chose est si grand, que rien ne saurait être plus grand. A-t-on sujet de se plaindre, quelque difficile et quelque pénible que soit une chose, quand on ne l’entreprend que pour Dieu ? Si quelquefois la grandeur de nos peines porte ceux qui mous voient à quelque sentiment de compassion, la pensée de la cause pour laquelle nous souffrons doit les obliger au contraire à se réjouir avec nous; ajoutez à cela que toutes nos bonnes œuvres, non- seulement se font pour Dieu, mais ne se font que par lui ? Car c’est lui qui opère en nous le vouloir, et le parfaire, selon son bon plaisir, (Phil. II, 13). Il est donc l’auteur de tout le bien que nous faisons; c’est lui aussi qui le récompense, et la récompense, c’est lui. De manière que ce Dieu, qui est le souverain bien, et dont l’unité est si parfaite en lui-même, se multiplie en quelque sorte en nous, car il est doublement cause de toutes nos, bonnes actions, cause effective et cause finale. Ce vous est donc un grand bonheur, mes très-chers frères, que non-seulement vous subsistiez et persévériez dans toutes les épreuves où vous vous trouvez, mais que vous en triomphiez encore par la grâce de celui qui vous a aimés. En effet, n’est-ce pas aussi par lui que vous êtes victorieux ? Ont, sans doute ; et c’est ce que l’Apôtre nous enseigne manifestement en ces termes : « Comme nos afflictions sont abondantes pour Jésus-Christ, ainsi nos consolations sont abondantes par lui (Cor. 1, 5). »
2. Cette parole, «pour Dieu, » est fort en usage. C’est une façon de parler extrêmement commune. Mais en même, temps, c’est une parole d’une très-grande profondeur. Elle se trouve souvent en la bouche des hommes, même de ceux qui montrent assez qu’elle est loin de leur cœur. Tous les hommes demandent qu’on leur accorde, pour Dieu, ce qu’ils désirent obtenir, ils demandent avec instance que, pour Dieu, on les assiste dans leurs besoins, et quelquefois on demande facilement, pour Dieu, ce qui n’est pas toujours selon Dieu, et qui est plutôt contre Dieu. On sollicite souvent pour soi, au nom de Dieu, des choses qu’on est loin de désirer par amour de Dieu, et qu’on souhaite au contraire en dépit de Dieu. Néanmoins cette parole est vive et efficace, lorsqu’on ne la dit point négligemment, par manière de parler, par habitude, ou par artifice, afin de mieux persuader ce qu’on désire, mais lorsqu’elle ne procède; comme cela doit être, que de l’onction, de l’abondance de la piété, et de la pureté d’intention. Le monde passe et périt avec toutes ses convoitises; et ceux qui agissent pour ce monde si passager et si périssable, connaîtront, lorsqu’ils le verront périr, que les choses qu’ils ont faites pour lui n’ont pas eu de fin utile, ni un fondement solide: Quand la cause pour laquelle on avait agi viendra à manquer, comment se pourra-t-il faire que les choses, qui n’étaient appuyées que sur elle ne tombent point avec elle ? Voilà pourquoi, comme dit l’Apôtre, ceux qui sèment en la chair, ne recueilleront que la corruption, attendu que ce qu’elle est, n’est que comme l’herbe des champs, toute sa gloire, comme les fleurs des prairies (Isa. XL, 6). Sitôt que l’herbe se fane, ses fleurs perdent leur éclat et leur beauté. Il n’y a que celui qui est la cause souveraine de toutes choses qui ne puisse finir; et ce n’est point la fleur des champs, mais sa parole qui demeure éternellement. «Le ciel, dit-il, et la terre passeront, mais ma parole ne passera point (Matth. XXIV, 35). »
3. C’est donc, mes très-chers frères, avec prudence et à propos, que vous avez choisi de marcher, par des voies dures et difficiles, à cause des paroles de Notre-Seigneur, et que vous semez là où vous ne sauriez perdre le moindre grain de votre semence. Il est certain que celui qui sème peu, ne laissera pas de moissonner, mais la moisson ne sera pas abondante (II. Cor. IX, 6). Moissonner, c’est recevoir la récompense, et nous savons quel est celui qui a promis que quiconque aura donné pour son nom, même un seul verre d’eau fraîche, ne sera point frustré de la récompense qu’il aura méritée (Matth., X, 42). Mais ne savons-nous pas qu’il nous rendra la même mesure que nous aurons donnée pour lui, et qu’il donnera une récompense proportionnée à leur mérite, à ceux qui ne se seront pas contentés de présenter un verre d’eau à leurs frères, mais qui auront répandu leur propre sang, et bu le calice du Sauveur qui leur aura été offert. Ce calice n’est point rempli d’eau fraîche seulement; il est plein d’une liqueur enivrante. C’est un calice de vin pur, ou plutôt de vin mélangé. Il n’y a que Jésus-Christ qui ait eu, dans ses souffrances, un vin d’une entière pureté, parce qu’il n’y a que lui qui soit parfaitement pur, et qui, par son infinie pureté, peut rendre purs ceux qui ont une origine impure. Il n’y a que lui qui ait bu un vin pur, parce que, en tant que Dieu, il est cette sagesse qui est présente et qui agit partout, sans que rien puisse diminuer sa pureté, et que, en tant qu’homme, il n’a point commis le péché, et n’a pas laissé sortir de sa bouche une parole qui n’ait été véritable. Il n’y a que lui seul qui n’ait point goûté la mort par la nécessité de sa condition, mais par le seul bon plaisir et le choix de sa volonté, et sans vue d’intérêt, car il ne saurait avoir besoin de quoi que ce soit qui dépende de nous. Car ce n’a point été pour reconnaître notre affection par une affection réciproque, qu’il a voulu se soumettre à la mort, puisqu’il ne l’a pas soufferte pour des amis qu’il eût déjà acquis, mais pour des amis qu’il devait acquérir, en se faisant des amis de ses propres ennemis. Car, comme dit l’Apôtre, c’est lorsque nous étions encore ennemis que nous avons été réconciliés à Dieu par le sang de son Fils, ou plutôt, c’est en effet pour ses amis qu’il est mort, sinon pour des amis qui l’aimassent déjà, du moins pour des amis que lui-même aimait beaucoup. Il est certain que la grâce de Dieu a consisté principalement, non pas en ce que nous avons commencé par aimer Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés le premier. Voulez-vous apprendre combien il nous a aimés longtemps avant que nous l’aimassions ? Ecoutez l’Apôtre : «Bénissons Dieu, dit-il, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a comblés de toutes bénédictions spirituelles par les biens célestes en Jésus-Christ; car il a fait choix de nous en lui avant la création du monde; » et un peu plus loin : « il nous a comblés de ses bienfaits en son fils bien-aimé (Ephes. I, 3). » Comment donc n’aurions-nous pas été dès ce moment aimés en ce Fils, lorsque nous étions déjà choisis en lui ? Et comment n’aurions-nous pas été agréables à celui en qui nous avons reçu la grâce qui nous a sanctifiés ? Si donc, selon l’ordre des temps, Jésus-Christ est mort pour des impies, selon l’ordre de la prédestination, il est mort pour des frères et pour des amis.
4. Il paraît donc par toutes ces circonstances, qu’il n’y a qu’en lui qu’on trouve le vin exempt de tout mélange, et nul, parmi les saints, n’oserait prétendre qu’on n’a point sujet de lui appliquer cette parole d’un prophète. « Votre vin est mêlé d’eau (Isa. I, 22). » D’abord parce qu’il n’y a personne en cette vie qui soit exempt de toute souillure, et que personne ne peut se donner la gloire d’avoir le cœur entièrement pur. En second lieu, parce qu’il faut qu’un jour nous acquittions la dette de la mort. En troisième lieu, parce que ceux qui exposent leur vie pour Jésus-Christ, achètent et gagnent la vie éternelle. Mais qu’ils seraient malheureux s’ils rougissaient de lui rendre témoignage jusqu’à la mort ! Il y a encore une quatrième raison pour laquelle le désir que peuvent avoir les hommes de mourir pour Jésus-Christ est toujours mêlé de quelque défaut, c’est que ce témoignage est toujours fort disproportionné et fort inégal en comparaison de cet amour si grand qu’il a eu pour eux. Néanmoins celui qui, dans toute sa personne, est si exempt de tout mélange d’imperfection, ne dédaigne pas le bien qu’il voit en ses serviteurs, quoiqu’il soit mêlé de beaucoup de défauts. Et c’est ce qui a fait dire à l’Apôtre, qu’il accomplissait en son corps les choses qui manquent à la passion de Jésus-Christ (Coloss. I, 24). Il doit donc donner à tous ses élus le salaire de l’éternelle vie. Mais comme une étoile diffère en sa clarté d’une autre étoile, et que la lumière du soleil, celle de la lune et celle des étoiles sont des lumières diverses et inégales ; ainsi en sera-t-il des saints après la résurrection. Il n’y aura, selon le langage de l’Evangile, qu’une maison dans le ciel; mais il y aura plusieurs demeures en cette maison. De telle sorte qu’en ce qui regarde l’éternité et l’abondance de la récompense, le saint qui aura peu, en comparaison d’un autre, ne souffrira pourtant aucune diminution. Et celui qui aura davantage, n’aura rien au delà de la mesure. Dieu fera recevoir à chacun selon son travail, afin que le moindre grain que l’on a semé porte son fruit en Jésus-Christ.
5. Je suis entré dans ce détail, mes frères, afin de vous faire estimer la réponse si spirituelle et si excellente que nous avons à considérer aujourd’hui : « Seigneur, vous êtes mon espérance.» Quelque chose donc que j’entreprenne, de quelque chose que je me détourne, quoi que je souffre ou que je désire, Seigneur, vous êtes toute mon espérance. C’est par cette seule espérance que je tiens compte de toutes vos promesses, elle est le fondement de mon attente. Que les uns fassent valoir leurs mérites, que les autres se vantent de supporter le poids du jour et de la chaleur ; que d’autres enfin allègent leurs jeûnes, et se glorifient de n’être pas comme le reste des hommes ; pour moi je trouve tout mon bien à m’attacher à Dieu et à mettre en lui toute mon espérance. Qu’il y en ait qui espèrent en d’autres secours, que l’un se confie en sa science, l’autre en la sagesse du siècle ; celui-ci en sa noblesse, celui-là en sa dignité et en sa puissance, et ce dernier en quelque autre vanité ; pour moi je regarde toutes ces choses comme un vil fumier, parce que, Seigneur, vous êtes mon unique espérance. Mette qui veut son espérance dans les richesses incertaines, pour moi, je ne demanderai, que de vous le pain de chaque jour, plein de confiance en ces paroles que vous avez dites, et sur lesquelles je me suis fondé en renonçant à toutes choses : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et, la justice, et toutes les autres choses vous seront accordées comme par surcroît (Matt. VI, 33); » car « le pauvre est abandonné à vos soins, et vous donnerez secours à l’orphelin (Psal. IX, III). » Si on me parle de récompenses, c’est par vous que j’espérerai les obtenir. Si on me faite la guerre, si le monde exerce contre moi sa fureur, si l’ennemi, qui est la méchanceté même, frémit de rage contre moi, si ma chair me tourmente par des désirs contraires à l’esprit, je mettrai mon espérance en vous.
6. Voilà, mes frères, quels doivent être vos sentiments. Les avoir, c’est vivre de la foi ; et personne ne saurait dire du fond de son cœur « Vous êtes mon espérance (Psal LIV, 23) ; » sinon celui à qui l’esprit de Dieu a fortement persuadé (selon le mot du Prophète), d’abandonner tous ses soins et toutes ses pensées à Notre-Seigneur, en se tenant assuré qu’il ne manquera pas de pourvoir à sa nourriture, selon cette parole de l’apôtre saint Pierre : « Renoncez à toutes vos inquiétudes, et remettez-les entre les mains de Notre-Seigneur, car il a soin de vous, (Petr. V. 1). » Si nous avons ces sentiments dans le cœur, pourquoi différons-nous de rejeter entièrement les espérances qui n’ont rien que de vain, d’inutile, de trompeur et de misérable, pour nous attacher de toute notre âme, et avec toute la ferveur de notre esprit, à cette espérance si solide, si parfaite, si heureuse ? Si quelque chose est impossible à notre Dieu, si quelque chose lui est difficile, cherchez un autre fondement de vos espérances que lui. Mais il peut tout par sa seule parole, or qu’y a-t-il de plus facile que de dire un mot ? Mais il faut entendre ce que c’est que ce mot. S’il a résolu de nous sauver, nous serons sauvés, s’il veut nous donner des récompenses éternelles, il lui est permis de faire ce qu’il lui plaît. Mais serait-il possible que ne doutant pas de la facilité que Dieu a de faire ce qu’il veut, vous eussiez quelque défiance de sa volonté ? Les témoignages qu’il a rendus de cette volonté sont dignes de notre confiance au delà de tout ce qu’on en peut dire. « Personne, dit-il, ne saurait avoir un plus grand amour que celui par lequel on expose sa vie pour ses amis (Joan. XV, 13). » Quand est-ce que cette grandeur de notre Dieu, qui nous avertit si instamment d’espérer en lui, a manqué à ceux qui ont mis en lui leur espérance ? Il n’abandonne jamais ceux qui espèrent en lui. « Il leur donnera son secours, dit le Prophète, il les délivrera des pécheurs, et les sauvera (Psal. XXXVI, 10). » Pour quels mérites de leur part ? Ecoutez ce qui suit : « Parce qu’ils ont espéré en lui » Cette raison est bien douce, elle est efficace et péremptoire. C’est en cette espérance que consiste la justice, non pas la justice qui vient de la loi, mais celle qui vient de la foi. « Du sein de quelque affliction et de quelque accablement, qu’ils poussent un cri vers moi, dit-il, je les exaucerai. » Représentez-vous toutes les afflictions imaginables, les consolations qu’il vous promet donneront toujours, à votre âme, une joie proportionnée à ce que vous souffrirez, pourvu que vous n’ayez point de recours à d’autres qu’à lui ; que vous ne manquiez point de crier vers lui, et que vous espériez en lui, et que vous ne preniez point des choses basses et terrestres, mais le Dieu Tout-Puissant pour votre refuge. Qui a espéré en lui et a été confondu ? Il est plus facile que le ciel et la terre passent que sa parole soit sans effet.
7. « Vous avez placé votre refuge bien haut, dit le Psalmiste. » Le, tentateur ne s’en approchera point, le calomniateur n’y montera pas, et le perfide accusateur de ses frères n’y pourra jamais atteindre. Cette parole du Prophète est adressée à celui qui demeure en la protection du Très-Haut, et qui va s’y réfugier contre sa propre faiblesse et la timidité de son âme, et contres les tempêtes qu’il redoute. Nous sommes certainement doublement forcés de fuir vers cet asile ; des combats nous menacent au dehors, et des craintes nous agitent au dedans. Sans doute nous aurions bien moins besoin de fuir si nous avions au-dedans une magnanimité qui nous fit courageusement braver les attaques du dehors, ou si notre faiblesse intérieure se trouvait rassurée par l’éloignement des ennemis du dehors. Le Prophète dit donc «Vous avez placé votre refuge extrêmement haut.» Fuyons souvent, mes frères, en cet asile. C’est une forteresse bien défendue ; on n’y craint nul ennemi. Que nous serions heureux s’il nous était permis d’y demeurer toujours ! Mais un tel bonheur n’est pas de ce monde. Ce qui n’est pour nous maintenant qu’un refuge, sera un jour notre demeure, et pour l’éternité. Mais, en attendant, si nous n’avons pas maintenant la liberté de nous y établir pour toujours, nous devons néanmoins nous y réfugier en maintes occasions. C’est une ville de refuge qui nous est ouverte dans toutes les tentations, dans toutes les peines qui nous arrivent, et dans toutes nos nécessités de quelque nature qu’elles soient. C’est le sein d’une mère qui est toujours prêt à nous recevoir, ce sont les fentes de la pierre préparées pour nous recevoir et nous cacher, les entrailles de la miséricorde de Dieu ouvertes devant nous ; ne mous étonnons plus après cela si celui qui s’éloigne de ce refuge n’a plus la puissance d’échapper à ses ennemis.
8. Ce que je viens de vous dire semblerait pouvoir suffire pour l’explication de ce verset, si le Prophète avait dit simplement, comme en d’autres psaumes: « J’ai espéré en vous ». Mais cette expression : « vous êtes mon espérance, ô mon Dieu, » parait signifier quelque chose de plus grand et de plus élevé ; savoir que l’âme fidèle non-seulement espère en Dieu, mais que c’est Dieu même qu’elle espère. Car il est plus juste d’appeler notre espérance, celui que nous espérons, que celui en qui nous espérons. Il peut se trouver des personnes qui désirent recevoir de Dieu des biens soit temporels, soit même spirituels. Mais la charité parfaite ne désire que le souverain bien, et s’écrie de toute l’ardeur de son désir : « Quel bien m’est réservé dans le ciel ? Et qu’est-ce que je vous demande de toutes les choses qui sont sur la terre ? Vous êtes le Dieu de mon cœur et mon éternel partage (Psal. LXXII, 25). » Le texte du prophète Jérémie que nous avons lu aujourd’hui, nous marque très-bien ces deux espérances, en peu de paroles : « Seigneur vous êtes bon à ceux qui espèrent en vous, à l’âme qui vous cherche (Thren. III, 25). » Votre discernement vous a fait remarquer dans ces paroles la différence des nombres. Le Prophète parle au pluriel de ceux qui espèrent en Dieu, parce que cela est commun à plusieurs ; mais il emploie le singulier lorsqu’il désigne l’âme qui cherche Dieu même, parce que c’est le propre d’une pureté, d’une grâce, d’une perfection uniques non-seulement de ne rien espérer que de Dieu, mais de ne rien espérer que Dieu même. Que s’il est bon à ceux qui espèrent seulement en lui, combien plus l’est-il à celui qui n’espère que lui.
9. C’est donc avec raison que Dieu répond à l’âme qui le cherche «Vous avez placé votre refuge extrêmement haut. » Car l’âme qui est ainsi altérée de son Dieu, ne lui demande point avec saint Pierre de lui faire un tabernacle sur une montagne (Matth. XVII, 14), ni avec Madeleine, de le toucher sur la terre (Joan. XX, 17), mais elle lui crie : « Fuyez, mon bien-aimé ; imitez dans votre course la vitesse des chevreuils et des faons de biches qui courent sur les montagnes de Béthel. (Cant. VIII, 14). » Cette âme sait que le Sauveur a dit : « Si vous m’aimiez, vous auriez de la joie de ce que je m’en vais à mon Père, parce que mon Père est plus grand que moi (Joan. XX, 17). » Elle sait qu’il a dit à Madeleine: « Ne me touchez point, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. » Et n’ignorant pas les desseins de Dieu, elle s’écrie avec l’Apôtre : « Si nous avons connu Jésus-Christ, selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière (II Cor. V, 16). » Fuyez sur les montagnes de Béthel, c’est-à-dire : Montez au dessus des puissances et des principautés, au dessus des anges et des archanges, au dessus des chérubins et des séraphins , car les montagnes de la maison de Dieu qui, selon l’Hébreu, est signifiée par le mot Béthel, ne sont autre chose que ces esprits bienheureux. Il s’est mis au dessus d’eux, lorsqu’il a voulu prendre, à la droite de son Père, le rang infiniment élevé qui lui appartenait, afin de lui être égal en toutes choses. Elle sait que la vie éternelle, c’est connaître le Père éternel qui est le vrai Dieu, et Jésus-Christ son Fils, qu’il a envoyé, qui lui est égal et qui est le vrai Dieu avec lui, digne par dessus tout de nos bénédictions dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
- Neuvième sermon
Solennités en novembre
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LUNDI 1er NOVEMBRE – Solennité de la Toussaint
– 10h30 : Messe célébrée par Monseigneur Bernard Barsi – Archévêque émérite de Monaco
SAMEDI 13 NOVEMBRE – Fête de tous les Saints qui ont milité sous la règle de saint Benoît
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
N.B. – tous les lundis (sauf le 22, + le 30) jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Novembre-2021
Changement d’horaire
Le changement d’horaire est terminé.
La messe de semaine revient à 8h30.
Info du 17 décembre
Octobre – Psaume 90 – 8
Mois d’octobre
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 8 sur le psaume 90
HUITIÈME SERMON. « Vous contemplerez seulement de vos yeux, et vous serez spectateur de la punition des méchants (Psal. XC, 8). »
1. Mes très-chers frères, je ne vous ferais pas toujours des discours si longs, si j’avais la liberté de vous entretenir plus souvent; et je pense que vous, avez pu reconnaître quelquefois que la longueur de mes entretiens ne venait que de là. Et quand mes occupations m’ont réduit à cette fâcheuse nécessité, d’être plusieurs jours sans pouvoir vous faire d’exhortation, et sans pouvoir vous consoler par mes discours, je pense que personne de vous n’a dû s’étonner que, désirant ensuite réparer le temps perdu, j’aie fait mes instructions plus longues, en raison de ce qu’elles étaient plus rares, je commence, mes frères, par cette espèce de petite préface, afin que vous excusiez la longueur du sermon d’hier et que vous ne trouviez rien à redire si je suis plus court aujourd’hui; car j’ai sujet de craindre que cette longueur d’hier n’ait déplu à quelques-uns, et que la brièveté d’aujourd’hui, ne déplaise aux autres. Je crois même que l’on eût peut-être mieux aimé que ces deux discours fussent également courts, que de les voir ainsi inégaux.
« Sa vérité vous couvrira d’un bouclier, dit le Prophète: Vous ne craindrez point les frayeurs de la nuit, ni la flèche qui vole durant le jour, ni les entreprises que l’on fait dans les ténèbres, ni les attaques et le démon du midi : Il en tombera mille à votre gauche et dix mille à votre droite; mais aucun d’eux n’approchera de vous. » Je vous ai parlé dans mes sermons précédents, selon que la vérité même a daigné me suggérer de le faire. Je vous ai montré comment Dieu protège l’âme fidèle, tantôt contre les tentations, et tantôt contre les difficultés de cette vie. Le même Prophète les a marquées dans un autre psaume en moins de paroles qu’en celui-ci, lorsqu’il a dit : « Je serai délivré par vous, de la tentation, et je dépasserai les murailles par le secours de mon Dieu (Ps. XVII, 30). » Ce qui signifie que le fidèle qui marché sous la conduite du Seigneur, ne rencontre rien dans la voie du salut qui le blesse ou qui l’arrête. Le premier psaume nous montre comment Dieu retire souvent notre âme des mains de ses ennemis; et le second, combien notre délivrance est sûre et entière. Car dans les paroles qui suivent: « Vous les verrez de vos yeux » je crois qu’il est question de la promesse d’une félicité immense : « Il en tombera, dit le Prophète, mille à votre gauche, et dix mille à votre droite ; mais aucun d’eux n’approchera de vous, vous le verrez de vos yeux. » Ainsi soit-il, Seigneur, ainsi soit-il; que mes ennemis tombent, et que je ne tombe pas; qu’ils soient épouvantés et que je demeure intrépide; qu’ils soient confondus et que je n’éprouve aucune confusion.
2. Le Prophète, par ces paroles, nous marque assez évidemment : l’immortalité de l’âme : et même établit le dogme de la résurrection des corps. Car elles signifient, que lorsque mes ennemis périront, je subsisterai et serai en état de voir, de mes propres yeux, leur dernière punition ; car il ne dit pas simplement : « Vous les verrez ; » mais il ajoute: « de vos yeux : » c’est-à-dire de ces mêmes yeux qui languissent maintenant et se fatiguent à force de regarder le Dieu de nos espérances qui arrive. En effet, mes frères, les yeux nous manquent pour voir ce que nous espérons; car on ne voit pas, dit l’Apôtre, ce que l’on espère; l’objet qui est présent à la vue, ne pouvant pas être un objet d’espérance (Rom. VIII, 25 et 25). » Vous contemplerez donc alors ce que vous ne pouvez voir maintenant, et ce sera de ces mêmes yeux que vous n’osez pas seulement lever au ciel; oui, de ces yeux si souvent inondés de larmes et abattus par la pénitence. Car, ne pensez pas que Dieu vous donne de nouveaux yeux ; il renouvellera seulement les vôtres. Mais qu’ai-je besoin de vous parler de nos yeux, qui sont ce qu’il y a de plus excellent dans le corps de l’homme, malgré leur petitesse ? Ne nourrissons-nous point dans notre cœur cette, heureuse espérance, par la promesse de la Vérité qu’il ne périra pas même un seul cheveu de notre tête ?
3. Si Dieu nous promet formellement que nous les verrons de nos propres yeux, c’est peut-être parce qu’il semble que c’est le souverain désir de l’âme, de voir les biens qu’elle attend. « Je crois, dit le Prophète, que je verrai les biens du Seigneur en la terre des vivants (Ps. XXVI, 13). » L’âme qui ne voit en cette vie que par la foi, désire avec ardeur contempler de ses propres yeux la suprême vérité. L’œil n’a nulle, part à la foi, et elle est donnée et entretenue seulement par le ministère de l’ouïe. « Cette foi fait subsister dans notre esprit les choses que nous espérons, elle est un abrégé des vérités qui ne paraissent pas aux sens ( Heb. XI, 1). » De sorte que nos yeux font défaut à l’égard des objets de la foi, aussi bien que de l’espérance; aussi un prophète a-t-il dit : « Le Seigneur m’a ouvert l’oreille (Isa. 4, 5). » Mais quelque jour il nous ouvrira aussi les yeux. Il arrivera un temps, où il ne se contentera pas de dire à l’âme fidèle : « Écoutez ma fille, considérez, et que votre oreille soit attentive (Psal. XLIV, 12) : » mais il lui dira, levez les yeux et contemplez. Contemplez quoi ? le souverain bien qui doit nous combler de joie et de bonheur et que Dieu nous conserve. Quels sont ces biens ? ce ne sont pas seulement des biens infinis dont nous pouvons être instruits par le ministère de l’ouïe et dont nous pouvons croire ce qui nous en est enseigné; mais ce sont encore des biens dont l’oreille n’a jamais entendu parler, qui ne sont jamais entrés dans la pensée de l’homme, et que son œil n’a jamais vus, les biens que Dieu a préparés à ceux qui l’aiment (Isa. LXIV, 4 et 1. Cor. II, 9). En sorte que notre œil, par la vertu de la résurrection, sera capable de voir ce que notre oreille n’a jamais entendu, et ce que notre esprit même n’est pas capable de comprendre dans l’état où nous sommes. Et je pense que c’est à cause de cet ardent désir qu’a notre âme de voir, même par les yeux du corps, les vérités qu’elle apprend par l’oreille, et qui sont l’objet de sa foi, que l’Écriture-Sainte parle de ces yeux corporels en des termes qui nous promettent et qui nous annoncent évidemment que nous devons ressusciter. « Je crois, dit le saint homme Job, que mon âme sera de nouveau rétablie dans ce corps et que je verrai Dieu, mon Sauveur, en ma propre chair; je le verrai, dis-je, moi-même; ce ne sera pas un autre qui le verra à ma place : et je le contemplerai de mes propres yeux. Cette espérance, continue-t-il, a été mise dans mon sein comme un précieux dépôt (Job. XIX, 26 et 27). »
4. Nous avons, peut-être, sujet de faire une attention particulière à ces paroles : « Je contemplerai de mes propres yeux, » qui rappellent celles que je vous explique. Vous les contemplerez de vos propres yeux (Psal. XC, 3). » Pensez-vous que mes yeux soient maintenant véritablement à moi ? Assurément non. Ils étaient autrefois à moi, et faisaient partie de ces richesses dont Dieu m’avait confié l’usage, comme un père qui fait part de ses biens à ses enfants. Mais j’ai mal conservé cette portion d’héritage; je l’ai promptement perdue; je l’ai dissipée en peu de temps. La loi du péché s’était emparée de tous mes membres, et s’en était rendue la maîtresse. La mort entrait librement par mes yeux, et au lieu que j’en devais être exempt, j’en suis devenu le captif. J’étais tombé dans une misérable et honteuse servitude, étant assujetti non pas à des hommes, mais à une foule de passions des plus sales et des plus impures. Je n’étais même pas simplement un mercenaire, mais un esclave, et si éloigné de recevoir un salaire, que même on me refusait ma nourriture. D’ailleurs cette nourriture, si je l’avais reçue, m’aurait été encore plus funeste que la faim dont j’étais dévoré. Personne même ne voulait me donner ce qu’on donne aux pourceaux, et dont je me serais contenté. En sorte que vivant parmi ces animaux, il ne m’était pas même permis de vivre avec eux. Enfin mes yeux étaient-ils à moi, lorsqu’au lieu de m’être utiles, ils faisaient leur proie de mon âme elle-même ? Réduit à cette extrémité, j’ai été contraint de remettre entre les mains de notre souverain dominateur tous les biens qu’il m’avait donnés, afin qu’il les défendit de la tyrannie de mon ennemi, ce que je ne pouvais faire moi-même.
5. Considérez attentivement, mes chers frères, quelle puissance vous a délivrés du joug insupportable de Pharaon, afin de prendre garde de ne faire plus de vos membres des armes d’iniquité, pour vous assujettir au péché, et le faire régner dans vos corps mortels. Ce n’est pas le fait de votre puissance; mais c’est l’œuvre de la droite du Seigneur. Il n’y a que celui qui peut tout, qui puisse produire de si merveilleux changements. Ne dites donc pas : « C’est notre main puissante qui nous a délivrés. » Mais reconnaissez, et cette confession sera aussi salutaire que véritable, que c’est le Seigneur qui fait en vous toutes ces choses. Enfin, que chacun de nous soit convaincu qu’il a besoin de se tenir sur ses gardes en toutes sortes de rencontres, de peur qu’il n’arrive que, pendant ces jours mauvais, comme dit l’Ecriture, et tandis que nul homme n’est en sûreté nulle part, nous n’ayons la présomption de reprendre l’héritage que nous avons entre les mains d’un gardien si bon et si vigilant, et la volonté d’en user de nouveau, avec une liberté pleine de périls et tout à fait pernicieuse. Il est jaloux des biens qu’il nous avait donnés; mais c’est par une bonté paternelle qu’il en est jaloux. Ce n’est pas par envie; mais dans une pensée de prévoyance, qu’il nous commande de lui laisser entièrement entre les mains tout ce que nous possédons afin que, rien de ce qu’il nous avait donné ne périsse.
Et lorsque vous serez arrivés à cette grande et sainte Cité, dais l’enceinte de laquelle il fait régner la paix, et où l’on n’a plus,à craindre les attaques des ennemis, non-seulement il vous rendra entièrement à vous-mêmes, mais il se donnera lui-même à vous. En attendant, éloignez-vous courageusement de votre propre volonté, et n’ayez jamais la témérité d’usurper et de vous approprier l’usage des membres que vous avez consacrés à Dieu, vous rappelant qu’ils sont destinés à des usages saints, et ne les faites jamais servir à la vanité, à la curiosité, à la volupté ou à quelque autre œuvre mondaine de ce genre; car vous ne le pourriez faire sans un très-grand sacrilège. « Ne savez-vous pas, dit saint Paul, que vos corps sont le temple du Saint-Esprit que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes (I Cor. VI, 19) ? » Votre corps, dit-il encore ailleurs, n’appartient point à la fornication ( I, Cor. VI, 13). » Mais, à qui appartient-il ? Est-ce à vous ? Je ne trouverais pas étrange que vous en voulussiez disposer à votre gré, si vous pouviez le délivrez par vos propres forces, de ses passions ou du moins si vous pouviez le défendre une fois qu’il en serait délivré. Mais si vous ne le pouvez pas, ou plutôt puisque vous ne le pouvez pas, laissez ce, corps, sous la domination du Seigneur, au lieu de le laisser au pouvoir de ses passions : qu’il serve à la sainteté pour qu’il ne recommence à être encore, mais d’une manière plus fâcheuse, l’esclave des passions. « Je ne vous propose qu’une sainteté humaine, dit l’Apôtre, à cause de l’infirmité de votre chair, et de même que vous avez abandonné vos membres à la servitude du péché, pour en commettre les œuvres, ainsi consacrez maintenant vos membres à la servitude de la justice, pour ne faire que des œuvres de sainteté (Rom. VI, 19). » C’est donc à cause de la faiblesse de notre nature qu’il se contente de parler de cette sorte, comme il le dit lui-même. Mais lorsque ce qui était faible dans son origine sera établi dans une force nouvelle, par la vertu de la résurrection, nous ne serons plus réduits à la nécessité de nous soumettre à aucun genre, de servitude. Quand nous jouirons d’une sécurité pleine de liberté, et d’une liberté pleine de sécurité, pouvons-nous douter que Dieu ne nous rende pleinement à nous-mêmes ? Serait-il possible que ce divin père de famille ne voulût pas établir dans une parfaite liberté de fidèles serviteurs qu’il établira sur tous ses biens ?
6. Vous contemplerez donc alors de vos propres yeux, les objets qui feront votre bonheur, pourvu que en attendant vous soyez fidèles à reconnaître que ces yeux appartiennent à Dieu, non à vous. Car, lors même que vous n’auriez point d’égard aux vœux que vous avez faits, par lesquels, en renonçant à votre propre volonté, vous avez consacré au service de Dieu ces membres que vous ne sauriez défendre par vous-mêmes de la tyrannie du péché, serait-il possible que vous eussiez envie de regarder comme étant à vous, des membres dans lesquels une loi contraire à celle de Dieu habite toujours; si elle n’y règne pas; des membres, dis-je dans lesquels la peine du péché, qui est votre second ennemi, non-seulement demeure, mais- prévaut et domine sans obstacles ? Voulez-vous nommer votre corps, un corps qui est soumis à la mort à cause du péché, ou bien, direz-vous. que votre chair appartienne à votre âme, quand elle ne cesse de l’accabler ? Certainement si nous voulons donner à ce corps le nom qui lui convient, nous ne devons pas l’appeler notre corps, mais notre fardeau et notre prison. De même comment pouvons-nous dire, par exemple, que nos yeux sont à nous, lorsque la plupart du temps, soit que nous le voulions, soit que nous ne le voulions pas, ils sont accablés par le sommeil et incommodés par la fumée ? Un peu de poussière les blesse, une humeur maligne qui s’y répand leur cache la lumière tout d’un coup : ils ressentent quelquefois des douleurs excessives; et enfin ils s’éteignent entièrement à la mort.
Vos yeux ne commenceront à être pleinement à vous, que lorsqu’ils ne seront plus sujets à tous ces accidents, et que vous aurez la liberté entière de vous en servir, pour contempler toutes choses à votre gré, sans craindre aucun empêchement. Nous ne serons plus occupés alors à détourner nos yeux de la vanité, parce qu’ils seront toujours occupés à contempler la vérité dans toute sa pureté. La mort n’entrera plus dans notre âme par l’ouverture de nos yeux, car cette dernière ennemie aura péri elle-même. Pourriez-vous craindre que, dans le ciel, où tous le saints brilleront comme autant de soleils, vos yeux ne fussent éblouis ? J’avoue que cela serait à craindre, si la résurrection ne devait pas mettre nos yeux, comme toutes les autres parties de notre corps, dans un état de gloire.
7. « Et vous serez spectateur de la punition des méchants. » Ce sera pour eux un insupportable supplice, et le comble de tous leurs maux d’être ainsi exposés à la vue des saints. Car il semble que ce leur serait une sorte de soulagement dans leurs tourments, de pouvoir se faire oublier de ceux qu’ils ont persécutés avec tant de méchanceté, ou du moins de pouvoir s’éloigner de leur vue. Mais si ce doit être pour eux un surcroît de misère et d’affliction que nous les voyons dans leurs supplices, quel besoin aurons-nous pour nous-mêmes d’avoir cet objet devant les yeux ? Quelle utilité, quelle satisfaction en pourrons-nous tirer ? Car, en l’état où nous sommes, que peut-on se figurer de plus contraire à la charité, de plus inhumain, de plus cruel, que de repaître ses yeux de la vue du sang même de ses plus cruels ennemis, quelque méchants qu’ils fussent ? Il est néanmoins certain que comme les pécheurs, voyant que Dieu appellera les justes à la participation de sa gloire, en sécheront d’envie, et en frémiront de dépit et de rage; ainsi les justes, voyant les maux dont ils seront garantis, en seront comblés de joie. Car Dieu appellera les élus à son royaume, avant de précipiter les réprouvés dans les flammes éternelles, afin que ces malheureux sentent une plus vive douleur en regardant ce qu’ils auront perdu. Et comme la vue de cette terrible séparation des boucs d’avec les agneaux sera, aux réprouvés, l’occasion d’une violente jalousie, ainsi la considération de l’état déplorable des réprouvés sera, aux élus, un sujet infini d’actions de grâces et de louanges. Car, où les justes pourraient-ils trouver une plus ample matière à rendre grâce à Dieu au sein de leur inénarrable félicité, que dans la vue de la punition des méchants à laquelle ils n’ont échappé que par la miséricorde du Rédempteur qui les a distingués de ces misérables ? D’où viendraient également aux méchants leurs sentiments de fureur et de désespoir, sinon de ce qu’ils verront que d’autres qu’eux seront élevés, en leur présence, dans le règne de l’éternelle félicité, tandis qu’ils seront réduits à gémir éternellement dans les puanteurs de l’enfer; dans ces horreurs et ces tourments d’un feu éternel, et dans les misères d’une mort immortelle.
« Il n’y aura dans ce lieu de leur supplice, comme dit Notre Seigneur, que des pleurs et des grincements de dents (Matth. XIII, 50).» Le feu qui ne s’éteindra jamais, les fera toujours pleurer, et les remords de leur conscience, qui. les rongeront comme un ver immortel, exciteront sans cesse leur horrible grincement de dents. Car la douleur leur fera répandre des larmes, et, dans leur fureur, ils grinceront des dents. Ainsi les tourments extrêmes que souffriront les damnés, les forceront de pleurer, et la véhémence de leur jalousie, jointe à leur malice obstinée, les remplissant de rage, les contraindra sans cesse de grincer des dents. Vous serez donc spectateurs de cette punition des méchants, afin que, en connaissant par eux de quel péril vous aurez été délivrés, vous ne puissiez jamais devenir ingrats envers votre souverain libérateur.
8. Ce n’est pas, seulement pour cette raison que Dieu veut que ses élus contemplent, de leurs propres yeux, les châtiments de ses ennemis, mais c’est encore afin de les tenir dans une parfaite assurance; et dans un plein repos. Car ils verront qu’ils n’auront plus à craindre la malice des hommes ni celle des démons : en effet, ils en auront vu mille à droite et dix mille à gauche précipités pour l’éternité dans l’enfer. Pensez-vous que les bienheureux , sans cette assurance, ne pourraient pas tomber encore dans quelque crainte, et se défier de ce serpent, dont les ruses surpassent tout ce qu’on peut imaginer de plus artificieux dans toutes les autres créatures ? Pensez-vous que se souvenant que la première des femmes étant pleine de forces et de lumières, ne laissa pas d’être séduite dans le paradis par ce dangereux ennemi, ils se puissent croire tout à fait à l’abri de ses embûches, s’ils ne voyaient ce chef des réprouvés, avec tous ses membres, précipité dans les flammes éternelles, et un abîme infini se creuser entre eux et lui ?
9. Quand vous considérerez la punition des pécheurs, vous aurez encore ce troisième avantage que l’éclat de votre gloire vous paraîtra plus grand, par la comparaison que vous en ferez avec leur horrible misère : car lorsqu’on compare entre elles des choses contraires, leur opposition ressort plus vivement. Ainsi le blanc parait davantage quand on le compare avec le noir; et le noir, plus noir quand il est opposé au blanc. Le Prophète d’ailleurs s’en explique bien clairement : « Le juste, dit-il, se réjouira, quand il verra la vengeance, pourquoi cela ? parce qu’il lavera ses mains dans le sang du pécheur (Psal. LVII, 11). » Il ne souillera pas, mais il lavera ses mains dans ce sang en sorte que ce sang qui souille le pécheur fera paraître le saint plus pur, et la honte de l’un donnera un nouveau lustre à l’autre.
10. Ces trois raisons montrent assez que dans l’état où seront les élus, ils seront bien éloignés d’avoir pour ce spectacle aucun des sentiments de répugnance que nous éprouverions maintenant. Mais ce n’est pas encore pour ces raisons que la Sagesse divine rira de la perte des réprouvés. Il est hors de doute qu’elle en fera sa joie, puisqu’elle même le prédit, et qu’elle est incapable de mentir. « C’est, dit-elle, parce que je vous ai appelés et que vous n’avez pas répondu à ma voix, parce que je vous ai tendu les mains et que vous n’avez point voulu me regarder, c’est pour cette raison, ajoute-t-elle un peu plus loin, que je rirai de votre perte, et me moquerai de vous, lorsque les maux que vous craigniez le plus vous seront arrivés; lorsque vous serez accablés par une soudaine calamité, et que la ruine fondra sur vous, comme une tempête (Prov. I, 24). » Qu’est-ce donc, à notre avis, qui doit plaire à la Sagesse éternelle dans la perte des insensés, sinon la juste disposition, et l’ordre irrépréhensible des choses qui se feront remarquer dans cette perte ? Certainement ce qui sera agréable à la Sagesse éternelle plaira pareillement aux sages. Ne pensez donc pas qu’il sera dur et pénible, pour vous, de contempler, de vos yeux, les supplices des méchants, selon la promesse qui vous en est faite ; puisque vous rirez même de leur perte, non point par un barbare sentiment de cruauté, mais parce qu’il est impossible que la vue de l’ordre parfait établi par la divine Providence, ne donne pas un extrême plaisir à tous les hommes qui auront du zèle pour la justice et pour l’équité. Quand vous connaîtrez pleinement et parfaitement, par la lumière de la vérité dont vous serez remplis, que toutes choses sont parfaitement ordonnées, et que à chacun est échue la place qui lui convient, ou plutôt que chacun a le sort qu’il mérite. Comment ne pas donner des louanges au dispensateur souverain de toutes choses ? Saint Pierre parlant de la perte du fils de perdition, dit avec raison : « qu’il était allé à sa place (Act. 1, 25). » Il était convenable, eu effet, que le compagnon des puissances de l’air mourût aussi en l’air, par l’épanchement de ses entrailles, et que celui qui avait trahi le Sauveur vrai Dieu et vrai homme, descendu du ciel pour opérer notre salut sur la terre, mourût ainsi entre le ciel qui ne le recevait point et la terre qui ne pouvait plus le souffrir.
11. Voilà donc pourquoi vous contemplerez de vos propres yeux, et serez spectateurs de la punition des méchants. « Premièrement, pour que vous voyiez la damnation à laquelle vous avez échappé, secondement, pour que vous reconnaissiez mieux combien grande est votre sécurité ; en troisième lieu, pour que vous puissiez comparer votre état à la misère des méchants ; et quatrièmement, pour la satisfaction de votre zèle de la justice. Et nous ne devons pas penser que là où il n’y aura plus aucun espoir de correction pour les méchants ; il n’y ait plus encore place pour eux à quelque sentiment de compassion. Alors nous serons étrangers à cette sympathie naturelle qui est propre à l’infirmité de la nature humaine. La charité sait en faire usage pour le salut durant cette vie, en recevant dans son sein les différents mouvements de l’âme, tant ceux qui portent à la joie, que ceux qui portent à la tristesse, de même que le pêcheur sur mer prend indifféremment dans ses filets tous les poissons bons et mauvais qui se présentent, et ne les sépare que sur le rivage, en sait user maintenant. Mais un jour elle portera tellement les saints à se réjouir avec ceux qui seront clans la joie, qu’elle les rendra incapables de s’affliger avec ceux qui seront dans la tristesse et les larmes. Et comment pourrions-nous condamner les coupables si cela n’était pas, si nous n’étions entièrement dégagés de cette sensibilité qui mous fait compatir aux peines des autres, et si nous n’étions établis dans les celliers enivrants du Seigneur dont le Prophète a voulu parler quand il a dit : « J’entrerai dans les puissances du Seigneur, ô mon Dieu, je ne veux me souvenir que de votre justice (Psal: LXX, 16) ? » Et même en ce monde, il ne nous est pas permis de considérer la personne du pauvre, ou d’avoir pitié de lui, quand il s’agit de le juger; mais nous sommes obligés, dans ces rencontres, de retenir les sentiments de compassion, quelque peine que cela nous fasse, et nous devons penser seulement à rendre nos jugements équitables. A combien plus forte raison lorsque nous ne sentirons plus aucun combat en nous-mêmes, et que nous ne serons plus capables d’aucune impression de tristesse et de douleur, faudra-t-il que cette prophétie s’accomplisse : « Les juges seront absorbés et joints à la pierre (Psal. CXL, 6) ; » c’est-à-dire : Ils seront entièrement absorbés dans l’amour de la justice, et imiteront la solidité de la pierre à laquelle ils seront unis ? De cette Pierre, dis-je, pour laquelle ils ont tout abandonné. C’est là ce que le Sauveur a promis en ces termes, pour récompense, à saint Pierre qui lui avait demandé ce qu’ils recevraient un jour : « Lorsque le fils de l’homme sera assis sur le siège de sa majesté, vous aussi, vous serez sur douze sièges, et jugerez les douze tribus d’Israël (Matth. XX, 28). » C’est ce qui faisait dire au Prophète : « Le Seigneur viendra pour juger avec les plus anciens de son peuple (Isa. III, 14). » Pensez-vous qu’on puisse trouver quelque chose de flexible dans des juges qui sont unis et incorporés à cette pierre de l’Ecriture ? « Celui qui est attaché à Dieu, dit l’Apôtre, ne fait avec lui qu’un esprit (I. Cor, VI, 17) ; » et celui qui est uni à la pierre ne fait qu’un avec elle. Sans doute c’est après cet heureux état que soupirait le Prophète quand il disait : « Il m’est bon de m’attacher à Dieu (Psal. LXXII, 28).» Les juges des nations seront donc absorbés dans la justice, parce qu’ils seront entièrement unis à celui qui nous est figuré par cette pierre. Quel témoignage d’amour ! quel comble d’honneur ! quels privilèges pour ceux qui mettent en Dieu tout leur espoir ! quelle sécurité parfaite !
12. Que pouvons-nous maintenant nous figurer de plus à craindre, de plus capable de nous remplir d’inquiétudes, et de nous donner des appréhensions, que d’avoir à paraître devant le tribunal de Dieu pour être jugés, et d’attendre la sentence d’un juge si exact et si rigoureux, sans pouvoir être surs qu’elle sera favorable ? « C’est une chose horrible, dit l’Apôtre, que de tomber entre les mains du Dieu vivant (Hebr. X, 30). » Mes frères, préparons-nous à ce jugement formidable, en commençant par nous juger nous-mêmes, dès cette vie. Dieu ne jugera pas une seconde fois ceux qui auront déjà été jugés. il est certain que s’il y a des hommes manifestement condamnés pour leurs péchés avant qu’on les juge, il y en a aussi qui préviennent leur juge en leur faveur par leur bonnes œuvres. Les premiers, sans attendre la sentence de leur souverain juge, tomberont soudainement dans les supplices éternels par le propre poids de leurs crimes ; et les autres, au contraire, monteront, avec toute la liberté que l’esprit de Dieu leur donnera, et sans aucun retard, sur les trônes qui leur auront été préparés. Sauveur Jésus, que la pauvreté volontaire de ceux qui quittent toutes choses pour vous suivre est heureuse ! Qu’elle est heureuse et désirable cette pauvreté volontaire, puisqu’elle établira dans une si grande sécurité et qu’elle fera monter à une si haute gloire, les personnes qui l’auront embrassée, alors qu’il arrivera tant de bouleversements dans la nature, que la justice divine examinera nos mérites avec une rigueur capable de faire trembler les justes, et que les hommes seront dans l’attente du jugement ! Considérons, maintenant, ce que l’âme pieuse répond aux promesses de Dieu, pour lui témoigner que, si elle est éloignée de la défiance, elle n’a pourtant que la confiance qu’elle doit avoir. « Seigneur, dit-elle, vous êtes toute mon espérance, » Que pourrait-elle dire qui montrât davantage son humilité et sa piété ? mais aussi il semble que cette protestation ne pouvait recevoir une réponse plus convenable que celle qui suit : « Vous avez placé votre refuge extrêmement haut. » Mais pardon, mes frères, il me semble que j’ai encore un peu dépassé aujourd’hui les bornes de la brièveté que je vous avais promise.
Texte intégral – Saint Bernard – Dix-sept sermons sur le psaume 90
– Huitième sermon
Solennités en Octobre
Cette page indique uniquement les Solennités et autres fêtes ou particularités du mois.
En dehors de ces jours, consulter les Horaires Messes et Offices
SAMEDI 9 OCTOBRE – Saint Denis et ses compagnons
– 11h00 : Messe pour la Paix
– 14h00 : None
– 14h15 à 17h00 : Adoration
– 17h15 : Vêpres
Du LUNDI 25 au SAMEDI 30 OCTOBRE
– Retraite communautaire – Messe à 8h
DIMANCHE 31 OCTOBRE – 31e dimanche du temps ordinaire
– 10h30 : Messe célébrée par Monseigneur André Marceau – Evêque de Nice
LUNDI 1er NOVEMBRE – Solennité de la Toussaint
– 10h30 : Messe célébrée par Monseigneur Bernard Barsi – Evêque émérite de Monaco
N.B. – tous les lundis jour de désert, messe lue, vêpres à 18h
Calendrier du mois : Messes-Octobre-2021
Septembre – La parole vivante
Mois de septembre
VIVANTE EST LA PAROLE DE DIEU ET EFFICACE
« Quelle est cette parole ? Il commande avec autorité et puissance »
Ecoutons Baudouin de Ford – Homélie 6 sur He 4, 12
Vivante est la parole de Dieu, efficace, et plus acérée qu’une épée à deux tranchants. La puissance et la sagesse que renferme la parole de Dieu se manifestent dans ce passage à ceux qui cherchent le Christ, lui-même : Verbe, puissance et sagesse de Dieu. Le Verbe, de même éternité que le Père, et avec lui dès le principe, s’est révélé aux Apôtres à l’époque fixée par lui. Ensuite les Apôtres l’ont annoncé au monde, et la foi des peuples croyants l’a reçu en toute humilité. Il est donc le Verbe auprès du Père, le Verbe en la bouche des Apôtres, le Verbe en nos cœurs.
Et cette parole de Dieu est vivante, puisque le Père lui a donné d’avoir en elle la vie, comme le Père a la vie en lui-même. Aussi n’est-elle pas seulement une parole vivante, mais elle est la vie. C’est ainsi que le Christ se présente lui-même : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Puisqu’il est vivant, puisqu’il est la vie elle-même, il est également force de vie : Comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, de même le Fils donne la vie à qui il veut. Donateur de vie, il l’est assurément quand il appelle un mort et le fait sortir du tombeau en lui disant : Lazare, viens dehors !
Quand on prêche cette Parole, elle donne par cette prédication, à la parole extérieurement audible, la puissance même de sa parole intérieurement perçue. Dès lors, les morts ressuscitent et ce témoignage fait surgir de nouveaux fils d’Abraham. Elle est donc vivante, cette Parole, vivante dans le cœur du Père, vivante sur les lèvres du prédicateur, et vivante dans les cœurs, remplis de foi et d’amour. Et puisque c’est une Parole vivante, nul doute qu’elle ne soit aussi efficace.
Elle agit dans la création du monde, dans son gouvernement et dans sa rédemption. Où trouver plus grande efficacité ? puissance plus éclatante ? Qui dira les merveilles du Seigneur ? Qui fera entendre toute sa gloire ? L’efficacité de la Parole se manifeste dans ses œuvres, elle se manifeste aussi dans la prédication. Car elle ne revient jamais sans effet, mais elle est source de progrès en toute créature à laquelle elle est envoyée.
La Parole est donc efficace, et plus pénétrante qu’une épée à deux tranchants, quand elle est reçue avec foi et amour. En effet, qu’y a-t-il d’impossible pour celui qui croit ? Et qu’y a-t-il de rigoureux pour celui qui aime ? Quand s’élève la voix du Verbe, elle s’enfonce dans le cœur comme des flèches de combat qui déchirent, comme des clous fichés profondément, et elle pénètre si loin qu’elle atteint le fond le plus secret. Oui, cette Parole pénètre plus loin qu’une épée à deux tranchants, car il n’est pas de puissance ni de force qui puisse porter de coups aussi sensibles, et l’esprit humain ne peut concevoir de pointe aussi subtile et pénétrante. Toute la sagesse humaine, toute la délicatesse du savoir naturel sont loin d’atteindre son acuité.
Qui est Baudouin de Ford
De nationalité anglaise, Baudouin entre à l’abbaye de Ford en 1169. Six ans plus tard, il en devient abbé. En 1180, il est évêque de Worcester, puis archevêque de Cantorbery. Il accompagne le roi Richard Cœur de Lion à la Croisade et meurt à Tyr en 1192.Baudouin est un homme de vaste culture, modeste, réservé. Il a laissé plusieurs traités dont : « Le sacrement de l’autel », où il veut créer un courant de piété eucharistique, sujet peu abordé à cette époque. C’est aussi un fervent de la vie commune dont il relève la valeur : elle a sa source dans la vie des trois personnes divines. Mais il en souligne aussi les exigences.
De ses seize petits traités, le plus célèbre est celui sur la vie commune.
Source Abbaye Notre-Dame de Cîteaux