Pâques – Aelred de Rievaulx
Ce texte d’Aelred de Rievaulx, s’adressant à sa sœur, recluse, nous place réellement au cœur des Rameaux et de la Cène.
AELRED DE RIEVAULX, ABBE CISTERCIEN (1110-1166)
(Il s’adresse à sa sœur, recluse)
Les Rameaux et la Cène.
«Levons-nous maintenant et partons d’ici 1!
- Où ? » demandes-tu. Eh bien, mais à la rencontre du Seigneur du Ciel et de la terre, qui vient assis sur un ânon. Emerveillée de voir tout cela s’accomplir pour toi, va mêler tes louanges et tes acclamations à celles des enfants : «Hosanna, Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur 2 ! »
Entre maintenant avec lui dans ce vaste cénacle préparé pour le repas, tout heureuse de pouvoir participer aux joies du banquet de notre rédemption. L’amour aura raison de la timidité, l’affection chassera la crainte : le Seigneur fera bien à une mendiante l’aumône de quelques miettes de cette table. Ou, si tu préfères, assiste de loin, tends la main comme une pauvresse en présence d’un riche, et montre par tes larmes combien tu as faim.
« S’étant levé de table, il se ceignit d’un linge et versa de l’eau dans un bassin 3.» Pense à la majesté de celui qui lave et essuie les pieds de ces hommes, à son indulgence quand il en vient à toucher de ses mains sacrées les pieds du traître. Suis toute cette scène, attends-le, et la dernière de tous, va lui présenter tes pieds à laver, parce que celui qu’il n’aura pas lui-même purifié n’ aura pas de part avec lui.
Pourquoi te hâter de sortir? Reste encore un peu. Ne remarques-tu pas celui-là qui s’est penché vers la poitrine du Maître, et a incliné la tête sur son sein? Qui est-ce donc? Quel bonheur pour lui, en tout cas. Oh! je vois: «Jean est son nom 4. » Ô Jean, dis-nous quelle douceur, quelle grâce pénétrante et quelle Lumière et quelle ardeur n’as-tu pas puisées à cette source! Dans cette poitrine, tu as les trésors de la sagesse et de la science, la fontaine de miséricorde, le séjour de la tendresse, le rayon du miel de l’éternelle douceur. Mais d’où te viennent semblables faveurs? Es-tu plus grand que Pierre? plus saint qu’André? plus digne d’être aimé que tous les autres apôtres ? C’est le privilège particulier de la virginité: tu étais vierge, et le Seigneur t’a choisi et t’a aimé plus que les autres. […]
Et quand viendra le moment où, dans la plus sainte des prières, il recommandera ses disciples au Père : «Père, garde-les en ton nom 5 », incline la tête pour mériter toi aussi de 1’entendre dire: « Là où je suis, je veux qu’ils soient eux aussi avec moi 6. »
Il t’est bon d’être ici, mais il faut partir. Il se dirige, à la tête du groupe, vers le Mont des Oliviers. Suis-le!
1.Jn14, 31. 2 Mt 21,9. 3. Jn 13,5. 4Lc 1,63. 5 Jn 17,11. 6 Jn 17,24.
La Vie de recluse, SC n° 76, 31, p. 131-133.