Pâques – Adam de Perseigne

Relisons ce texte d’Adam de Perseigne, toujours d’actualité.

ADAM DE PERSEIGNE, ABBE CISTERCIEN +1221

Sauvés par sa croix, nous le crucifions à nouveau.

La lance du soldat a ouvert le côté de l’innocent, pour que, des entrailles de l’innocence,  débordât un déluge de miséricorde, et que la face de la terre en étant irriguée, produisit en abondance des fruits nouveaux. «Envoie ton esprit, dit l’Ecriture, et tout sera créé; tu renouvelleras la face de la terre 1. » Oui, lorsque sur la croix, l’auteur de la vie rendit le dernier soupir, du côté percé de ce mort jaillit le déluge de toute grâce; ainsi renouvelée, la face de la terre, c’est-à-dire la foi de l’Eglise, fit éclore les fleurs du rosier, le lis des vallées et les jardins des aromates. Car en rachetant le monde et en le purifiant de ses péchés, l’effusion du sang immaculé du Christ a fait du même coup éclore les roses chez les martyrs, chez les vierges les lis des vallées, et créé chez les prédicateurs parfaits, les jardins d’aromates. «Soyons, disent-ils, pour Dieu, la bonne odeur du Christ, en tout lieu 2. »

Que  pourrons-nous dire, pauvres que nous sommes? Qu’aurons-nous à rendre au Père des miséricordes pour tant de bienfaits? Nous ne pouvons le nier, nous avons suscité l’occasion qui entraîna la mort de son Unique, et si ce dernier a dû rendre ce qu’il n’avait pas pris, notre iniquité en est la cause. Si donc nous ne cessons pas de faire les actions qui, nous n’en doutons pas, l’ont mené à la croix, est-ce que, du fait même, nous ne le crucifions pas à nouveau, autant qu’il est en nous, chaque fois que nous commettons ce qui a rendu nécessaire son crucifiement? Soyons donc fidèles, imitons sa miséricorde, cherchons la justice, et tout ce qu’ à juste titre nous reprenons chez les autres, par la grâce du Christ tenons-le éloigné de nous.

1. Ps  104,30.             2. 2 Co 2,15.

Lettres, t. I, SC n°66, XIV, p. 233-235.