Novembre – Toussaint

MOIS DE NOVEMBRE

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Icône du Monastère d’Aghios Pavlos (Monastère Saint Paul) au Mont Athos – XIXe s.

FETE DE TOUS LES SAINTS

UN TEMPS POUR RENTRER EN SOI-MEME

Ecoutons Isaac de l’Etoile dans son 2ème sermon pour la Toussaint

Regarder en soi-même

Si tu veux te connaître toi-même et te posséder, entre en toi-même, ne te cherche pas au dehors. Il y a une différence entre toi, ce qui est à toi, ce qui est autour de toi. Autour de toi, le monde ; à toi, ton corps ; toi, l’être fait intérieurement à l’image et similitude de Dieu. Reviens donc au-dedans, à ton moi, à ton cœur. Extérieurement, tu es animal, à l’image du monde : et c’est pourquoi on dit de l’homme qu’il est un petit monde. A l’intérieur, tu es un homme à l’image de Dieu, capable d’être déifié.

Ainsi, frères, l’homme qui rentre en lui-même, tel le plus jeune fils, le prodigue, où se retrouve-t-il, sinon dans une région lointaine, dans une région de dissemblance, dans une terre étrangère, où il s’assoit et pleure au souvenir de son père et de sa patrie ? S’il garde les pourceaux et qu’il a faim, ne trouve-t-il pas en lui de quoi pleurer ? Si beaucoup de mercenaires, dans la maison de son père, ont du pain en abondance, tandis que lui-même, dans son exil et sa pauvreté, cherche vainement des caroubes pour son ventre, ses yeux ne trouvent-ils pas facilement des larmes ?

O Adam, où es-tu ? Peut-être encore dans l’ombre, pour ne pas te voir toi-même, tu assembles des feuilles de vanité pour couvrir ta honte : tu vois ce qui est autour de toi, tu vois ce qui est à toi, car tes yeux sont ouverts à cette vision. Regarde au-dedans pour te voir toi-même : c’est là que se trouve le plus honteux et qui t’inspire la honte pour ce qui paraît au dehors. Reviens au-dedans, reviens à ton âme. Vois et pleure cette âme sujette à la vanité, à l’iniquité et à la captivité qui l’empêche de se libérer. Va au-dehors, vers la chair. Vois et pleure cette chair sujette à la corruption, à la mortalité et à l’infirmité qui lui interdit de se relever.

Et disons-le brièvement, mes très chers, quiconque rentre en soi-même, se connaît soi-même, pénètre l’abîme de sa misère, de son ignorance, de ses difficultés, de ses passions et juge sa conscience, a moins envie de pleurer, là même où l’affliction humaine est la plus spontanée, au deuil d’un de ses proches même le plus proche ; il y est moins rongé de tristesse, moins secouée de sanglots qu’à son propre deuil, qui lui est d’autant plus proche qu’il lui est intérieur. Pourquoi avoir pitié d’un autre quand on n’a pas pitié de soi ?

Mes frères, laissons-nous redresser par la doctrine de la sagesse céleste et soit dans l’action, soit dans le repos, rentrons en nous-mêmes et pleurons ; gémissons en présence du Seigneur que sa bonté porte à pardonner, convertissons-nous à lui dans le jeûne, les pleurs, le deuil sur nous-mêmes, afin qu’un jour, à proportion de la multitude des douleurs en nos cœurs, ses consolations réjouissent nos âmes. Bienheureux en effet ceux qui pleurent, non parce qu’ils pleurent, mais parce qu’ils seront consolés. La douleur est le chemin ; la consolation est la béatitude.

Isaac de l'Etoile (1110?-v. 1171)
2ème sermon en la Fête de tous les saints

Qui est Isaac de l’Etoile – Abbé cistercien (vers 1110 – 1178 ou 1171)

De nationalité anglaise, né vers 1110, venu en France tout jeune pour achever ses études, Isaac entre sans doute à l’abbaye de Pontigny. En 1147, il devient abbé du monastère de l’Étoile, de la filiation de Pontigny, non loin de Poitiers. Puis on le trouve dans l’île de Ré, où le monastère de Notre-Dame des Châteliers, qu’il a fondé, vit dans une grande pauvreté. Il y meurt en 1178. Isaac est un homme cultivé, il a reçu une bonne formation littéraire, philosophique, théologique, il a beaucoup d’idées originales qu’il exprime de façon imagée.

Comme tout bon cistercien, Isaac a écrit un traité « De anima », mais son ouvrage le plus important, par lequel il exerça le plus d’influence, est un recueil de 54 sermons disposés selon l’année liturgique, qu’il veut être « une exhortation capable d’édifier les frères ». L’abbé parle à ses moines dans le but de leur apporter une nourriture spirituelle, et de les faire progresser. Il y fait preuve d’une profonde unité intérieure. C’est le Christ qui recrée l’unité dans le cœur de l’homme après la rupture du péché. Et c’est le Christ aussi qui refait l’unité du Corps mystique, le Christ total.