Décembre – Noël
MOIS DE DECEMBRE
MOIS DE L’AVENT
LE SAUVEUR VIENT
ALLONS A SA RENCONTRE
Ecoutons Guerric, dans son 2ème sermon pour l’avènement du Seigneur
1. Le Roi vient, allons à la rencontre de Notre Sauveur. Salomon a dit élégamment : « La bonne nouvelle arrivant d’un pays éloigné, c’est de l’eau fraîche pour le gosier altéré (Prov. XXV, 25). » C’est un délicieux message que celui qui annonce l’approche du Sauveur, la réconciliation du monde avec Dieu, et les biens du siècle futur. Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent le bien ! Ils sont nombreux, en effet, il y en a plus d’un. Oui, dis-je, bien des messagers, une longue suite de messagers nous sont venus dès le commencement du monde, poussés par le même esprit : ils n’avaient tous qu’un cri, tous qu’une parole : il vient, le voilà (Ezech. XXXII, 8). » Et d’où sont partis ces courriers, demandez-vous ? L’Écriture le dit : c’est, «d’un pays élevé (Isa. XLVI, 11), » de la terre des vivants qui est séparée par une très grande distance de cette terre des mourants. Entre eux et nous, se trouve un grand abîme. C’est de là pourtant que les Prophètes ont été envoyés aussi bien que les anges : car, si corporellement : ils résidaient ici-bas, quand ils étaient envoyés, ils étaient transportés là-haut en esprit pour y voir et y entendre ce qu’ils devaient annoncer aux humains. Ces messagers sont l’eau rafraîchissante, et le breuvage salutaire de l’âme que la soif tourmente; en effet, l’envoyé qui annonce à cette âme l’arrivée ou les autres mystères du Sauveur, puise et lui verse à boire les eaux de joie des fontaines du Seigneur, en sorte qu’elle semble répondre à ce message, à Isaïe, ou à tout autre prophète, en leur adressant les paroles d’Elisabeth, parce qu’elle a reçu l’effusion du même esprit que reçut cette femme fidèle : « Et d’où me vient le bonheur que mon Seigneur s’approche de moi (Luc. 1, 63) ? » Voici que depuis qu’ont retenti à mes oreilles les paroles de votre message, mon esprit a tressailli de joie en moi, et brûle de se porter à la rencontre du Dieu qui vient le sauver.
2. Et en vérité, mes frères, il faut aller au-devant de Jésus-Christ, dans le transport de notre âme. Il faut saluer de loin celui qui fait annoncer sa délivrance à Jacob, ou du moins lui rendre ses salutations. « Je n’aurai point de honte à saluer mon ami », dit le sage (Eccle. XXII, 31) ; à combien plus forte raison n’en éprouverai-je pas à lui rendre son salut. O lumière salutaire de mon Sauveur et de mon Dieu ! quelle bonté vous avez eue en saluant vos serviteurs, quelle bonté plus grande encore vous a porté à les sauver ! Le salut ne serait point parfait pour nous, si vous faisiez annoncer la délivrance sans l’accorder. Cette grâce, vous l’avez accordée, non seulement en saluant dans un baiser de paix, c’est-à-dire par votre union avec la chair, ceux à qui vous aviez adressé des paroles pacifiques, mais encore en leur procurant le salut par votre mort sur la croix. Que notre esprit s’élève donc dans le transport de sa joie, qu’il coure à la rencontre de son Sauveur, qu’il l’adore et le salue en le voyant venir de loin, qu’il lui crie « Sauvez-moi, ô Seigneur, prospérez ! Béni soyez-vous, vous qui devez venir au nom du Seigneur (Psalm. CXVII, 25). » Salut, ô vous qui venez nous sauver, béni soyez-vous, vous qui apportez la bénédiction. Réussissez donc, ô Seigneur, qui venez vers les hommes les mains pleines de salut et de prospérité. Regardez, marchez heureusement et régnez. Le Père, le Dieu de notre salut, assurera le succès de votre démarche. Il réussira, dit le Père, dans toutes les entreprises pour lesquelles je l’ai envoyé non selon les désirs des hommes charnels, non selon la volonté de Pierre qui avait horreur de le voir souffrir. Et tout ce qu’il fera, prospèrera Psalm. I, 3) ; » non point d’après la volonté précipitée des hommes, mais pour le succès de leur véritable salut. Le, salut que donnent les hommes est vain ; mais notre salut est œuvre du Seigneur, qui nous l’a assuré au prix de son sang, et qui nous le donne en récompense, et nous le verse en breuvage. Venez donc, ô Seigneur, sauvez-moi et je serai sauvé. Venez, montrez-nous votre visage, et nous seront sauvés, « car nous vous avons attendit (Isa. XXXIII, 2). Voilà comment, par l’amour et par le désir, les prophètes et les justes marchaient avec ardeur à la rencontre du Christ quand il devait venir, souhaitaient le voir des yeux du corps, s’il était possible, ce qu’ils apercevaient en esprit. Aussi le Seigneur a-t-il dit à ses disciples : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez. Je vous le dis, beaucoup de Prophètes et de Rois ont voulu voir ce que vous avez sous les yeux, et ne l’ont pas vu (Luc, I, 23).»
Abraham, votre père, a aussi tressailli en désirant contempler mon jour : il l’a vu, mais dans les enfers, et il s’est réjoui. C’est là ce qui condamne la torpeur et la dureté de notre cœur, si notre âme ne regarde pas Jésus-Christ avec un vif sentiment de joie spirituelle.
3. Nous attendons le jour anniversaire de la naissance du Christ; on nous promet, avec le bon plaisir du Seigneur, la joie de le voir bientôt. L’Écriture paraît exiger de nous une joie qui élève notre esprit au-dessus de lui et le fasse se porter, si je puis parler ainsi, à la rencontre de Jésus-Christ, se jeter en avant dans son impatience de tout retard, et s’efforcer de contempler les évènements à venir. Tous les avertissements par lesquels l’Écriture nous engage à marcher au-devant du Seigneur se rapportent, comme je le crois, non seulement à son second avènement, mais encore à son premier. Comment cela, dites-vous? Parce que, comme nous accourons au second par le mouvement et le tressaillement de notre corps; de même, trous devons aller vers le premier par l’affection et le mouvement du cœur. Vous le savez, en effet, lorsque nous aurons repris, dans la résurrection, des corps nouveaux, comme l’Apôtre nous l’enseigne, « Nous serons transportés sur les nuages au-devant de Jésus-Christ dans les airs et par là nous serons toujours avec le Seigneur (I Thessal. IV, 16). » Quant à présent il ne manque pas de nues qui soulèvent dans les airs nos esprits, s’ils ne sont pas trop lourds ou trop attachés à la terre, et ainsi nous serons avec le Seigneur, au moins une dernière heure. Si je ne m’abuse, vous connaissez par expérience ce que je vous dis, vous l’avez senti, lorsque les nuées ont fait entendre leur bruit, c’est-à-dire, lorsque, dans l’Église, ont retenti les voix des Prophètes ou des apôtres, et lorsque vos sens se sont élevés, comme sur le dos des nuées, à cette hauteur, et ont été ravis au point de voir en quelque sorte, la gloire du Seigneur. Alors, si je ne me trompe, a brillé à vos yeux la vérité des paroles que le Seigneur fit tomber de cette nuée qu’il a placée pour vous servir de char tous les jours : «Le sacrifice de louange m’honorera : et c’est là la route par où je lui montrerai le salut de Dieu (Psalm. XLIX, 23). » Qu’il en soit donc ainsi, que le Seigneur vienne à vous avant son avènement, et qu’il vous visite familièrement avant de venir d’une manière générale et commune. « Je ne vous laisserai point orphelins,» dit-il : «Je m’en vais et je viendrai à vous (Joan. XIV, 18). » Et selon le mérite et le désir de chacun, cet avènement, où le Seigneur se réalise fréquemment en nous, dans le temps qui s’écoule entre le premier et le second, en nous conformant au premier et en nous préparant au second, il se fait actuellement en nous, pour que le Seigneur, dans le premier, ne soit point venu en vain, ou pour que dans le dernier il n’arrive pas irrité contre nous. Par cette arrivée, il s’efforce de réformer notre orgueil, en le rendant conforme à son humilité, absolument comme il réformera notre corps d’humilité, et le rendra semblable à son corps glorieux qui brillera lorsqu’il reviendra sur la terre. Il faut désirer de toute l’ardeur de nos vœux et demander avec instance cet avènement familier qui nous applique la grâce du premier et nous promette le bienfait de celui de la fin des temps. « Parce que Dieu chérit la miséricorde et la vérité, le Seigneur donnera la grâce et la gloire (Psalm. LXXXIII, 12), » la grâce dans sa miséricorde et la gloire par la vérité.
Guerric d’Igny – Sermon 2 pour l’avènement de Notre-Seigneur – Extraits 1-3
Texte intégral
Qui est Guerric d’Igny – Abbé cistercien (vers 1080 – 1157)
La naissance de Guerric se situe entre 1070 et 1080 à Tournai, donc 10 à 20 ans avant celle de Bernard. Il reçoit son éducation à l’école cathédrale de Tournai : humanité, dialectique et théologie, ce qui lui vaudra un talent d’écrivain bien formé et développé. Sans doute bénéficiera-t-il de l’enseignement d’un maître fameux, Odon de Cambrai. Sans doute aussi sera-t-il chanoine de la cathédrale et chargé de l’école cathédrale. Mais, en 1116, il décide de mener la vie érémitique et se retire dans une petite maison, à proximité de l’église. Il entend parler de saint Bernard par deux de ses amis et visite Clairvaux en 1120, sans avoir l’intention d’y rester. Mais Bernard qui reconnaît en lui l’étoffe d’un bon moine, le presse d’entrer. Le voici novice à Clairvaux, un novice plus âgé que son abbé, et sur le plan humain, doté de plus d’expérience et de maturité. Guerric reste 13 ans à Clairvaux, période qui coïncide avec le plein épanouissement des dons de Bernard et sa meilleure production littéraire. Puis vers 1138, il est envoyé à Igny, en Champagne, qui a été fondée en 1128, et il en devient abbé. Il a environ 60 ans. Sa mauvaise santé le rend incapable de mener la vie commune et de prendre sa part du travail manuel. Il le regrette, car il voit dans cette observance du travail des mains une des voies où l’on rencontre Jésus. Sous l’abbatiat de Guerric, Igny prospère, les vocations arrivent nombreuses. Pourtant c’est uniquement à son œuvre, à ses sermons que sera due l’influence postérieure de Guerric qui meurt en 1157. Nous n’avons de Guerric que le recueil de ses sermons. Tous, sauf le dernier, ont pour sujet les fêtes de l’année liturgique. Guerric y insiste sur les mystères liturgiques et sur la formation du Christ en l’âme de ceux qui y participent. En maints endroits, il reprend l’idée origénienne de la conception et de la naissance du Christ en l’âme. En recevant les sacrements et en imitant le Seigneur, nous le faisons naître en nous. L’âme devient alors « Mère du Christ », et Celui-ci nous donne la vraie vie en communiquant l’Esprit qui procède du Père et de lui.