Mai – Temps Pascal
MAI – Temps Pascal
50 jours de Joie
Comme un « Grand Dimanche »
Nous continuons avec Guerric dans son deuxième sermon pour la résurrection
1. « Heureux et saint celui qui participe à la première résurrection ! » « Je suis la résurrection et la vie », dit Jésus. Oui, il est lui-même la première résurrection, et aussi la seconde. Le Christ est ressuscité des morts, « prémices de ceux qui se sont endormis ». C’est par le mystère de sa Résurrection qu’il a opéré notre première résurrection, et c’est sur le modèle de cette même Résurrection qu’il opérera notre seconde résurrection. La première est celle des âmes ; elle a lieu quand il les ressuscite avec lui à une vie nouvelle. La seconde sera celle des corps ; elle aura lieu quand « il transfigurera notre corps de misère pour le rendre conforme à son corps de gloire ». C’est donc à bon droit que le Christ se proclame la résurrection et la vie, puisque c’est par lui et en lui que nous ressuscitons pour vivre en conformité avec lui et auprès de lui : à présent, en conformité avec lui en vivant dans la sainteté et la justice; plus tard, auprès de lui dans la béatitude et la gloire. En outre, de même que la première résurrection de notre Tête, le Seigneur Jésus-Christ, est la cause et le gage de la seconde résurrection qui sera celle de tout le Corps , ainsi pour chacun d’entre nous, la première résurrection de l’âme, résurrection qui nous ramène à la vie après la mort du péché, est également le gage et la cause de notre seconde résurrection, qui délivrera notre corps non seulement de la corruption et de la mort, mais de tout ce que la condition mortelle comporte de corruptible. Que la première de ces résurrections soit le gage et la cause de la seconde, l’Apôtre nous le montre avec évidence en disant : « Si l’Esprit du Christ habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels, à cause de l’Esprit de Jésus qui habite en vous. »
2. C’est donc avec raison qu’il est dit : « Heureux et saint celui qui participe à la première résurrection ! » Il est saint en effet, en raison de cette première résurrection déjà obtenue par le renouvellement de son âme, et il est heureux en raison de la seconde qu’il attend dans la joie et qui lui restituera son corps. Ce même passage de. L’Écriture nous révèle aussi la cause de sa béatitude, en ajoutant : « La seconde, mort n’aura pas de pouvoir sur ceux qui participent à la première résurrection, même si pour un temps la première mort a semblé les soumettre à son empire. D’Adam à Moïse, en effet, « la mort a régné même sur ceux qui n’avaient point péché d’une transgression semblable à celle d’Adam ». Mais, comme le Christ, le chrétien qui ressuscite des morts « ne mourra plus, et la mort n’exercera plus de pouvoir sur lui ». C’est pourquoi la seconde mort n’aura plus de pouvoir sur les bienheureux, et la première ne gardera pas celui qu’elle a exercé momentanément. L’unique mort du Christ, en effet, a triomphé de l’une et de l’autre. Elle délivre de la première ceux qui en sont déjà captifs, et de la seconde ceux qui étaient destinés à en être les captifs. Elle nous préserve donc de tomber dans la seconde, et nous empêche de rester au pouvoir de la première.
Qu’elle est vraie, et tout ensemble miséricordieuse et magnifique, cette menace du Christ mourant : « Ô mort, je serai ta mort ! » Quel noble, et glorieux triomphe : en goûtant pour nous tous la mort, il a englouti sa propre mort et la nôtre sous toutes ses formes ! Oui, « la mort a été engloutie dans la victoire. » Quiconque « a le bonheur de participer à la première résurrection » peut en toute sécurité ironiser et dire : « Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ton aiguillon ? » Te voilà vaincue, toi qui vainquais tout le monde. Tu as même perdu les armes dans lesquelles tu mettais ta confiance. Où est-il donc, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché qui, en piquant une seule fois la racine du genre humain, a répandu dans tous ses rejetons le venin incurable de la mort, comme le dit l’Apôtre : « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, qui a ainsi passé en tous les hommes. » La mort régnait donc, victorieuse, depuis le premier Adam jusqu’au second, car le genre humain tout entier, enserré dans les liens du péché en vertu de sa condition originelle, avait de même contracté une dette envers la mort.
3. Mais « rendons grâces à Dieu de nous avoir donné la victoire » sur le péché et sur la mort, « par le Seigneur Jésus-Christ ! » II était, certes, exempt de tout péché, et par là libre de toute dette envers la mort. Mais il voulut cependant acquitter celle-ci pour nous en mourant, et en ressuscitant il nous délivra du péché. « Le Christ en effet, dit l’Apôtre, est mort à cause de nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification. » En mourant, il acquitta la peine due à nos péchés, et en ressuscitant, il établit l’exemplaire et la cause de notre éternelle justification. « Le Christ donc, une fois ressuscité des morts, ne meurt plus, et la mort n’a plus de pouvoir sur lui » ; pareillement, le chrétien, une fois ressuscité avec le Christ, ne commettra plus de péché allant à la mort, et le péché n’aura plus à l’avenir pouvoir sur lui.
Bienheureux Guerric d’Igny – 2ème Sermon pour la Résurrection – Extraits
Texte intégral
Qui est Guerric d’Igny – Abbé cistercien (vers 1080 – 1157)
La naissance de Guerric se situe entre 1070 et 1080 à Tournai, donc 10 à 20 ans avant celle de Bernard. Il reçoit son éducation à l’école cathédrale de Tournai : humanité, dialectique et théologie, ce qui lui vaudra un talent d’écrivain bien formé et développé. Sans doute bénéficiera-t-il de l’enseignement d’un maître fameux, Odon de Cambrai. Sans doute aussi sera-t-il chanoine de la cathédrale et chargé de l’école cathédrale. Mais, en 1116, il décide de mener la vie érémitique et se retire dans une petite maison, à proximité de l’église. Il entend parler de saint Bernard par deux de ses amis et visite Clairvaux en 1120, sans avoir l’intention d’y rester. Mais Bernard qui reconnaît en lui l’étoffe d’un bon moine, le presse d’entrer. Le voici novice à Clairvaux, un novice plus âgé que son abbé, et sur le plan humain, doté de plus d’expérience et de maturité. Guerric reste 13 ans à Clairvaux, période qui coïncide avec le plein épanouissement des dons de Bernard et sa meilleure production littéraire. Puis vers 1138, il est envoyé à Igny, en Champagne, qui a été fondée en 1128, et il en devient abbé. Il a environ 60 ans. Sa mauvaise santé le rend incapable de mener la vie commune et de prendre sa part du travail manuel. Il le regrette, car il voit dans cette observance du travail des mains une des voies où l’on rencontre Jésus. Sous l’abbatiat de Guerric, Igny prospère, les vocations arrivent nombreuses. Pourtant c’est uniquement à son œuvre, à ses sermons que sera due l’influence postérieure de Guerric qui meurt en 1157. Nous n’avons de Guerric que le recueil de ses sermons. Tous, sauf le dernier, ont pour sujet les fêtes de l’année liturgique. Guerric y insiste sur les mystères liturgiques et sur la formation du Christ en l’âme de ceux qui y participent. En maints endroits, il reprend l’idée origénienne de la conception et de la naissance du Christ en l’âme. En recevant les sacrements et en imitant le Seigneur, nous le faisons naître en nous. L’âme devient alors « Mère du Christ », et Celui-ci nous donne la vraie vie en communiquant l’Esprit qui procède du Père et de lui.
Voir également la page « Quelques auteurs cisterciens »