Juin – Pentecôte
JUIN – Pentecôte
Accueillons l’Esprit
Et laissons le agir en nous
Ecoutons Saint Bernard dans son premier sermon pour le jour de la Pentecôte
« Comment le Saint-Esprit opère trois choses en nous. »
3. Comme il nous a été ordonné de nous détourner du mal et de faire du bien (1 P 3, 11 et Ps 33, 14-15), voyez comment le Saint-Esprit vient au secours de notre faiblesse pour nous faire accomplir ces deux commandements, car si les grâces sont différentes, l’Esprit qui les donne est le même. Ainsi, pour nous détourner du mal, il opère trois choses en nous, la componction, la supplication et la rémission. En effet, le commencement de notre retour à Dieu est dans le repentir qui n’est certainement point le fruit de notre esprit, mais de l’Esprit-Saint : c’est une vérité que la raison nous enseigne et que l’autorité confirme. En effet, quel homme, s’il s’approche du feu, transi de froid, hésitera à croire, quand il se sera réchauffé, que c’est du feu que lui vient la chaleur qu’il n’aurait pu se procurer ailleurs ? Ainsi en est-il de celui .qui, transi de froid par le péché, s’il vient se réchauffer aux ardeurs du repentir, il ne peut douter qu’il a reçu un autre esprit que le sien, qui le gourmande et le juge ? C’est d’ailleurs ce que nous apprend l’Évangile; car, en parlant du Saint-Esprit que les fidèles doivent recevoir, le Sauveur dit : « Il convaincra le monde de péché (Jn 14, 8). »
4. Mais à quoi bon le repentir de sa faute, si on ne prie point pour en obtenir le pardon ? Or, il faut encore que ceci soit opéré par le Saint-Esprit, pour qu’il remplisse notre âme d’une douce confiance qui la porte à prier avec joie et sans hésiter. Voulez-vous que je vous montre que c’est là encore l’œuvre du Saint-Esprit ? D’abord, tant qu’il sera éloigné de vous, soyez sûr que vous ne trouverez rien qui ressemble à la prière au fond de votre cœur. D’ailleurs, n’est-ce pas en lui que nous nous écrions : Mon Père, mon Père (Rm 8, 16) ? N’est-ce pas lui encore qui prie pour nous avec des gémissements inénarrables (Ibidem, 26), et cela dans le fond même de notre cœur ? Que ne fait-il point dans le cœur du Père ? Mais, de même qu’au dedans de nous, il intercède pour nous, ainsi, dans le Père, il nous pardonne nos fautes de concert avec le Père; dans nos cœurs, il remplit auprès du Père le rôle de notre avocat, et dans le cœur du Père il se conduit divers nous comme notre Seigneur. Ainsi c’est lui qui nous donne la grâce de prier, et c’est lui qui nous accorde ce que ‘nous demandons dans la prière, et, en même temps qu’il nous élève vers Dieu, par une pieuse confiance en lui, il incline bien plus encore le coeur de Dieu vers nous, par un effet de sa bonté et de sa miséricorde. Aussi, pour que vous ne doutiez point que c’est le Saint-Esprit qui opère la rémission des péchés, écoutez ce qui fut dit un jour aux apôtres : «Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez (Jn 20, 22 et 23). » Voilà donc ce que fait le Saint-Esprit pour nous éloigner du péché.
5. Quant au bien, qu’est-ce que le Saint-Esprit opère en nous pour nous le faire faire ? Il nous avertit, il nous meut, il nous instruit. Il avertit notre mémoire, il instruit notre raison, il meut notre volonté ; car toute l’âme est dans ces trois facultés. Pour ce qui est de la mémoire, le Saint-Esprit lui suggère le souvenir du bien dans ses saintes pensées, et c’est par là qu’il secoue notre lâcheté et réveille notre torpeur. Aussi, toutes les fois, ô mon frère, que tu sentiras naître dans ton cœur le souvenir du bien, rends gloire à Dieu (Ac 9, 24), et hommage au Saint-Esprit, c’est sa voix qui retentit à tes oreilles, car il n’y a que lui qui parle de justice, et, comme dit l’Évangile : « Il vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit (Jn 14, 26). » Mais remarquez ce qui précède : « Il vous enseignera toutes choses (ibid.). » Or, je vous ai dit qu’il instruit la raison. Il y en a beaucoup qui sont pressés de bien faire, mais ils ne savent ce qu’ils doivent faire, il leur faut, pour cela, encore une grâce du Saint-Esprit. Il faut qu’après nous avoir suggéré la pensée du bien, il nous apprenne à en venir aux actes, et à ne pas laisser la grâce de Dieu stérile dans notre cœur. Mais pourquoi ? N’est-il pas dit que « celui-là est plus coupable, qui sait ce qu’il faut faire et ne le fait point (Jc 4, 17) ? » Ce n’est donc point assez d’être averti et instruit du bien à faire, il faut encore que nous soyons mus, et portés à le faire par le Saint-Esprit qui aide notre faiblesse, et répand dans nos cœurs la charité qui n’est autre que la bonne volonté.
6. Mais, lorsque le Saint-Esprit, survenant ainsi en nous, se sera mis en possession de notre âme tout entière, lui suggérera de bonnes pensées, l’instruira et l’excitera, en faisant entendre constamment sa voix dans nos âmes, et que nous entendrons ce que le Seigneur Dieu dira au-dedans de nous en éclairant notre raison et enflammant notre volonté, ne vous semble-t-il pas alors qu’il aura rempli, de langues de feu, la maison entière de notre âme ? Car, comme je vous l’ai déjà dit, l’âme est toute dans ces trois facultés. Que ces langues de feu nous semblent distinctes les unes des autres, c’est un signe de la multiplicité des pensées de notre esprit, mais dans leur multiplicité même, la lumière de la vérité, et la chaleur de la charité, en fera comme un seul et même foyer. D’ailleurs, on peut dire que la maison de notre âme ne sera complètement remplie qu’à la fin, lorsqu’il sera versé dans notre sein une bonne mesure, une mesure foulée, pressée, enfaîtée par-dessus les bords.
Saint Bernard – Sermon 1 pour la Pentecôte, § 3-6 (extraits)
Texte intégral