Décembre – Psaume 90,2
Mois de décembre
« Il dira au Seigneur, vous êtes mon soutien, mon asile et mon refuge (Ps. 90, 2)»
Ecoutons Saint Bernard – Sermon 2 sur le psaume 90
- Le Prophète dit donc : « Celui qui a établi sa demeure dans l’assistance du Très-Haut, dira au Seigneur, vous êtes mon soutien et mon refuge : il est mon Dieu et j’espérerai en lui. » C’est en témoignage de sa reconnaissance qu’il s’exprimera ainsi, qu’il chantera les louanges du Seigneur, et exaltera sa miséricorde, à cause de la double assistance qu’il reçoit. En effet, celui dont la demeure est encore dans l’assistance de Dieu, non dans son royaume, se trouve souvent dans la nécessité de fuir et fait quelques chutes. Oui, dis-je, il se trouve dans la nécessité de fuir à la vue de la tentation, tant qu’il n’a pas cessé d’habiter dans ce corps mortel ; et s’il lui arrive alors de retarder un peu le pas dans sa fuite, souvent il est atteint et renversé, mais Dieu le reçoit. Il est donc notre refuge, lorsque l’ennemi veut lapider notre paresse avec la fiente des bœufs, au pas lent et paresseux, et il nous soustrait à la honte de cette lapidation : il est notre soutien, et place sa main au-dessous de nous, dans nos chutes, de peur que nous ne nous heurtions. Dès que la tentation assaille notre esprit, réfugions-nous sans retard vers lui, et implorons humblement son secours. S’il arrive par hasard, ainsi que cela a lieu quelquefois qu’elle nous saisisse, parce que notre fuite n’a point été assez rapide, ne nous donnons de repos que lorsque le Seigneur nous aura pris dans ses mains. Il est impossible, en effet, que les hommes ne tombent point quelquefois tant qu’ils demeurent en ce monde, mais les uns se brisent en tombant, et les autres ne se brisent point, parce que Dieu a étendu sa main pour les recevoir dans leur chute. Mais comment pouvons-nous discerner les premiers des seconds, afin de séparer les brebis des boucs et les justes des pécheurs, à l’exemple du Seigneur (Matt. XXV, 32 ?) « Le juste, en effet, tombe sept fois le jour (Prov. XXIV, 16). »
- Or, il y a cette différence entre les chutes du juste et celles du pécheur, que l’un, quand il tombe, est reçu par le Seigneur, et se relève plus fort qu’auparavant, tandis que l’autre ne tombe que pour ne plus se relever. Que dis-je, il tombe dans une mauvaise honte ou dans l’impudence ; ou bien il trouve le moyen d’excuser ce qu’il a fait, et le sentiment de honte, qui lui fait trouver des excuses à son péché, est lui-même une source de péché ; ou bien il se fait un front de prostituée et, bien loin de craindre Dieu ou les hommes, il publie son péché comme le faisait Sodome. Le juste, au contraire, s’il tombe, est reçu dans les mains mêmes du Seigneur, et c’est merveille de voir comme son, péché devient pour lui une source de justice. « Nous savons, dit l’Apôtre, que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu (Rom. VIII, 28). » En effet, ne tourne-t-elle point à notre avantage cette chute qui nous rend plus humbles et plus vigilants ? Et n’est-ce point tomber sur les mains de Dieu, que de tomber dans celles de l’humilité ? « J’ai été poussé, on a fait effort pour me renverser (Psal. CXVII, 13), » dit le Prophète, mais celui qui m’a poussé n’a rien gagné à me faire tomber, « car le Seigneur m’a reçu dans ses mains. » L’univers peut dire à Dieu : vous êtes mon créateur ; les animaux peuvent ajouter : vous êtes notre pasteur, et tous les hommes peuvent s’écrier : vous êtes notre rédempteur. Mais il n’y a que celui qui a établi sa demeure dans l’assistance du Très-Haut qui puisse lui dire : Vous êtes mon soutien. Aussi ajoute-t-il « et vous êtes aussi mon Dieu. » Pourquoi ne dit-il point notre Dieu ? C’est parce que s’il est notre Dieu à tous, dans la création, dans la rédemption et dans tous les autres bienfaits dont il comble sans distinction tous les êtres, il n’y a pourtant que les élus qui aient chacun, en lui, comme un Dieu particulier, au milieu de la tentation. En effet, il est si bien disposé à les recevoir s’ils tombent, et, à leur servir de refuge s’ils fuient, qu’il semble oublier tous les autres, pour ne plus s’occuper que d’eux.
- Toute âme doit donc songer que Dieu non-seulement est à elle en particulier, mais de plus qu’il ne cesse d’avoir les yeux ouverts sur elle. Qui pourra se négliger si nous ne cessons de penser que Dieu nous regarde ? Et comment ne pas être porté à croire que Dieu est particulièrement notre Dieu, si on le voit toujours tellement attentif à nous, qu’il ne perde pas un seul instant de vue, non-seulement ce qui parait de nous au dehors, mais encore ce qui se passe au fond de notre cœur, et qu’il voit et juge non-seulement toutes nos actions extérieures, mais même les plus imperceptibles mouvements de notre âme ! Quiconque en est là peut s’écrier : « Il est mon Dieu, et je mettrai mon espérance en lui. » Remarquez bien qu’il ne dit point : j’ai mis ou je mets, mais « je mettrai mon espérance en lui. » C’est là mon vœu, dit-il, c’est là ma résolution bien arrêtée, c’est l’intention de mon cœur. Cette espérance est déposée au fond de mon âme et je demeurerai en elle. « Je mettrai mon espérance en lui. » Je ne désespérerai donc point, je n’espérerai pas non plus en vain, attendu que la malédiction est le partage de celui qui pèche par défaut d’espérance, et de celui qui tombe dans le péché du désespoir : Or, je ne veux point être du nombre de ceux qui n’espèrent point dans le Seigneur. « J’espérerai en lui, » dit le Prophète. Mais quel fruit recueillerez-vous de cette espérance, quelle récompense en retirerez-vous, quel profit vous en reviendra-t-il ? « C’est qu’il me délivrera du piège des chasseurs et de la parole mordante de mes ennemis. » Mais, si vous le voulez bien ; nous réserverons l’explication de ces paroles pour un autre jour et pour un autre sermon.
Texte intégral – Dix-sept sermons sur le psaume 90
– Deuxième sermon