Mars – Auprès de ton coeur
Mois de Mars
« Auprès de ton cœur »
Ecoutons Saint Raphaël Arnaiz Baron – Le dernier cahier (extraits)
Dieu et sa volonté sont la seule chose qui occupe ma vie. Ce qui auparavant était désir véhément, par sa miséricorde infinie, se tempère peu à peu. Comme la grâce de Dieu est immense, quand peu à peu Il emplit une âme. Comme peu à peu se précise de plus en plus la vanité de tout ce qui est humain, et comme on parvient au contraire à se convaincre qu’en Dieu seul se trouve la sagesse véritable, la paix véritable, la vie véritable, l’unique nécessaire et l’unique amour et désir de l’âme.
L’autre jour, j’étais avec le Révérend Père Abbé. Je suis allé lui demander de me concéder une pénitence pour ce saint temps du Carême, chose qu’il me refusa, et à la place, il me dit que le jour de Pâques, il me donnerait la coule monacale et le scapulaire noir. Quelle joie j’éprouvai, Bon Jésus ! J’aurais embrassé le Révérend Père Abbé. Il est trop bon avec moi.
Quel désir j’avais depuis déjà un certain temps de pouvoir revêtir la coule. Quel grand bonheur me donna la pensée de ce que, à brève échéance, je ne me distinguerais en rien d’un vrai religieux. Mais après avoir été rendre grâce au Seigneur pour cette grâce, je vis clairement qu’en moi, c’est vanité. J’ai vu que c’est un honneur que me fait la communauté, et cela me désole plus qu’autre chose. Ah ! S’il m’avait donné l’habit de convers, comme je le lui ai suggéré, ç’aurait été autre chose. Mais ça m’est égal : en marron ou en blanc, avec ou sans coule, je suis le même devant Dieu. Tout ce qui est extérieur m’est indifférent. Je veux seulement aimer Dieu, et je le fais à l’intérieur et sans que les hommes s’en aperçoivent. Cela m’est égal, Seigneur, de connaître l’honneur ou le mépris. La joie vaine et un peu infantile de revêtir la coule s’est déjà calmée. J’aimerais, Seigneur, que rien au monde ne me trouble, ni aucune des créatures ne m’enlève la paix et la tranquillité de n’aimer que ta volonté. Et je vois ainsi, Seigneur, que tout est vanité. Tu n’es ni dans l’habit, ni dans la couronne. Alors ? Tu n’es, Seigneur, que dans le cœur détaché de tout.
Bon Jésus, mon divin Bien-aimé, Tu as tes délices. Ah ! Seigneur, que vais-je dire ? Tu as tes délices dans le cœur de l’homme. Je T’offre le mien. Laisse-moi faire ma cellule dans le tien. Laisse-moi faire ma couche auprès de toi. Laisse-moi vivre seul et nu de tout auprès de ton Cœur Divin, et me moquer des habits, des couronnes, et… des barbes de tous les convers du monde. Je serai toujours le même pour Toi, n’est-ce pas, Jésus ?
Comme le monde est ignorant et puéril ! Quelle joie nous procure un chiffon et quelle tristesse un nuage ! Avec quelle facilité nous considérons-nous heureux d’une puérilité, et sommes-nous abattus et désespérés avec une autre ! Comme nous sommes peu de chose…, comme nous vivons sur le plan extérieur, sans penser que tout n’est rien, excepté de T’aimer et de Te servir, Toi, mon Jésus ! Guenon de soie vêtue… guenon demeure !
J’aimerais, Seigneur, passer ce Carême à mourir peu à peu de tout ce qui me manque encore, pour ne vivre que pour Toi. Pour qu’un jour, Tu me laisses, Seigneur, pénétrer par la plaie de ton côté, et m’y faire une cellule auprès de ton Divin Cœur. Me le permettras-tu ? Je le demande avec ferveur à la Très Sainte Vierge Marie.
Un jour où la petite croix que Jésus m’envoyait me semblait bien grande, un jour où, en pensant à ce qui me reste de vie, cette vie de trappiste, enfermé ici pour toujours, cela me paraissait bien long, un jour où je souffrais parce que mon chemin me paraissait long et pénible, j’ai lu des mots qui me disaient : « Rien de ce qui a une fin n’est grand ».
Saint Raphaël Arnaiz Baron – Le dernier cahier – 8 mars 1938 (extraits)
Cistercien, au monastère de Saint-Isidore de Dueñas, en Espagne. Béatifié le 27 septembre 1992 par Jean-Paul II – Canonisé le 11 octobre 2009 à Rome par Benoît XVI.