Avril – Résurrection
Mois d’Avril
« Ne me touche pas ! »
Ecoutons Saint Bernard – Sermons sur le Cantique n° 28 (extraits)
Ne cherche pas la sagesse avec l’œil du corps, car ce n’est pas la chair et le sang qui la révèle, mais l’Esprit. C’est avec raison que Marie Madeleine, la femme qui goûte encore les choses charnelles, se voit interdire de toucher la chair ressuscitée du Verbe : elle faisait plus de cas de l’œil que de la promesse, c’est-à-dire du sens de la chair que du Verbe de Dieu. Celui qu’elle avait vu mort, elle ne le croit pas ressuscité, alors que lui-même l’avait promis.
Mais l’expérience est illusoire. La femme est donc renvoyée à la connaissance plus sûre de la foi ; celle-ci assurément saisit ce qui échappe aux sens, elle ne trouve pas ce qui est expérimenté. « Ne me touche pas, lui dit le Seigneur, c’est-à-dire : Perds l’habitude de te fier à tes sens trompeurs, appuie-toi sur la Parole, accoutume-toi à la foi. Ne me touche donc pas, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père ».
Comme si, lorsqu’il sera remonté, il voulait ou pouvait se laisser toucher ! Assurément elle le pourra, mais avec l’élan de son cœur et non avec ses mains, par le désir et non par l’œil, par la foi et non par les sens. Pourquoi, lui dit-il, cherches-tu à me toucher maintenant, toi qui n’as que tes sens corporels pour évaluer la gloire de ma résurrection ? Ne saisis-tu pas qu’au temps de ma vie mortelle, l’œil de mes disciples n’a pu soutenir la gloire de mon corps périssable, transfiguré pour un court instant ? Je cède encore au désir de tes sens pour me présenter sous ma forme d’esclave que tu reconnais parce que tu en as l’habitude. Mais ma gloire est d’une hauteur qui te dépasse ; elle est trop grande et tu ne peux l’atteindre. Remets donc ton jugement à plus tard, retiens ta pensée, ne confie pas à tes sens le soin de préciser de telles choses, réserve-le à la foi. Elle te les précisera plus justement, plus sûrement, elle qui comprendra plus pleinement. Ainsi dans son sein mystérieux et profond, elle comprendra quelle est la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de ma gloire, « ce que l’œil n’a pas vu ni l’oreille entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme », la foi le porte enfermé en elle comme sous un voile, elle en conserve le sceau.
C’est donc elle qui me touchera dignement, elle me recevra assis à la droite du Père, non plus comme à présent dans mon état humilié, mais dans ma chair céleste elle-même, sous un autre aspect. Pourquoi vouloir me toucher alors que je suis encore laid ? Attends, pour me toucher dans ma beauté. Car si maintenant je suis laid, alors je serai beau et tu me toucheras ; aie la foi et tu seras belle. Belle, tu toucheras le Beau, et plus dignement et plus joyeusement.
Touche-moi des mains de la foi, du doigt du désir, de l’étreinte de l’amour. Suis-je encore noir ? Mais non, ton bien-aimé est blanc et vermeil. Il est pleinement beau, lui qu’entourent les roses et les lis des vallées, je veux dire le chœur des martyrs et des vierges. Et moi qui me tiens au milieu d’eux, je leur suis semblable : vierge et martyr.
Saint Bernard – Sermons sur le Cantique n° 28 : 8-10 (extraits)
Texte intégral – Sermon 28