Janvier – La Grâce de Dieu

Mois de Janvier

« La Grâce de Dieu »

Guillaume de Saint-Thierry

grace-de-dieu-450Nous abordons la lettre de Paul aux Romains, où se cachent toutes sortes de questions, nombreuses et difficiles, non pas pour l’expliquer, ce qui dépasse nos forces, mais pour en tirer un commentaire et rassembler en un seul écrit ce qu’en ont dit quelques-uns des Pères qui l’ont commentée.

Pour moi, ce qui m’a poussé à ce travail, c’est la joie de contempler la grâce de Dieu et sa gloire dont parle toute cette épître. Ceux qui se sont consacrés tout entier à honorer Dieu doivent savoir, comme le dit l’Écriture, que « la piété est un culte rendu à Dieu », mais que la piété n’est rien sans l’action de grâce, et que l’action de grâce n’est rien sans la connaissance de la grâce. C’est en méditant cela constamment que l’on devient de ces bienheureux pauvres en esprit à qui est promis le Royaume de Dieu, ceux dont l’esprit doit être tenu pour être totalement un avec Dieu.

C’est en effet, la grâce qui nous a appelés à être, avant que nous existions, alors que nous n’étions encore rien ; détournés, elle nous a appelés ; retournés, elle nous a justifiés ; justifiés, elle nous glorifiera si nous ne sommes pas ingrats. C’est elle qui instaure le bien en nous pour que nous le voulions ; lorsque nous le voulons, elle coopère avec nous ; sans elle, nous ne pouvons ni vouloir le bien ni le faire.

Créés par Dieu, alors que nous n’étions rien, pour être l’une de ses créatures, c’est ainsi que sans aucun mérite, nous avons été créés par grâce, pour accomplir le bien. Ainsi, mériter, c’est une grâce : et ce que nous méritons, c’est une grâce pour une grâce reçue. En effet rendre la grâce reçue produit une augmentation de grâce, non moins qu’avoir d’abord reçu la grâce, c’est une grâce. La grâce nous devance pour que nous priions, elle nous aide quand nous prions, elle exauce l’objet de notre prière.

De cette grâce, la Vierge Marie fut remplie pour devenir la Mère de Dieu ; Celui qui est né de la Vierge s’en trouve rempli. On atteste de Noé, d’Abraham, de Moïse et des autres saints patriarches, qu’ils ont trouvé grâce devant Dieu. Paul, l’Apôtre, qui cherchait autre chose, s’entendit dire : « Ma grâce te suffit. » Et lorsque tu vins, Seigneur Jésus, toi le plus beau des enfants des hommes, la grâce fut répandue sur tes lèvres par un privilège tout spécial, car elle fut l’huile d’allégresse dont tu apparus « oint de préférence à tes compagnons » ; et c’est pourquoi « les jeunes filles t’ont chéri, accourant à l’odeur de tes parfums ».

C’est par cette grâce que tu offres gratuitement ce que tu nous offres, ne recevant rien de nous que tu nous l’aies donné. Par elle aussi, quand tu veux être aimé de nous gratuitement, tu comptes pour gratuit l’amour que nous te portons, puisque, ô Tout-Puissant, comme salaire de ton amour, tu ne peux rien nous donner de plus, que de t’aimer toi-même.

Mais la grâce est tienne, et pour nous, la grâce vient de toi. C’est pourquoi, ô Seigneur notre Dieu, à toi seul en revient la gloire. Or si quelqu’un se glorifie, il ne peut se glorifier qu’en Toi. Car la foi elle-même ne peut être en nous, si elle ne vient de Toi, cette foi sans laquelle nul homme ne peut faire œuvre bonne, puisque ce qui ne procède pas de la foi est péché.

Guillaume de Saint-Thierry (1085-1148) Né à Liège vers 1085, Guillaume entre au monastère bénédictin de Saint-Thierry, près de Reims, après avoir fait de solides études. Il devient abbé de Saint-Thierry vers 1121. Il avait fait la connaissance de saint Bernard et désirait devenir cistercien. En 1135, il entre à l’abbaye cistercienne de Signy dans les Ardennes où il reste jusqu’à sa mort en 1148.