Juin – Amour de Dieu

Mois de Juin 

« Aime moi comme je t’aime »

Baudouin de Ford 

jardin-450L’amour dont Dieu nous a aimés a délié par sa puissance les liens dans lesquels la mort nous tenait prisonniers. Désormais, celle-ci ne peut retenir qu’un instant ceux qu’il lui est permis de ne toucher qu’un instant. Car « le Christ est ressuscité, prémices de ceux qui se sont endormis ». Par le mystère, l’exemple et le témoignage de sa propre résurrection, ainsi que par la parole qui nous le promet, il nous confirme dans la certitude que nous ressusciterons.

Forte est la mort capable de nous enlever le don de la vie ; fort est l’amour qui peut nous rendre à une vie meilleure. Forte est la mort dont la puissance peut nous dépouiller de notre corps ; fort est l’amour qui a le pouvoir d’arracher à la mort son butin et de nous le rendre. Forte est la mort : nul homme ne peut lui résister ; fort est l’amour : il triomphe de la mort, émousse son aiguillon, arrête son ambition, et renverse sa victoire. Viendra un jour où elle sera bafouée, et où on lui dira : « Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? ». « L’amour est fort comme la mort », car la mort de la mort c’est l’amour du Christ, comme le suggère cette parole : « Mort, je serai ta mort ; enfer, je serai ta perte ».

L’amour dont nous aimons le Christ est, lui aussi, puissant comme la mort, car il est une sorte de mort : l’extinction de la vie ancienne, l’abolition des vices, l’abandon des œuvres de la mort. Cet amour que nous avons pour le Christ est comme une réponse à celui qu’il nous porte ; bien qu’il lui soit inégal, il est à son image. Lui nous a aimés le premier, et, par l’exemple d’amour qu’il nous a offert, il est devenu pour nous un sceau qui nous permet de nous laisser conformer à son image, de déposer le masque terrestre et de revêtir la figure céleste. À nous d’aimer le Christ comme il nous a aimés : « Il nous a laissé son exemple pour que nous suivions ses traces ».

C’est pourquoi il dit : « Pose-moi comme un sceau sur ton cœur », ce qui revient à dire : « Aime-moi comme je t’aime. Porte-moi dans ton esprit, dans ta mémoire, dans ton désir, dans tes soupirs, tes gémissements, tes sanglots. Rappelle-toi, homme, en quel état je t’ai créé, combien je t’ai élevé au-dessus des autres créatures, de quelle dignité je t’ai ennobli, comment je t’ai couronné de gloire et d’honneur, comment je t’ai placé peu au-dessous des anges et comment j’ai tout mis sous tes pieds. Rappelle-toi non seulement tout ce que j’ai fait pour toi mais quelles épreuves et quelles humiliations j’ai souffertes pour toi. Vois si tu ne te montrerais pas injuste envers moi, si tu ne m’aimais pas ! Alors, si tu m’aimes, montre-le ! Aime, non de parole et de langue, mais en acte et en vérité. ‘Pose-moi comme un sceau sur ton cœur’ et aime-moi de toutes tes forces ».

Seigneur, fais ce que tu commandes : enlève mon cœur de pierre, ce cœur dur et incirconcis. Donne-moi un cœur nouveau, un cœur de chair, un cœur pur. Toi qui purifies les cœurs, toi qui aimes les cœurs purs, prends possession de mon cœur, habite-le, enveloppe-le, remplis-le. Tu es plus grand que ma grandeur, plus intime que le fond de mon être.

Baudouin de Ford  (1120-1190) – (Traité 10 : PL 204, 513- 516 - extraits)

Baudouin de Ford, Archidiacre de Totnes qui après 11 ans de vie cistercienne, fut nommé évêque de Worcester en 1180, puis archevêque de Canterbury et primat d’Angleterre en 1184. Baudouin de Ford fut également nommé légat du Saint-Siège, il accompagna Richard Cœur de Lion à la croisade et mourut à Tyr en Syrie le 16 octobre 1190