Août – La chambre du coeur
Mois d’Août
« Dans la chambre de ton cœur »
Aelred de Rievaulx
Rappelle-toi, mon Fils, ce qu’il t’arrive de murmurer dans les recoins, quand à l’exemple de la tourterelle, cet oiseau très chaste, tu te cherches des cachettes, tu te construis chaque jour une solitude, malgré la foule qui t’entoure. Comme tu gémis, comme tu brûles de désir, comme tu cherches Celui qu’aime ton âme, et d’un amour impatient, tu souhaites voir déjà Celui que tu aimes : “Le chant de la tourterelle s’est fait entendre dans notre terre”. C’est en effet dans la terre des vivants que s’entend ce cri d’une âme ardente et que le parfum si suave du désir charme toute la cité de Dieu.
Il t’arrive alors, dans ce recoin, ce qui est arrivé à Élie dans la caverne. “D’abord passe un vent violent renversant les montagnes et brisant les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans le vent. Après le vent, un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans le feu. Et après le feu, le souffle d’une brise légère”. Ce sont là comme des degrés par lesquels l’âme contrite s’élève dans la prière, comme les volutes d’un parfum de myrrhe, d’encens, et de toutes sortes de poudres odoriférantes.
Mais je laisse cela moins à tes investigations qu’à l’expérience que tu as de la prière. Remarque donc attentivement comme il t’est parfois difficile d’entrer de prime abord dans la chambre de ton coeur pour y trouver une caverne où t’ensevelir, en quelque sorte, loin de tout ce qui est du monde, pour y prier ton Père dans le secret. Quelquefois le coeur semble dur comme un caillou. Une montagne paraît s’être interposée, bouchant la vue de l’âme sur toutes les choses spirituelles, jusqu’à ce que passe un vent fort et violent qui renverse les montagnes et brise les rochers devant le Seigneur. Ce vent violent est suivi d’un tremblement de terre, lorsque le sentiment d’être pécheur fait fondre la dureté du coeur et qu’un flot de larmes lave tout ce que l’âme sent en elle de souillures. Intérieurement brisée de contrition, elle est fortement émue contre elle-même. Alors naît l’espérance, le feu d’un désir ineffable s’allume et l’âme engage avec Dieu une sorte de combat spirituel, jusqu’à ce que le souffle d’une brise légère, se glissant au fond de son coeur, effleure son affection de son doux toucher. Imposant silence à tout mouvement, à tout souci, à toute parole, à toute pensée, l’âme qui contemple s’élève jusqu’aux portes de la Jérusalem céleste.
Alors, Celui qu’elle a si longtemps cherché, tant de fois supplié et si ardemment désiré, le plus beau des enfants des hommes, la regardant comme à travers le treillis, l’invite aux baisers : “Lève-toi, dit-il, hâte-toi, mon amie, et viens !” Alors, pénétrant dans Jérusalem, elle entre dans la tente admirable, jusqu’à la maison de Dieu, parmi les cris de liesse et de louange. Ce sont alors des étreintes, des baisers : elle s’écrie : “J’ai trouvé Celui qu’aime mon âme ; je le tiens et ne le lâcherai pas !”. En Jérusalem, elle surabonde alors de délices, elle jouit de ses biens et célèbre un jour de fête dans la joie de l’exultation.
Aelred de Rievaulx – Quand Jésus eût douze ans, III, 21, 22.
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