Juin – Après la Pentecôte…
JUIN – APRES LA PENTECOTE
UN BRUIT
DU FEU
DES LANGUES
NOUS SOMMES TOUS ENVOYES
Ecoutons Hélinand de Froidmont
Sermon 16 sur la Pentecôte
Un bruit, du feu, des langues
Pour parler du feu divin, ou plutôt du Dieu tout en feu, tout langage est déplacé et sans profit, s’il n’est de feu ; toute parole est malvenue et superflue, si elle n’est de feu. De là vient qu’aujourd’hui l’Esprit Saint paraît tomber du ciel sur les disciples rassemblés en un seul lieu, sous la forme de petites sortes de langues qui se partagent. C’est pour montrer que sa loi de feu ne peut être prêchée d’une manière valable et sûre qu’en paroles de feu et par des langues enflammées. Or toute parole que l’on prononce du bout des lèvres, comme on dit, est tenue pour froide et morte : elle ne sort pas d’une poitrine débordante, elle ne sort pas en bouillonnant de la source du cœur. Toute parole, dis-je, est à compter pour froide et morte, si elle ne vit pas dans le secret de la conscience et ne se reflète pas dans le miroir de la vie.
« Tout-à-coup vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent », et peu après : « Ils virent apparaître des langues comme de feu, qui se partageaient ». Il nous faut donc considérer ici trois choses : un bruit, du feu, des langues. Cherchons donc si nous ne pourrions trouver dans cette œuvre de l’Esprit Saint quelques traces de la Trinité. De fait, l’Esprit Saint est descendu en ce jour sur les disciples en les marquant d’un signe trinitaire, avec du bruit, avec du feu, avec des langues. Avec un bruit terrible, avec un feu visible, avec des langues étincelantes.
Le bruit est venu du ciel, le feu du bruit, les langues du feu. Le bruit fut soudain, le feu lumineux et inoffensif, les langues flamboyantes. Le bruit fut pour l’oreille, le feu pour les yeux, les langues pour la parole. Le bruit pour terrifier, le feu pour éclairer, les langues de feu furent tout à la fois pour enflammer et pour resplendir. Le bruit effrayant fut un signe de force et de puissance, le feu lumineux et inoffensif fut un signe de sagesse et de justice, les langues de feu furent signe d’amour et de doctrine. Le Père retentit donc bien dans le bruit, puisqu’en lui réside la puissance ; le Fils brilla dans le feu, lui qui est la Sagesse et d’où vient toute justice ; et l’Esprit Saint flamboya dans les langues de feu, lui qui est l’Amour du Père et du Fils et qui enseigne à tout homme la science. Le Père se manifeste donc dans le fracas pour être craint ; le Fils resplendit pour être cru ; l’Esprit Saint se montre tout en feu pour être aimé. Comment ne pas craindre celui qui peut tout ? Qui est plus digne de foi que celui qui sait tout ? Quoi de plus aimable que celui qui donne tout ? Craignons donc la puissance du Père qui peut nous condamner, croyons à la Sagesse du Fils, car il ne saurait se tromper, aimons la bonté du Saint-Esprit, car il ne saurait blesser. Craignons le Tout-Puissant, croyons celui qui sait tout, aimons celui qui donne tout. Car d’abord il faut craindre Dieu, puis le croire, et en troisième lieu, l’aimer : le salut commence par la crainte, on progresse par la foi, mais c’est dans l’amour qu’on est parfait. La crainte du Seigneur est le début de la science du salut, la foi le développe, l’amour l’achève. Nous nous mettons en route par la crainte, nous marchons par la foi, et par l’amour nous parvenons là où nous allons. La crainte ne mène à rien sans la foi ; la foi ne mène à rien sans l’amour.
Extraits du Sermon 16, sur la Pentecôte. PL 212, 611-613.
Qui est Hélinand de Froidmont
Pendant la seconde moitié du douzième siècle et le premier quart du treizième, toute une succession de moines cisterciens – prédicateurs, légats, évêques et archevêques – se consacrèrent à la campagne contre l’hérésie. Hélinand, ancien trouvère devenu moine à l’abbaye beauvaisienne de Froidmont, doit être compté parmi ces « clercs de la croisade ».
Hélinand de Froidmont et la prédication cistercienne dans le Midi – Kienzle, Beverly M.
Hélinand de Froidmont est né dans une famille noble d’origine flamande, réfugiée à Pronleroy ou Angivillers, près de Saint-Just-en-Chaussée, actuel département de l’Oise, vers 1160.
Il suit ses études à Beauvais sous la direction d’un élève d’Abélard, le grammairien Raoul. De par ses origines aristocratiques, il côtoie de grands seigneurs et quelques prélats. Il est l’ami de l’évêque de Beauvais, Philippe de Dreux, cousin du roi Philippe Auguste.
Poète, doué d’une belle voix, il mène la vie de trouvère et se produit sur les places publiques et jusqu’à la cour du roi. Poète reconnu, il décide pourtant, un jour de devenir moine. Touché par la grâce, il se « convertit » et entre au monastère de Froidmont (Picardie) diocèse de Beauvais. Il continue d’être poète mais sous une autre forme. Il reste muet quelques années puis compose de nombreuses œuvres en latin et en français, petits traités et une chronique universelle et les célèbres Vers de la Mort, (cinquante strophes) de 1194 à 1197. Il est alors un modèle de piété et de mortification au monastère. Il consacre chaque instant (hors le temps dévolu aux tâches monastiques) aux études ecclésiastiques et, après son ordination, à la prière et à l’écriture.
Hélinand est un esprit puissant, il a une grande dévotion à la Vierge, il aime la liturgie, et sait décrire de manière prenante les gestes qui l’expriment.
Il décède le 3 février 1223, 1227 ou 1237. À Beauvais, il fut parfois honoré comme un saint et on célébrait sa fête le 3 février, mais son culte n’a jamais été approuvé par l’Église universelle