Juillet – L’arbre… St Benoît
Mois de Juillet
« L’arbre… c’est saint Benoît »
Ecoutons Saint Bernard – Sermon pour la fête de Saint Benoît (extraits)
[…] Puisque j’ai reçu mission de vous servir aujourd’hui le pain de la parole de Dieu, comme je n’ai rien chez moi à vous offrir, je vais demander au bienheureux Benoît de me prêter trois pains que je puisse vous servir. Ce sera donc le pain de sa piété, celui de sa justice et celui de sa sainteté, qui apaiseront votre faim. Rappelez-vous, mes frères, que tous ceux qui prirent part à l’entrée triomphale du Seigneur, n’étendirent point leurs vêtements le long du chemin, oui, dans cette procession que bientôt, avec la grâce de Dieu, nous allons célébrer en mémoire de celle où les populations se pressaient au-devant du Seigneur qui venait à Jérusalem pour sa passion, et qui s’avançait monté sur un âne, tous n’étendirent point leurs vêtements par terre sur son passage, il y en eut qui coupèrent des branches d’arbres devant lui…
L’arbre, c’est saint Benoît, il est grand, il porte du fruit, c’est l’arbre planté près d’un ruisseau d’eau vive (Ps1,3). Où rencontre-t-on des ruisseaux ? N’est-ce point dans les vallées, n’est-ce point entre les montagnes que les eaux s’écoulent ? Qui ne sait, en effet, que les torrents descendent toujours des flancs escarpés des montagnes, et que toujours les vallées se maintiennent dans une sorte d’humble milieu. Voilà comment Dieu résiste aux superbes, et donne sa grâce aux humbles (Jc 4, 6). C’est donc là que vous pourrez asseoir le pied en toute sécurité, vous qui êtes la monture du Christ, c’est sur ce rameau qu’il faut l’appuyer, c’est le sentier de la vallée que vous devez suivre. En effet, nous n’avons point l’habitude de choisir les montagnes pour faire des semis d’arbres, parce que le plus ordinairement elles sont arides et pierreuses. C’est dans les vallées qu’on trouve une terre grasse, que les plantes profitent, que les épis sont pleins, et que le grain rapporte cent pour cent selon la remarque de celui qui a dit : « Les vallées seront fertiles en froment (Ps 64, 14). » Ainsi, vous l’entendez, partout on fait l’éloge des vallées, partout on recommande l’humilité. Plantez donc là où les eaux ont établi leur cours, c’est là, en effet, que vous trouverez la grâce spirituelle en abondance, les eaux qui sont au-dessus des cieux louent le nom du Seigneur, c’est-à-dire, les bénédictions du ciel font qu’il soit loué. Établissons-nous dans l’humilité, mes frères, soyons-y plantés, si nous voulons ne point nous dessécher. […] C’est ainsi que, planté le long d’un ruisseau d’eaux vives, ce saint confesseur du Seigneur a produit du fruit en son temps…
Il y a des arbres qui ne portent point de fruit, il en est d’autres qui en portent, mais le fruit qu’ils donnent n’est pas leur fruit ; enfin, il s’en trouve des troisièmes qui portent du fruit qui est bien leur fruit, mais qui ne le portent point en son temps.
Il y a donc, comme je le disais, des arbres stériles, tels sont les chênes, les ormeaux, et tous les arbres de la forêt, personne ne plante ces essences dans son verger, parce qu’elles ne produisent point de fruit, ou si elles en donnent, c’est un fruit qui ne peut servir à l’homme, qui n’est bon que pour les pourceaux. Tels sont les enfants de ce monde, qui passent leur vie dans la débauche et l’ivrognerie dans l’excès des viandes et de la bonne chère, dans les orgies et l’immoralité. (Rm 13, 13)
Les arbres qui portent du fruit, mais non leur fruit, sont les hypocrites. Semblables à Simon le Cyrénéen, ils portent une croix qui n’est pas leur croix, mais qui sont forcés de la porter, parce qu’ils manquent de toute pensée de religion, ils se voient, par l’amour et le désir de la gloire, contraints de faire ce qu’ils n’aiment point.
Enfin, pour ce qui est des arbres qui portent du fruit, mais qui ne le portent point « en leur temps, » on entend ceux qui veulent aussi porter des fruits avant que le temps en soit venu. Est-ce que, quand les arbres de nos vergers poussent plus tôt qu’il ne faut, nous n’avons point de crainte pour leurs fleurs trop hâtives ? Ainsi en est-il de ceux dont les fruits, pour être trop précoces aussi, ne réussissent pas bien. Tels sont ceux qui, dès les premiers temps de leur conversion, pensent pouvoir porter des fruits d’une autre époque, et se hâtent, en dépit du précepte, de labourer leurs champs avec le premier né de la génisse, et de tondre le premier agneau de la brebis. Voulez-vous savoir avec quel soin notre saint maître a évité de tomber dans ce défaut ? C’est le rameau que je veux vous offrir. Connu de Dieu seul l’espace de trois ans, il demeura tout ce temps-là inconnu aux hommes. Il n’en porta pas moins du fruit, et même en abondance, comme vous pouvez le voir, mais il le porta en son temps. Il ne croyait pas que le temps était venu pour lui de donner des fruits, alors que les tentations de la chair le mettaient à une si rude épreuve, qu’il s’en fallut peu qu’il ne succombât, ou qu’il ne se retirât. Je ne veux point négliger de vous présenter ce rameau, s’il est hérissé et chargé en quelque sorte d’épines sur lesquelles notre Benoît du Seigneur se roula lui-même, cependant, il a son utilité, il en a une pour la monture du Seigneur qu’elle éloigne du fossé de la tentation, empêche d’y tomber par le consentement, et à qui elle donne la force de tenir bon, d’agir avec courage et d’attendre le Seigneur sans perdre tout espoir. Voilà le rameau sur lequel vous devez vous appuyer, vous qui êtes la monture du Christ, qui doit vous apprendre à ne jamais céder à la tentation, si terrible qu’elle soit, et à ne pas vous croire alors abandonné de Dieu, mais à vous rappeler qu’il est écrit : « Invoquez-moi au jour de l’affliction, je vous en délivrerai, et vous m’honorerez » …
Saint Benoît ne pensait donc pas, comme je le disais, que le temps de porter des fruits fût encore venu pour lui, tant qu’il se sentait en butte à de si grandes tentations, mais ce temps vint enfin, et alors il donna du fruit en son temps. Or ce fruit, c’est ce dont j’ai parlé précédemment, sa sainteté, sa justice et sa piété. Ses miracles montrent la première, sa doctrine est une preuve de la seconde, et sa vie est là pour attester la troisième. Vous voyez, ô vous qui êtes la monture du Christ, vous voyez là des rameaux parés de feuilles verdoyantes, couverts de fleurs et chargés de fruits. Que votre pied s’appuie sur ces rameaux-là, si vous voulez diriger vos pas dans la droite voie. Mais pourquoi vous parler de ses miracles ? Est-ce pour vous suggérer le désir d’en faire ? Dieu m’en garde, mais c’est pour que vous vous appuyiez sur ses miracles, c’est-à-dire, c’est pour que vous soyez plein de joie et de confiance, en vous voyant sous un ici pasteur, et en vous disant que vous avez le bonheur d’avoir un si grand patron. Car il est bien certain que celui qui se montra si puissant quand il n’était encore que sur la terre, ne peut manquer de l’être bien davantage, à présent qu’il est dans les cieux où il se trouve aussi élevé en gloire qu’il l’a été en grâce. On sait, en effet, que les rameaux de l’arbre sont en proportion de la grandeur de ses racines, et que les premiers, dit-on, sont en même nombre que les secondes. Par conséquent, si nous ne faisons point de miracles, nous autres, ce doit toujours être un grand sujet de consolation pour nous, que notre patron en ait fait. D’un autre côté, par sa doctrine il nous instruit et dirige nos pas dans les sentiers de la paix, et par la justice de sa vie, il nous donne des forces et du courage, et nous anime d’autant plus à faire ce qu’il nous a enseigné, que nous savons pertinemment qu’il ne nous a enseigné que ce qu’il a fait lui-même. Il n’est pas, en effet, d’exhortation si pleine de vie et d’efficacité que l’exemple, car celui qui fait ce qu’il conseille le rend facile à persuader, puisqu’il montre, par sa conduite, que ce qu’il conseille est praticable…
Saint Bernard – Sermon pour la fête de saint Benoît (extraits)
Texte intégral – Sermon pour la fête de saint Benoît (extraits)