Août – Saint Bernard

MOIS D’AOUT – SAINT BERNARD

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Le retour du fils prodigue. Détail d’un vitrail de la basilique du Sacré-Coeur de Paray-le-Monial. Photo: Flickr/Lawrence OP

2016 – ANNEE DE LA MISERICORDE

A L’IMAGE DU FILS PRODIGUE

SAINT BERNARD NOUS INVITE A FAIRE PENITENCE

Sermon 13 – Les trois miséricordes de Dieu et les quatre pitiés

La première miséricorde de Dieu : sa patience

1.    Pitié pour moi, Seigneur, en ta grande miséricorde (Ps. 50, 3). De même qu’il y a des péchés petits, moyens et grands, de même y a-t-il une petite, une moyenne et une grande miséricorde. C’est donc le grand pécheur qui a besoin d’une grande miséricorde, pour que là où le péché a abondé, la grâce surabonde (Rom. 5, 20).

Par « petite miséricorde », je veux dire la patience dans laquelle Dieu, au lieu de punir immédiatement le pécheur, attend qu’il fasse pénitence. Non qu’elle soit petite en elle-même : elle l’est en comparaison des deux autres. Car en soi elle est grande ; oui, de manière absolue, elle est grande cette miséricorde que constitue l’attente de Dieu. Lorsque l’ange a péché, Dieu n’a absolument pas temporisé, il l’a précipité du ciel. Pour l’homme aussi, lorsqu’il a péché, Dieu ne lui a pas laissé de délai, il l’a aussitôt chassé du paradis.

Mais voici maintenant qu’il attend, qu’il garde le silence, et supporte le pécheur dix ans, vingt ans, et jusqu’à sa vieillesse et son âge mûr (Ps. 70, 18). Et par comparaison avec le nombre de péchés que nous commettons chaque jour, ne devons-nous pas considérer comme légers ces péchés-là, qui ont pourtant reçu sans retard leur sentence de condamnation ?

Il n’y a donc pas à s’étonner si le prophète lui-même a presque bronché, et si ses pas ont failli glisser quand il s’est indigné de voir la paix dont jouissent les pécheurs. Ceux-ci disent en effet: Comment Dieu saurait-il ? chez le Très-Haut y a-t-il connaissance ? (Ps. 72, 2, 3, II).

Mais voici la grâce de la croix du Christ et sa puissance : Par ma vie, dit le Seigneur, je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive (Ez. 33, 11). A mon sens, c’est ici la voix du Christ en train de ressusciter. Comme s’il disait : que le Juif le veuille ou non, par ma vie, je ne veux pas la mort du pécheur, moi qui ai voulu mourir pour les pécheurs; je veux que ma mort porte tout son fruit, et que par elle la rédemption soit généreuse.

2.    Cette miséricorde du Seigneur, par laquelle il repousse le moment de frapper et se tient prêt à pardonner, je ne l’ai pas qualifiée de « petite » en elle-même, bien sûr, mais par comparaison avec les deux autres. Car, à elle seule, elle est absolument insuffisante pour sauver. Au contraire, elle aggrave le jugement de condamnation, selon les mots du psaume : Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu (Ps. 49.21). Écoutons l’Apôtre, tonnant à sa manière, terrible : Méprises-tu les richesses de la bonté et de la longanimité de Dieu ? Ignores-tu que sa patience devrait te conduire à la pénitence ? Mais toi, par ton endurcissement et l’impénitence de ton cœur, tu amasses contre toi un trésor de colère (Rom. 2.4 s).

Tu amasses contre toi, dit-il, des trésors de colère à la mesure des trésors de miséricorde qui t’étaient proposés et que tu méprises. Tu repousses ainsi loin de toi la miséricorde de Dieu. Et à cause de quoi ? A cause de ton endurcissement et de l’impénitence de ton cœur.

La deuxième miséricorde de Dieu : la grâce de la repentance

Or, qui fendra cet endurcissement, sinon celui qui, par sa passion, a fendu les rochers (Mt. 27. 51) ? Et qui fera le don d’un cœur pénitent, sinon celui de qui nous tenons le meilleur (Jcq. 1. 17) ?

3.    La voilà, précisément, la deuxième miséricorde, plus grande que la première, puisqu’elle empêche celle-ci d’être infructueuse et de se tourner en condamnation à mort. Elle donne la pénitence, sans laquelle la patience de Dieu non seulement ne nous sert de rien, mais nous dessert absolument. Elle peut suffire, à la vérité, pour les péchés légers. Oui, pour ces péchés dont nous ne pouvons-nous abstenir complètement tant que nous vivons dans ce corps de péché (Rom. 6.6), la pénitence quotidienne peut suffire au salut.

La troisième miséricorde de Dieu : la grâce de la libération

Mais pour ce qui est des péchés graves, de ceux qui conduisent à la mort (1 ln 5. 16), il faut non seulement la pénitence, mais la capacité de s’abstenir du péché. Chose difficile, assurément, et dont la puissance de Dieu est seule capable, puisqu’il s’agit de rejeter, loin des épaules qui l’ont reçu une fois, le joug du péché. De fait, celui qui commet le péché est esclave du péché (ln 8.34), et seule une main forte peut l’en libérer.

4. Telle est la grande miséricorde, nécessaire aux grands pécheurs, et dont il est dit : Pitié pour moi, Seigneur, en ta grande miséricorde, en tes multiples bontés.

Les quatre degrés de la bonté de Dieu

Des quatre filles de la grande miséricorde, on a dit qu’elles sont : la venue en nous de l’amertume, la mise à distance de l’occasion du péché, la force de résister, et enfin la guérison de notre volonté aimante.

Chez celui que tel ou tel péché tient captif, il arrive en effet que Dieu, dans sa bonté, envoie certains sentiments d’amertume, qui s’emparent de l’esprit de cet homme, et en chassent le plaisir pernicieux qu’il prend à ce péché. Il arrive aussi que Dieu supprime l’occasion du péché, pour que la faiblesse de l’homme n’ait plus à subir la tentation. Il arrive en outre – et c’est une grâce plus précieuse encore – que Dieu donne la force de résister, de telle manière qu’en éprouvant la tentation, l’homme réagisse avec courage et ne consente pas à pécher. Il arrive enfin que Dieu guérisse l’élan de la volonté. C’est là vraiment la situation la plus parfaite : la tentation en est si totalement extirpée que non seulement l’homme refuse d’y consentir, mais qu’il ne la ressent même plus.

Extraits des « Petits sermons » de Saint Bernard – Sermon 13

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