Novembre – Bienheureux…

NOVEMBRE

Fête de Tous les Saintspauvres-en-esprit

Les béatitudes :

« Bienheureux les pauvres d’esprit »

Ecoutons Saint Bernard dans son premier sermon pour la Toussaint

7. « Et, ouvrant la bouche, il les instruisait. » Aujourd’hui il ouvre sa propre bouche, comme il avait autrefois ouvert celle des prophètes. C’est pour cela que le Psalmiste a dit quelque part : « Seigneur tu m’ouvriras la bouche et mes lèvres annonceront tes louanges » (Ps 117). Après avoir parlé autrefois en diverses occasions et en diverses marnières dans les prophètes (He 1, 1), il parle enfin lui-même à son tour, comme s’il avait dit : Je vous parlais autrefois, aujourd’hui me voici devant vos yeux. Heureux ceux qui ont entendu parler la Sagesse même incarnée, qui ont recueilli des lèvres mêmes du Verbe de Dieu les paroles qui en découlaient. Mais ce qu’ils ont entendu nous a été conservé et nous pouvons l’entendre à notre tour, quoique ce ne soit plus de ses lèvres. « Ouvrant donc la bouche, il les instruisait en disant : Bienheureux les pauvres d’esprit » (Mt 5, 2). Oui, on peut bien dire qu’il a ouvert sa bouche où se trouvent cachés des trésors de sagesse et de science et sa doctrine est bien celle de Celui qui a dit dans l’Apocalypse, « Je m’en vais faire toutes choses nouvelles » (Ap 22, 5) et qui auparavant avait dit par un prophète, « Je vais ouvrir ma bouche et je vous révèlerai des choses cachées depuis le commencement du monde » (Ps 77, 2). Qu’y a-t-il de plus caché, en effet, que le bonheur de la pauvreté? Et pourtant c’est la vérité même qui nous en parle, la vérité qui ne peut ni tromper ni induire en erreur, c’est elle qui nous apprend que « les pauvres d’esprit sont bienheureux » (Mt 5, 3). Et vous insensés enfants d’Adam, vous recherchez encore les richesses, vous désirez toujours les richesses, quand le bonheur de la pauvreté a été annoncé, prêché par un Dieu au monde et cru des hommes! Que les païens les recherchent, ils vivront sans Dieu; qu’un juif soupire après elle, il n’a reçu que des promesses qui ont rapport à la terre; mais de quel front, disons mieux, avec quelle conscience un Chrétien recherchera-t-il les richesses, après que le Christ lui-même a proclamé que les pauvres sont bienheureux ? Jusques à quand, enfants étrangers, jusques à quand votre bouche continuera-t-elle à ne parler que de vanité et à proclamer heureux les hommes qui possèdent ces choses, ces biens visibles, les biens de la vie présente, quand le Fils de Dieu a ouvert la bouche pour nous faire entendre la vérité, pour dire heureux les pauvres, malheur aux riches ?

8. Mais remarquez bien qu’il ne parle pas des pauvres en général, des hommes du peuple qui ne sont pauvres que par le fait d’une misérable nécessité, non d’un acte louable de leur volonté. Je sais bien que leur misère et leur affligeante détresse, peut leur être utile auprès de la miséricordieuse bonté de Dieu, mais je sais aussi que le Seigneur n’a point parlé d’eux en cet endroit; il n’a parlé que de ceux qui peuvent dire avec le Prophète : « Mon sacrifice sera volontaire3 (Ps 53, 8). Il ne faut pas non plus conclure de là que toute espèce de pauvreté volontaire soit ici l’objet des louanges de Dieu. En effet, il y eut des philosophes qui quittèrent tout, nous dit-on, afin, étant libres de tout souci des choses de ce monde, de pouvoir s’adonner plus librement à l’étude de la vanité; ils ne voulaient point être riches des biens de la terre afin de l’être d’avantage des choses qu’ils goûtaient plus. C’est pour les exclure qu’il est dit « les pauvres d’esprit » c’est-à-dire pauvres par le fait d’une volonté toute spirituelle. « Bienheureux donc les pauvres d’esprit » c’est-à-dire ceux qui le sont par suite d’une intention, d’un désir spirituel, uniquement pour plaire à Dieu et pour faire leur salut : « car le royaume des cieux est à eux ». Or qui est-ce qui parle ainsi, qui déclare les pauvres bienheureux et les enrichit de la sorte? Est-ce parce qu’il dit est vrai? Oui, n’en doutez pas car celui qui promet qu’il en sera ainsi, est capable de tenir à ses promesses. Si l’ennemi murmure, il lui répondra : Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux ? Et votre œil est-il mauvais parce que je suis bon ? » Mt 20, 15) Si tu as été justement humilié pour avoir voulu t’élever contre moi, ne faut-il pas élever ceux qui s’humilient pour moi? En effet, mes frères, si ce misérable ennemi a été précipité du ciel, pour avoir aspiré à la grandeur, convoité l’élévation et présumé de monter plus haut qu’il n’était, n’est-il pas logique que ceux qui sont descendus à l’humble rang des pauvres volontaires, soient heureux et « possèdent le royaume des cieux » qu’il a perdu ? Remarquez aussi avec quel à propos la Sagesse même a commencé par indiquer le remède au premier péché. C’est comme s’il avait, dit en termes plus clairs : Vous voulez obtenir le ciel que l’ange a perdu par son orgueil, l’ange qui a été confondu dans sa propre force et au sein de ses innombrables richesses ? Embrassez l’humble pauvreté et il est à vous. Mais continuons.

Saint Bernard – Sermon 1 pour la Toussaint (Extraits : 7, 8)
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