Janvier – Epiphanie

Mois de Janvier

« Où est le roi des Juifs qui est nouvellement né ? (Mt 2, 2)

Ecoutons Saint Bernard dans son 3e sermon pour le jour de l’Epiphanie de Notre Seigneur (7-8)

7. Mais comme nous avons parlé de manifestation, il est bien que nous recherchions qu’est-ce qui se manifeste à nous dans cette fête. L’Apôtre se charge de nous l’apprendre en nous disant : « Ce qui a paru, c’est la bonté et l’humanité du Sauveur notre Dieu (Tt 3,4). » Et, en effet, nous avons entendu l’Evangéliste nous dire que «étant entrés dans la maison, les Mages y trouvèrent l’Enfant avec Marie sa mère (Mt 2,41). » Or dans ce corps d’enfant qu’une mère réchauffait contre son sein virginal, qu’est-ce qui apparaît sinon la vérité de la chair qu’il a prise? Dans la seconde manifestation, ne vous semble-t-il point qu’il est manifestement proclamé Fils de Dieu de la bouche même de son Père? En effet, les cieux s’entrouvrirent au-dessus de sa tête, le Saint-Esprit en descendit sur lui sous la forme corporelle d’une colombe, et en même temps la voix du Père fit entendre ces paroles : « Celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances (Mt 3,17). » Certes, il est assez manifeste après cela, il est assez évident et assez indubitable que le Fils de Dieu ne peut être que Dieu lui-même. Personne, en effet, ne révoque en doute que les enfants des hommes soient des hommes aussi, ni que les petits des animaux soient de la même espèce que ceux dont ils sont nés. Toutefois, pour qu’il n’y ait plus place pour une erreur sacrilège, celui qui, dans la première manifestation, fut reconnu pour vrai homme et fils d’homme, et qui dans la seconde, n’en est pas moins déclaré Fils de Dieu, se montre dans la troisième vrai Dieu et véritable auteur de la nature qu’il change à son gré. Pour nous, par conséquent, mes bien-aimés, aimons Jésus-Christ comme étant véritablement homme et notre frère; honorons-le comme Fils de Dieu, et adorons-le comme Dieu. Croyons avec une entière sécurité en lui, et confions-nous à lui avec la même sécurité, mes frères, car le pouvoir de nous sauver ne lui manque point, puisqu’il est vraiment Dieu, et Fils de Dieu; non plus que la bonne volonté, attendu qu’il est comme l’un de nous un homme véritable et fils de l’homme. Comment pourrait-il se montrer inexorable à notre égard, quand il s’est fait, pour nous, semblable à nous et sujet à la douleur?

8. Si vous désirez maintenant que je vous dise sur ces trois manifestations quelques mots qui aient rapport à la pratique, je vous prie de remarquer avant tout que le Christ se montre enfant avec une Vierge pour mère, afin de nous apprendre à rechercher par-dessus tout, la simplicité et la modestie. La simplicité est, en effet, le partage de l’enfance, de même que la modestie est l’apanage des vierges. Par conséquent, nous tous, qui que nous soyons, il est deux vertus surtout que nous devons acquérir dès le principe même de notre conversion, c’est une humble simplicité, et une gravité pleine de modestie. Dans la seconde manifestation, le Sauveur vient aux eaux du baptême, non pour être purifié, mais plutôt pour recevoir le témoignage de son Père. Tout cela représente les larmes de la dévotion dans lesquelles on recherche bien moins à obtenir le pardon de ses fautes, qu’à complaire à Dieu le Père, lorsque l’esprit des enfants d’adoption descend sur nous pour rendre témoignage à notre propre esprit, que nous sommes les enfants de Dieu, en sorte qu’il nous semble entendre du haut du ciel une voix douce comme le miel qui nous assure que Dieu le Père se complaît véritablement en nous. Or, il y a une grande différence entre ces larmes de la dévotion et de l’âge viril, et celles que le premier âge laissait couler su milieu des vagissements de l’enfance et qui n’étaient que les larmes de la pénitence et de la confession. Toutefois, il en est d’autres qui sont bien supérieures aux premières, ce sont celles qui prennent le goût du vin; car on peut dire avec vérité que les larmes de la compassion fraternelle qui s’échappent dans l’ardeur de la charité, sont véritablement changées en vin, attendu que, par la charité, il semble qu’on s’oublie soi-même un instant comme par l’effet d’une ivresse pleine de sobriété.

Saint Bernard – 3e Sermon pour le jour de l’Epiphanie de Notre Seigneur, 7-8 – Extraits
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