Janvier – Epiphanie

Mois de janvier

« Apportez au Seigneur, enfants de Dieu, apportez-lui des présents »

Ecoutons Guerric d’Igny

Sermon 1 pour le jour de l’Epiphanie (extraits)

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Adoration des Mages – Giotto di Bondone – vers 1305 – Padoue

Quels trésors d’or, d’or au premier titre, d’or éprouvé au feu, ne possèdes-tu pas, quels trésors non-seulement de myrrhe et d’encens, mais encore de toutes sortes d’essences de parfumeurs ? Que dis-je, qui sont ceux qui possèdent des richesses de ce genre, sinon les pauvres du Christ ?

Cherchez en vous… Quels trésors de bonnes œuvres, quel amas de fruits précieux sont cachés dans le champ du corps de l’homme, et combien plus y en a-t-il dans son cœur, si on les y cherchait et si on y fouillait !… Si donc vous rentrez dans votre cœur, si vous exercez votre corps, ne doutez point que vous trouverez des trésors précieux : si l’or et l’encens ne se présentent point du premier coup, vous trouverez une myrrhe qui ne sera pas inutile. N’appelez pas inutile ou vile une substance que le Christ accepte en présent, par laquelle il a voulu que la sépulture de son corps fût non-seulement indiquée à l’avance quand on la lui offrit, mais encore achevée, lorsqu’il en fut embaumé dans le tombeau.

« Lève-toi, Jérusalem, sois inondée de clartés, parce que ta lumière s’est montrée.» (Es 60,1) Ce jour rempli de splendeurs, Celui qui est la lumière l’a éclairé et consacré, lorsque, caché et inconnu, il a daigné se révéler au monde pour illuminer la gentilité. Aujourd’hui en effet, il s’est annoncé aux Chaldéens par l’apparition d’un astre nouveau, en sanctifiant, dans ces prémices, la foi de toutes les nations.

Oh! de quelle joie excessive tressaille la foi des Mages en voyant régner dans cette Jérusalem, celui qu’ils adorèrent vagissant à Bethléem ! On l’avait vu dans l’hôtellerie des pauvres, maintenant on le voit dans le palais des anges. Ici-bas, il était revêtu des langes de l’enfance, là-haut, il brille dans les splendeurs des saints. Ici il était sur le sein de sa mère; là-haut, il est sur le trône de son Père. La foi des mages était bien digne, en effet, de recevoir, pour récompense, le bonheur d’une telle vision. Ils ne voyaient dans l’enfant Jésus rien que de faible et de méprisable. Loin de se scandaliser, rien ne les empêche de reconnaître un Dieu dans l’homme et l’homme en Dieu.

Dans ses prémices de la gentilité, dans ces premières plantes de l’Eglise naissante, nous trouvons un beau et remarquable modèle de la marche de la foi dans les âmes. Son point de départ, son progrès et le terme où elle aboutit, en sorte que dans les fils on trouve facilement les traces de ceux qui furent les pères. Car, de même que les Mages ont commencé par voir l’astre, se sont avancés ensuite jusqu’à voir l’enfant, et sont parvenus enfin à la vision de Dieu, de même, en nous, la foi naît par la prédication, elle se fortifie par la vue de certaines images qui nous font voir comme dans un miroir et en énigme Dieu comme s’il était incarné. Elle sera consommée, lorsque, dans notre contemplation, nous verrons face à face, présente et nue, la réalité des choses ; bonheur où l’on parvient à peine sur la terre, et encore faiblement par éclair et en images ; ainsi la foi deviendra connaissance, l’espérance possession, et le désir jouissance. Des étoiles, en effet, brillent sur nous. Je dis des étoiles, car il n’y en a pas qu’une, mais plusieurs, à moins que toutes ensemble n’en fassent qu’une, parce qu’elles n’ont qu’un cœur, et qu’une âme, une même foi, une même prédication, une même vie. Si vous ne savez quelles sont les étoiles dont je parle, demandez-le au prophète Daniel « Ceux qui en instruisent plusieurs pour la justice, seront comme des étoiles dans les perpétuelles éternités. » (Dn 12,3) Saint Paul donne aussi le nom de « luminaires » à ceux qui brillent « au milieu d’une nation méchante et perverse. » (Ph 2.15)

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157) – abbé cistercien
Texte intégral – 1er Sermon pour l’Epiphanie (extraits)