Juin – Magnifier le Seigneur
Mois de Juin
« Mon âme magnifie le Seigneur »
Ecoutons Adam de Perseigne – Lettre 2 (extraits)
Dans l’immensité de sa joie, Marie chante au Seigneur un cantique nouveau : « Mon âme magnifie le Seigneur ». L’âme de Marie magnifie le Seigneur parce qu’elle-même aussi a été magnifiée par le Seigneur. Car si elle n’avait pas été d’abord magnifiée par le Seigneur, l’âme de Marie n’aurait pu magnifier le Seigneur. Elle magnifie donc celui par qui elle est magnifiée ; elle le magnifie non seulement par la louange de sa bouche, non seulement par l’intégrité de son corps, mais par le caractère unique de son amour. Beaucoup le magnifient de langue, mais le blasphèment par leurs actes, le chassent par l’orgueil de leur cœur ; d’eux il est écrit : « Ils disent connaître Dieu, mais par leurs actes, ils le renient ». Ces gens-là ne « magnifient » pas, mais ils « minimisent » le nom du Seigneur dans la mesure où ils le peuvent.
Mais en Marie, la langue magnifie, la vie magnifie, l’âme magnifie le Seigneur : la langue en proclamant par des louanges la sainte munificence de la gloire divine ; la vie en méritant par ses œuvres la même gloire ; l’âme en l’aimant de manière unique, en l’atteignant du vol de sa contemplation, en contenant dans son esprit et dans son sein l’incompréhensible magnificence. « Mon âme, dit-elle, magnifie le Seigneur ! »
Mais comment le magnifiez-vous ? Rendriez-vous plus grand celui dont la grandeur n’a pas de borne ? « Grand est le Seigneur, dit le Psalmiste, et louable infiniment ! » Il est grand, et si grand que sa grandeur ne se compare ni ne se mesure. Comment donc le magnifiez-vous, puisque vous ne le rendez, ni de petit, grand, ni de grand, plus grand ? Vous le magnifiez cependant, parce que vous le louez ; vous le magnifiez parce que, parmi les ténèbres de ce monde, plus lumineuse que le soleil, plus belle que la lune, plus odorante que la rose, plus blanche que la neige, vous élargissez la splendeur de la divine connaissance. Vous le magnifiez donc, non pas en apportant un accroissement à la Grandeur sans mesure, mais en apportant au milieu des ténèbres du monde, la lumière de la vraie divinité, inconnue des gens de ce monde. Vous le magnifiez, lorsque par vos mérites prééminents, vous êtes élevée au point de recevoir la plénitude de grâces, de mériter la visite du Saint-Esprit, et que, devenue Mère de Dieu, tout en demeurant vierge inviolée, vous enfantez un Sauveur au siècle en perdition !
Mais d’où vient cela ? De ce que le Seigneur est avec vous, lui qui de ses dons a fait vos mérites. Voilà pourquoi l’on dit que vous magnifiez le Seigneur, d’autant plus que, en lui, par lui, vous êtes plus largement magnifiée dans le Christ. Qu’est-ce donc à dire que votre âme magnifie le Seigneur, sinon que vous êtes vous-même magnifiée par lui, au point de recevoir magnifiquement la plénitude de grâces, et à vous déployer par des vertus glorieuses et très élevées, jusqu’aux magnificences d’une gloire unique ? « Vous déployer », ai-je dit, parce que vous êtes tout imbibée de la rosée du Saint-Esprit, tout imprégnée de l’onction céleste, si bien que votre âme, désireuse d’aimer, s’étend comme une toison ointe, jusqu’à parvenir jusqu’au Verbe de Dieu lui-même. Vous êtes, en effet, la corbeille de Moïse, le réceptacle du Verbe, le cellier du vin nouveau qui enivre la sobriété des croyants. Vous êtes la Mère de Dieu, le terme du péché, par qui l’humanité émerge du gouffre des vices et atteint aux délices des anges.
Adam de Perseigne – Lettre 2 – 12-15
Abbé cistercien – 1145-1221